Fillon, Bertrand et NKM ont-ils un espoir de rattraper l’avance prise par Bruno Le Maire pour le rôle de challenger au duel Sarkozy/Juppé ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire a pris de l'avance.
Bruno Le Maire a pris de l'avance.
©Reuters

Le lièvre et les tortues

Pour la première fois, Les Républicains organiseront des primaires fin 2016 pour choisir le candidat de la droite à la présidentielle. Derrière Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, beaucoup se bousculent pour devenir le troisième homme, celui qui pourrait peser lourd dans le jeu politique d'après 2017.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Nous sommes le 3 août 2015. Quels sont les concurrents de Bruno Le Maire pour la place de "Troisième Homme" des primaires, derrière Nicolas Sarkozy et Alain Juppé qui jouent la course en tête ?

Bruno Jeudy : Bruno Le Maire a pour concurrent, et c'est presque une surprise au terme de ce premier semestre 2015, François Fillon. Il apparaît aujourd'hui plutôt devant lui dans les différentes études menées, donc il est passé devant François Fillon, mais reste au coude-à-coude avec le député de Paris. Et l'autre catégorie de concurrents que Bruno Le Maire a distancés, ce sont les quadras de l'opposition, que ce soient Nathalie Kosciusko-Morizet qui a des vélléités de candidature à la primaire, Laurent Wauquiez qui n'en parle plus mais n'a pas complètement abandonné cette ambition, Xavier Bertrand qui, malgré ses ambitions régionales, rêve toujours des primaires. Par ailleurs, même si aujourd'hui ils ne sont pas concurrents, on peut néanmoins les ranger dans cette grande catégorie des "quadras présidentiables" : François Baroin, voire Valérie Pécresse, même si elle a assuré, depuis le début de la campagne des régionales, ne pas faire acte de candidature.

On peut dire aujourd'hui que Bruno Le Maire a gagné la primaire des quadras à droite. Ce n'était pas gagné il y a encore un an, mais sa candidature à la présidence de l'UMP, son bon score, puis ses prises de position successives et son opportunisme politique ont fait de lui le quadra le mieux placé et même l'incarnation de la relève derrière les barons de la droite traditionnelle qui ont tous, pour ce qui est d'Alain Juppé, de François Fillon ou de Nicolas Sarkozy, plus de 60 ans. 

Qu'est-ce que les concurrents de Bruno Le Maire peuvent faire pour changer la donne et rattraper le favori? Est-ce encore possible?

Incontestablement, aujourd'hui, cela paraît difficile. Mais en même temps, si on refait le chemin de Bruno Le Maire depuis un an, on s'aperçoit que tout est possible, même pour les concurrents qui paraissent distancés. Nathalie Kosciusko-Morizet, au fond, est pénalisée par sa défaite aux municipales à Paris, même si elle a plutôt fait bonne figure et augmenté le nombre de mairies d'arrondissement. Mais elle n'a pas pu capitaliser sur cet atterrissage parisien. Dans la foulée, sa nomination en tant que numéro 2 de l'UMP puis des Républicains ne lui a pas permis de reprendre son envol, au contraire. En se ralliant à Nicolas Sarkozy, elle a plutôt brouillé son image par rapport à ses prises de position politiques, notamment au mariage pour tous. Elle est sans doute la plus motivée parmi les concurrents de Bruno Le Maire, mais aujourd'hui son horizon semble assez bouché. Et il n'est pas certain qu'elle ait assez de soutiens dans le parti ; je pense notamment à la question des parrainages, qu'il serait bien compliqué pour elle de régler afin de pouvoir concourir à la primaire.

Quels sont les points véritablement différenciants de chacun des candidats?

