Ce qui se cache vraiment derrière le nouveau krach de la bourse chinoise <!-- --> | Atlantico.fr
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Lundi 27 juillet, la bourse de Shanghai a chuté de 5,48 % en deuxième partie de séance.
Lundi 27 juillet, la bourse de Shanghai a chuté de 5,48 % en deuxième partie de séance.
©Reuters

Chute pékinoise

Après avoir connu une série de hauts et de bas inquiétants ces dernières semaines, l'économie chinoise semble toujours très volatile. Lundi 27 juillet, la bourse de Shanghai a chuté de 5,48 % en deuxième partie de séance. Il s'agit de la baisse la plus importante de cet indice au cours de ces 8 dernières années.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Dans notre article publié sur Atlantico le 11 juillet 2015, nous avions évoqué pourquoi le Parti Communiste Chinois (PCC), après avoir ouvert son marché boursier aux investisseurs étrangers présents à Hong Kong avait opéré fin 2014 un premier tournant, celui d’encourager une formidable bulle boursière en Chine.

Il s’agissait alors essentiellement pour lui de gonfler la capitalisation boursière de Shanghai pour la rendre comparable à celle de Wall Street et se constituer ainsi un atout supplémentaire à l’approche des négociations majeures qui sont programmées en octobre 2015 au sein du FMI :

·        La Redéfinition du DTS,

·        La Question de la monnaie du monde (sera-ce encore le dollar  ou bien sera-ce désormais le DTS rénové ?),

·        L’Augmentation de Capital du FMI,

·        La Nouvelle Répartition des parts et des droits de vote entre pays-membres).


Début juin 2015, deuxième tournant brutal : le PCC prenant peur de l’énormité de la bulle boursière et n’ignorant pas que les krachs boursiers sont d’une taille proportionnelle à la taille de la bulle boursière antérieure, adopta toutes sortes de mesures pour interrompre la bulle. Brusquement, à compter du 12 juin, la bulle boursière implose et fait place sans transition à un krach boursier très significatif (l’indice Shanghai Composite recule d’un sommet à 5.100 le 12 juin à un point bas de 3.500 le 9 juillet).

8 juillet 2015, troisième tournant brutal : le PCC cette fois prit peur du krach boursier incontrôlé qui s’était amorcé et prit abruptement des mesures exactement à l’opposé de celles prises début juin : les personnes et les institutions se voient désormais interdites de prendre ou de maintenir des positions à la baisse du cours des actions chinoises ; les entreprises cotées sont sommées par le pouvoir central de défendre leurs cours de bourse ; la banque centrale chinoise déploie un énorme dispositif de financement en direction des officines qui financent les acteurs qui prennent des positions spéculatives haussières sur les actions chinoises ; les personnes soupçonnées d’avoir joué la baisse après le 8 juillet sont menacées de lourdes sanctions….Suite à tout cela, l’indice Shanghai Composite se reprend et remonte de 3.500 le 9 juillet à 4.100 le vendredi 24 juillet. Le PCC semblait avoir repris le contrôle de l’évolution de la bourse chinoise.

Lundi 27 juillet, l’indice Shanghai reperd brutalement en une seule séance tout ce qu’il avait regagné entre le 9 et le 24 juillet (-8,5% et retour de l’indice à 3.700).

Quels sont donc les facteurs qui ont présidé à un mouvement aussi violent ?

Lundi 27 juillet, ce furent essentiellement trois nouvelles qui selon nous ont été prises en compte par les investisseurs pour les amener à sortir du marché boursier chinois : la poursuite inexorable de la baisse des matières premières, le recul de la statistique de profits des entreprises chinoises, le message Bloomberg qui indiquait de fortes pressions du FMI sur Pékin pour qu’il abandonne rapidement ses mesures de soutien boursier que le FMI juge trop extrêmes et trop exceptionnelles.

1)    La poursuite inexorable de la baisse du prix des matières premières (pétrole, cuivre, fer, charbon, blé, maïs….).

