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La crise économique est bien trop
grave pour être confiée
aux économistes...
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Le match marchés/politique

Après Georges Papandréou en Grèce et Silvio Berlusconi en Italie, l'Espagnol José Luis Zapatero a également cédé sa place. Une série de départs qui pointe du doigt le poids grandissant pris par les marchés financiers dans le jeu démocratique de certains pays européens. Et si les premiers responsables étaient les hommes politiques eux-mêmes ?

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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La défaite des socialistes espagnols a confirmé par son ampleur le discrédit que la crise de la dette fait porter sur les appareils politiques européens en place. Tous les gouvernements des pays, que les Anglo-saxons qualifient avec délicatesse de « pigs », ont été emportés. Et en Italie et en Grèce, les nouvelles équipes sont dirigées par des « experts », supposés mieux maîtriser les dossiers que les hommes politiques.

On peut évidemment et à juste titre s’interroger sur le sens de la démocratie, quand les hommes politiques traditionnels cèdent leur place à des technocrates. Cette interrogation a néanmoins un côté artificiel : d’abord les technocrates en question sont investis par les parlements élus ; ensuite, en France, où l’énarchie a de beaux restes, nous sommes définitivement mal placés pour dénoncer le danger d’une prise du pouvoir par de purs experts.

De Georges Pompidou à Dominique de Villepin, la Ve République a confié le pouvoir à des personnes à la légitimité démocratique bien courte ; enfin, et cela est probablement le plus important, la prise du pouvoir par les technocrates, comme les coups de boutoir des agences de notation, traduisent moins les difficultés de la démocratie en tant que telle, que l’incapacité des dirigeants politiques - supposés professionnels - à définir des programmes et des politiques solides et reconnus.

Ce qui a transformé la gestion de l’Espagne par José Luis Rodríguez Zapatero et le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) en un fiasco, c’est moins les agences de notation que l’absence de consistance idéologique d’un gouvernement se réclamant du socialisme, mais se trouvant incapable de donner un sens à ce terme. De même, quand Mme Merkel et M. Sarkozy passent des heures à discuter de l’ampleur du haircut grec (défaut de paiement à 50% de la Grèce), ils semblent se réfugier dans une vision purement technicienne de la construction européenne, qui élude les questions fondamentales sur le projet européen lui-même. Le problème de la dette grecque peut se lire en deux dimensions : une dimension technique sur les sacrifices à demander aux banques et sur les modalités de financement à long terme du budget grec, dimension que les responsables du Trésor des pays membres peuvent parfaitement traiter ; une dimension politique, qui est de savoir pourquoi les peuples européens ont décidé d’être ensemble, et c’est là-dessus que nos hommes politiques devraient s’investir.

Les dirigeants européens sont en train de perdre la partie parce que, refusant de traiter les problèmes sur un plan politique, ils bricolent des accords qui mobilisent des heures de sommets, faits de pinaillage et de mesquinerie, mais que les aléas de la conjoncture démontent très rapidement.

Si l’Europe d’aujourd’hui livre son destin aux experts, c’est par manque d’hommes politiques, c'est-à-dire de dirigeants capables de définir un avenir. Nos hommes politiques devraient pourtant se souvenir que Clemenceau affirmait que la guerre était chose trop grave pour être confiée à des militaires. Il en va de même de l’économie et des économistes…

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