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Cyberharcèlement en milieu scolaire : comment définir ce nouveau phénomène qui peut pousser les jeunes victimes jusqu'au suicide
©Reuters

Bonnes feuilles

Un élève sur dix est victime de harcèlement scolaire. C’est parce que comprendre le harcèlement est difficile et qu’intervenir dans de tels contextes est délicat, que cet ouvrage a été conçu à partir du témoignage de professionnels de terrain. Il donne aux professionnels et aux parents les repères qui permettent concrètement de comprendre la dynamique du harcèlement et de savoir que dire, comment et quand le dire, que faire et comment faire. Extrait de "Harcèlement en milieu scolaire", de Hélène Romano, publié chez Dunod (1/2).

Hélène  Romano

Hélène Romano

Docteur en psychopathologie clinique, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme. Elle coordonne la Cellule d’urgence médico-psychologique du 94 et la consultation de psycho traumatisme au CHU Henri Mondor à Créteil, dans le service du Pr Marty. Depuis de nombreuses années elle intervient en milieu scolaire suite à des événements traumatiques et plus particulièrement sur des formations sur les pratiques dangereuses.

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Léna et Margaux dont nous avons parlé dans la partie harcèlement sexuel sont, du fait du support utilisé pour les harceler, victimes decyberharcèlement. Eliott est, quant à lui, menacé de mort via des SMS et Erwan découvre que des rumeurs sur son homosexualité se répandent sur le Net. Sarah, Mélissa et d’autres élèves de primaire comme de collège, se « lâchent » sur les réseaux sociaux pour dénigrer des camarades et les traiter de toutes sortes d’injures. Gaspard s’est fait pirater son compte et ne parvient plus à supprimer les insultes qu’il y découvre alors qu’il ne les a pas écrites ; Justin se fait convoquer par la direction de son collège suite à une page.

1. COMPRENDRE

Facebook créée par d’autres avec son identité, qui déverse des injures de toutes sortes à l’encontre de certains élèves et enseignants, etc. En quelques années, les médias et les technologies de l’information et de la communication ont bouleversé le contexte du harcèlement scolaire : désormais il n’est plus circonscrit à l’espace scolaire (dans les murs, sur le trajet, au cours des périodes de scolarisation) mais apparaît sans aucune limite de lieux et de temps via les écrans. Les supports se multiplient à l’infini : téléphones portables, réseaux sociaux, jeux en ligne, tablettes, courriers électroniques, chats, et conduisent à une forme spécifique de violence : le cyberharcèlement.

Le cyberharcèlement peut être exclusivement moral mais il est le plus souvent connoté par du harcèlement sexuel (cas des sexted/ sextingavec des textes à connotation sexuelle, voire pornographique), physiques (menaces de coup, d’être tué ou d’agression sur un membre de sa famille) et/ou matériel (menace de s’en prendre aux biens de la victime ou à ceux de ses proches). Il se manifeste soit de façon directe (menaces, insultes, humiliation sur le téléphone portable ou sur le réseau social de la victime), soit de façon indirecte (propos à son sujet divulgués sur la toile ; usurpation d’identité). Ce type de violence a plusieurs spécificités :

• Être sans limite temporelle, puisque le harcèlement est possible 24 heures sur 24. La victime n’a plus aucun répit car, même chez elle et même hors période scolaire, elle peut être harcelée. Elle vit dans un état constant d’insécurité et développe une hypervigilance permanente par crainte de recevoir un nouveau message. Cette a-temporalité se manifeste également par le fait qu’une fois créé, le support virtuel est impossible (ou presque) à supprimer et peut ressurgir dans la vie du jeune des mois, voire des années après.

• Être sans limite de destinataires, puisqu’en un clic des milliers d’internautes peuvent avoir accès aux éléments transmis.

• Être possiblement anonyme, puisqu’il est facile de se créer une fausse identité, via un pseudo, pour harceler l’autre ; ce qui génère un climat de suspicion insupportable pour la victime qui ne sait plus à qui faire confiance. Le succès de l’application GOSSIP, gratuitement téléchargeable sur des smartphones en mai 2015 et permettant de lancer des rumeurs de façon totalement anonyme a montré l’intérêt de la génération actuelle pour ce type de support, et combien il était difficile pour les responsables politiques d’intervenir : l’interdiction posant la question de la liberté d’expression et ne réglant rien sur le fond puisque d’autres applications de ce type sont susceptibles d’être créées.

• Permettre une usurpation d’identité puisque n’importe qui peut s’inscrire sur un réseau social avec le nom qu’il veut et que rien ne permet de s’assurer de la réelle identité de celui qui est derrière ce support (nom, sexe, âge, etc.). Des harceleurs peuvent ainsi créer des fausses pages sur des réseaux sociaux, au nom de leur victime dont ils connaissent un certain nombre d’informations et dont ils peuvent même avoir la photo. Une fois cette page créée, avec des éléments véridiques laissant réellement croire que la page est celle créée par le jeune qui y figure, le harceleur peut lui faire dire des insultes, des obscénités et des menaces de toutes sortes. La loi sanctionne désormais « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (art. 226-4-1 du Code pénal).

• Être rapidement incontrôlable, puisqu’une fois l’information répandue sur la toile, il est impossible de la faire cesser, sans faire appel à des services spécifiques (en particulier en appelant le numéro vert de Net Écoute : 0800 200 000).

Comparativement au harcèlement « habituel », le profil des auteurs est différent, car la virtualité facilite le passage à l’acte de jeunes qui n’auraient jamais osé proférer de telles choses face à leur victime. Les auteurs sont ici désinhibés bien souvent par la virtualité induite par l’écran. Ils n’ont pas leur cible en face d’eux et leurs capacités empathiques sont inévitablement limitées, facilitant les passages à l’acte bien plus que s’ils s’étaient trouvés juste en face de leur victime. Les conséquences, comme nous le verrons dans le chapitre dédié à ce sujet, peuvent être dramatiques et conduire au suicide comme pour Jessica Hope, Amanda ou Cédric.

Extrait de "Harcèlement en milieu scolaire", de Hélène Romano, publié chez Dunod, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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