PS, ce parti de plus en plus schizophrène...<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Parti socialiste, entre parti parlementaire et parti présidentiel.
Le Parti socialiste, entre parti parlementaire et parti présidentiel.
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Entre deux feux

Après de longues tractations, Eva Joly a finalement annoncé qu'elle soutiendrait François Hollande au second tour de la présidentielle. Reste que les récents déboires du Parti socialiste avec Europe Ecologie Les Verts soulignent son incapacité à trancher sur la logique institutionnelle dans laquelle il s'inscrit : parlementaire ou présidentielle ?

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

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Atlantico : Dans un article rédigé pour l'agence intellectuelle Télos, portant notamment sur l'accord PS / EELV, vous pointez du doigt "la nature contradictoire du PS", historiquement parlementaire mais présidentielle aussi... Pourriez-vous développer ?

Gérard Grunberg : Le Parti socialiste reste parlementaire dans son identité, dans ses souhaits, dans sa culture... il n’a jamais aimé l’élection présidentielle, et de fait la Ve République. Il parle d'ailleurs sans retenue de la VIe République, et aborde volontiers l'idée d’un régime ministériel couplé à des majorités parlementaires.

En même temps, le Parti socialiste s’est adapté, un peu plus chaque année, à la dynamique et à la dimension présidentielle du régime de la Ve République. Les exemples sont nombreux : le quinquennat, l’inversion du calendrier électoral, puis la primaire pour désigner le futur patron de l'exécutif. Des prises de position qui révèlent une acceptation - même partielle - de la primauté présidentielle, comme le démontre l'inversion du calendrier électoral, qui revient finalement à dire que l’élection présidentielle prime sur les législatives, et qu'il est normal de procéder à l'élection du président avant celle des députés.

Par conséquent, une contradiction se pose. Cette question, qui n'a toujours pas été réglée par le Parti socialiste, le rend schizophrène sur les questions institutionnelles. Ce n'est pas un hasard s’il n’a toujours pas de véritable doctrine constitutionnelle, et ce même s’il a produit un certain nombre d'efforts, avec Manuel Valls notamment, qui a sorti un document allant dans le sens d’une acceptation de la Ve République. Mais c'est loin d’être une position clairement admise et partagée par tous au sein du PS.

Le PS n'est toutefois pas le seul parti à souffrir d'une telle schizophrénie. Les évènements récents au sein d'EELV montrent justement qu'une scission peut s'opérer entre partisans et candidats à la présidentielle.  

Effectivement, ce qui se passe chez EELV (Europe Ecologie Les Verts) ressemble beaucoup au phénomène préalablement décrit au sein du Parti socialiste : d'un côté, une dynamique présidentielle des candidats pour 2012 ; de l'autre, une dynamique partisane avec la signature d'accords entre partis.

Dans le cas de l'accord PS / EELV, on est en présence de deux partis qui essaient de négocier, de trouver un commun accord, et éventuellement de gouverner ensemble... mais aussi et surtout de se répartir des sièges aux élections législatives, puisque le régime de la Ve République est à la fois parlementaire et présidentiel.

Cet accord est symptomatique de la contradiction du PS et d'EELV. Il a même été baptisé « accord de majorité parlementaire », et ce avant même que les élections aient eu lieu, comme s’il y avait une autonomie du Parlement et d’une majorité parlementaire vis à vis du Président. Certes, ce peut être vrai, mais seulement en cas de cohabitation.

D'un côté, on a donc deux partis qui essaient de s’entendre, qui échangent des sièges ; et de l'autre, deux candidats qui sont en compétition pour le premier tour de l’élection présidentielle, et qui eux ne peuvent signer aucun accord... puisqu’ils sont en compétition pour la présidentielle.


Historiquement, à quel moment la rupture avec une nature parlementaire s'est-elle opérée au sein du PS ?

C’est un parti qui, sous Guy Mollet, a essayé pendant dix ans de casser le système présidentiel, et qui s’en est finalement mordu les doigts.

François Mitterrand a compris qu’il fallait s’adapter, et a finalement admis le fonctionnement de la Ve République, sans toutefois le revendiquer ni le théoriser, et sans en faire une doctrine constitutionnelle. Il a en quelque sorte "fait avec" l'Institution de la Ve République. Plus que cela même, puisqu’il n’en a pas seulement accepté la lettre mais aussi l’esprit, notamment en reconnaissant la primauté présidentielle.

Mais le Parti socialiste ne l’a jamais véritablement admis, et a passé plus de 40 ans à soutenir qu'il faudrait un jour régler ce problème : à savoir si le régime doit être présidentiel ou parlementaire. Ils n'ont eu d'autre choix que de repousser, car cette question s'est révélée ingérable et insoluble au sein du PS.

Pareille schizophrénie risque-t-elle de peser sur les chances de réussite de François Hollande à la présidentielle ?

En partie. La preuve étant qu'un accord parlementaire très étrange a vu le jour entre le PS et EELV, alors qu’une compétition présidentielle entre les candidats des deux partis se prépare.

Ensuite, François Hollande a d'ores et déjà été gêné, en particulier avec les sorties à répétition d'Eva Joly - même si cela semble être révolu - qui n’ont pas arrangé ses affaires.

Propos recueillis par Franck Michel


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