Protectionnisme : et si le marché intérieur chinois s’avérait être une grande déception pour les entreprises étrangères ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Chine se montre efficace en matière de protectionnisme
La Chine se montre efficace en matière de protectionnisme
©Reuters

La Chine aux Chinois

La Chine se montre efficace en matière de protectionnisme, en favorisant par différents moyens des entreprises purement nationales. Un danger pour les multinationales trop implantées sur ce marché... sans que l'OMC ne puisse y faire quoi que ce soit.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Atlantico : Une étude menée par le cabinet de recherche Gavekal, et relayée par Bloomberg, fait état du constat suivant : le consommateur chinois consomme chinois, au détriment des entreprises étrangères dont les chiffres de croissance de ventes sont bien plus faibles que leurs homologues locaux (3% de croissance pour les étrangers contre 10% pour les chinois) . Comment expliquer une telle différence ?

Antoine Brunet : Il faut d'abord se rappeler que longtemps, les consommateurs chinois donnaient leur préférence aux marques étrangères, c'est-à-dire à des produits fabriqués en Chine par les filiales d'entreprises étrangères. Apple et Samsung, Toyota et Volkswagen ont longtemps bénéficié de parts, substantielles et croissantes, du marché intérieur chinois. C'était d'ailleurs sur les produits de luxe que les filiales en Chine d'entreprises étrangères étaient les mieux positionnées. Avant 2013, la consommation de produits de luxe progressait très rapidement.

On assiste maintenant à un phénomène opposé où les parts de marché en Chine des filiales étrangères régressent. Pour une part non négligeable, cela est imputable à la campagne anti-corruption que Xi Xinping mène depuis deux ans. Un nombre important de dirigeants chinois a été inquiété. Ceux qui ne l'ont pas encore été s'emploient à ne pas attirer l'attention sur eux et ont décidé de masquer leur richesse en s'abstenant désormais de consommer les produits de luxe devenus très inopportuns. Les filiales en Chine d'entreprises étrangères souffrent mécaniquement de cette désaffection.

Mais au-delà de cet effet mécanique, il est probable qu'il y a une volonté du Parti communiste chinois (PCC) de revigorer les entreprises "sino-chinoises" en reprenant aux filiales étrangères des parts du marché intérieur chinois. Un des fléaux dont souffrent ces entreprises, c'est le surinvestissement et la surcapacité dont souffrent les entreprises sino-chinoises. Toute reconquête du marché chinois contribue à résorber cette surcapacité (et à augmenter de ce fait la profitabilité).

Fondamentalement, y a-t-il un risque pour les multinationales ou l'économie mondiale ? Le marché intérieur chinois s'annonce-t-il comme une immense déception pour les acteurs étrangers ?

L'évolution évoquée ci-dessus n'induit pas de risque particulier pour l'économie mondiale. Que la demande chinoise soit satisfaite par les entreprises sino-chinoises ou qu'elle le soit par les filiales étrangères en Chine ne modifie ni le PIB chinois ni les PIB étrangers puisque la production des unes et la production des autres contribuent au PIB chinois.

Par contre, elle est susceptible de peser très négativement sur les entreprises étrangères comme Apple qui s'étaient rendues fortement dépendantes du marché chinois, en laissant ce marché prendre une place démesurée dans la formation de leur chiffre d'affaires. Les entreprises étrangères exposées à la Chine sont désormais exposées à annoncer des résultats décevants.

La Chine peut-elle être taxée de protectionnisme ?

Un problème majeur dans le débat économique actuel vient de ce que derrière l'O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce), les politiciens et les économistes ne retiennent qu'une seule forme de protectionnisme, le protectionnisme douanier. Or la Chine recourt à toutes les autres formes de protectionnisme :

  •  le protectionnisme monétaire qui consiste à maintenir sa monnaie lourdement sous-évaluée (le dollar reste surévalué contre le yuan : il vaut 6,20 yuan quand le FMI a reconnu en 2014 que le cours du dollar devrait se situer à seulement 4,00 yuan).
  • le protectionnisme social qui consiste à minimiser délibérément la couverture sociale des salariés du pays (couverture santé, couverture retraite, couverture chômage dérisoires pour les salariés chinois)?
  • le protectionnisme environnemental qui consiste à ce que la Chine autorise ses entreprises à polluer l'eau, l'air et la terre sans avoir à verser d'indemnités ou encore à extraire les terres rares sans avoir à se soucier des dégâts qu'occasionne cette activité pour la santé des travailleurs concernés.
  • le protectionnisme par directives qui consiste à encourager directement ou indirectement la population à préférer les produits locaux aux produits étrangers.

Et depuis qu'elle s'est constituée, l'OMC ne réprime et ne punit de sanctions internationales que le seul protectionnisme douanier stricto sensu. Cela fait la part beaucoup trop belle à Pékin et au Parti Communiste Chinois qui ont, à dire vrai, bâti toute leur stratégie conquérante sur l'injustice du dispositif de l'OMC.

Ce protectionnisme dont la Chine fait preuve traduit-il l'intention de masquer une décélération inattendue ?

En incitant directement et indirectement les consommateurs chinois à privilégier les marques nationales, Pékin manifeste une nouvelle fois son inquiétude face aux surcapacités qui affectent les entreprises sino-chinoises. C'est semble-t-il l'ampleur du ralentissement du PIB chinois que le PCC n'avait pas anticipée qui vient accentuer inopportunément les surcapacités et qui permet d'expliquer l'anxiété des dirigeants chinois.

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