Bruno Le Maire joue maintenant sur son image de l'homme qui a défié Nicolas Sarkozy à la fin de l'année 2014. Il a consolidé sa position en 2015 au point de devancer François Fillon. François Fillon, lui, va jouer sur la carte qui lui reste, à savoir le programme. Il est celui qui incarne, à droite, le seul à avoir produit un travail intellectuel qui lui permet de rêver encore des primaires. Nathalie Kosciusko-Morizet va jouer, je pense, la carte "femme". A droite, il n'y a jamais eu de candidature féminine représentant officiellement le parti à la présidentielle. Xavier Bertrand va compter sur la carte des territoires. S'il remporte les régionales dans le Nord-Picardie, il pourra à la fois faire valoir sa victoire sur Marine Le Pen, et son ancrage territorial dans une terre populaire qu'il aura raflée à la gauche. Laurent Wauquiez jouera un positionnement sur des valeurs de droite très affirmées. Il reste ensuite François Baroin, qui, même s'il ne joue pas 2017, joue 2022. Il jouera à la fois l'ancrage chiraquien et l'ancrage local, puisqu'on voit bien qu'en ayant pris la présidence des maires il veut séduire la France par les territoires. Et il reste Valérie Pécresse qui jouera sans doute, plus tard, la carte féminine.

La droite, et plus généralement les Français sous la Vème République, ont ce culte gaulliste de l'homme providentiel. Quel homme idéal attend la droite aujourd'hui?

On voit bien aujourd'hui que les Français de droite cherchent l'exact contraire de François Hollande, c'est-à-dire un leadership affirmé. Beaucoup plus de clarté sur les questions régaliennes, migratoires, identitaires, et en même temps des promesses fermes sur le programme économique qui a beaucoup déçu lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui ce qui sera inscrit dans le programme doit être réalisé. C'est moins un homme providentiel qu'un programme providentiel qui remportera la victoire à droite. 

Est-ce que la première primaire organisée par Les Républicains change la stratégie des candidats et leur positionnement "marketing" et politique? Dans quelle mesure les candidats se présentent-ils différemment?

Oui, forcément. Parce que traditionnellement à droite la position de chef de parti était naturellement celle qui prédestinait le patron du parti à devenir ensuite le candidat de la famille politique, même s'il y a eu l'exemple de 1995 et cette primaire sauvage au premier tour, entre le Premier ministre Edouard Balladur et le président du RPR Jacques Chirac. Mais traditionnellement, sous la Vème République, le patron de la droite devenait naturellement le candidat de la famille politique. Là, la primaire rebat les cartes. Et on voit bien que la position de chef de parti, même si elle assure l'avantage incontestable, voire une position de favori, n'est pas l'assurance à 100% de remporter la primaire. On voit bien que cette course est lancée déjà depuis plusieurs mois et qu'au fond les candidats essaient de se positionner par rapport à l'opinion et de faire évoluer leurs positions en fonction des réactions de l'opinion et des sondages. Ce qui amène d'ailleurs les deux principaux candidats à dévoiler leurs cartes plus tardivement qu'ils ne l'auraient fait, à attendre avant d'abattre leurs atouts. C'est une guerre de position de la part d'Alain Juppé, de la part de Nicolas Sarkozy, et même de la part de Bruno Le Maire, qui n'est peut-être pas le meilleur des quadras mais incontestablement le plus opportuniste. Il a osé défier Nicolas Sarkozy à la fin de l'année dernière, ce que n'a pas voulu faire Xavier Bertrand, ce qui a été une erreur à mon sens. Il a ensuite, au printemps, montré sa capacité à rebondir sur l'actualité : débat sur l'école, agriculteurs... Il a cet opportunisme politique qui lui permet d'être audible au bon moment, là où François Fillon par exemple peut paraître inaudible, ce qui peut sembler injuste dans la mesure où il a travaillé en profondeur sur de nombreux sujets. Mais il a choisi une méthode qui est celle-ci : "j'ai mon calendrier, je détaille mon programme, je ne rebondis pas par rapport à l'actualité"...

Propos recueillis par Catherine Laurent

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