Cette implosion est beaucoup plus grave que celle intervenue de façon très éphémère début 2009. Après avoir atteint un sommet mars 2011, tous les indices généraux de matières premières se sont inscrits depuis lors dans un grand mouvement de baisse qui s’est brusquement accentué entre juillet 2014 et janvier 2015. Après un timide rebond entre janvier et mai 2015, ces indices sont repartis à la baisse et inscrivent désormais de nouveaux points bas.

Des indices de matières premières aussi mal orientés sont le signe le plus absolu que la demande mondiale, le PIB mondial, croît désormais à un rythme très faible, peut-être seulement 2% l’an.

Cela a deux conséquences aux yeux des investisseurs. D’abord, la croissance du PIB de la Chine qui est affichée à 7% par le PCC n’est à l’évidence pas compatible avec une croissance mondiale qui semble s’inscrire à seulement 2%. La crédibilité de ce chiffrage à 7% s’en trouve fortement atteinte.

Ensuite et surtout, si la demande mondiale est aussi anémique, la capacité de rebond de l’économie chinoise (qui reste très axée sur les exportations) s’en trouve nécessairement très limitée.

Tout cela est bien entendu très défavorable aux marchés boursiers chinois.

2)    La statistique officielle sur les profits des sociétés industrielles chinoises  qui fut annoncée lundi 27 juillet s’est avérée très décevante : -0,3% de juin 2014 à juin 2015.

Quand l’indice de Shanghai était à son plus haut, le PER (Price Earning Ratio, Rapport Cours/Bénéfice) s’établissait à 68, un niveau exceptionnel et très rarement vu sur les grands marchés boursiers.

Un tel niveau ne pourrait se justifier que par l’anticipation d’une hausse récurrente des profits. Dès lors que cette anticipation est totalement désavouée par les statistiques, il est logique que les investisseurs s’inquiètent et envisagent que l’on revienne à un PER plus habituel à travers une baisse supplémentaire du cours des actions.

3)    Enfin et surtout, le message diffusé par Bloomberg le vendredi 24 juillet.

Le FMI aurait déclaré au gouvernement chinois que si les interventions sont en général appropriées pour empêcher un désordre majeur, les prix devraient s’établir par le jeu des forces de marché. Le gouvernement chinois aurait alors assuré au FMI que les mesures devaient être considérées comme temporaires.

Si le gouvernement chinois convient avec le FMI que les lourdes mesures artificielles qu’il a prises pour soutenir (difficilement) son marché boursier ne seront pas reconduites longtemps, il est logique que les investisseurs prennent peur et cherchent à sortir du marché boursier chinois.

Ce message de Bloomberg est par ailleurs très crédible. Le FMI avertit la Chine qu’il la considèrera « en désordre majeur » si elle maintient son dispositif de mesures extrêmes et exceptionnelles. C’est une façon de lui signifier que sa monnaie aura beaucoup de difficultés à être admise en octobre 2015 dans le club des monnaies qui constituent le DTS (droit de tirage spécial) si son dispositif artificiel de soutien boursier est maintenu trop longtemps.

Quand on sait l’importance que Pékin accorde à cet enjeu, il est assez logique que les marchés en déduisent que Pékin s’interdira de maintenir trop longtemps son dispositif de soutien boursier.

Le massage Bloomberg du 24 juillet a donc constitué un facteur supplémentaire pour que les investisseurs présents sur le marché boursier chinois cherchent à s’en retirer.


Au-delà des trois évènements mentionnés ci-dessus, il faut identifier un facteur plus général : les trois tournants brutaux successifs, que nous avons évoqués, du gouvernement chinois à l’égard de l’évolution de son marché boursier ont nui gravement et durablement à la confiance des investisseurs, chinois ou étrangers, à l’égard du marché boursier chinois et de son autorité de tutelle, le Parti Communiste Chinois.

Le comportement arbitraire du Parti Communiste Chinois à l’égard des investisseurs boursiers a fini par les indisposer et par créer un véritable chaos boursier à Shanghai.

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