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Handicapé oui, mais chef d'entreprise aussi !
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Intouchables

Le film « Intouchables » est devenu le plus gros succès du cinéma français de l'année. Si le handicap s'impose sur grand écran, il peine à percer sur le devant de la scène publique. Louis Van Proosdij, chef d'entreprise et tétraplégique, raconte sa réussite professionnelle et les obstacles surmontés...

Louis Van Proosdij

Louis Van Proosdij

Louis Van Proosdij est un entrepreneur passionné de nouvelles technologies. Initiateur de l'Open Coffee Club de  Paris. Fondateur de BrainStorm Software en 1990. Il est également consultant, business angel. Il fonde en 2008 sa société Fair Play Interractive dans le secteur audiovisuel.

Suite à un accident survenu lors de son adolescence, Louis Van Proosdij est tétraplégique.

 

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Atlantico : Comment organisez-vous votre vie professionnelle et personnelle par rapport à votre handicap ?

Louis Van Proodisj : Chef d’entreprise d’une société dans le domaine de l'audiovisuel, je suis un entrepreneur dans l’âme... L’élément indispensable, c’est d’arriver à isoler au maximum la vie professionnelle de la vie privée, de laisser le moins de place possible au handicap, et de se doter d'outils qui permettent de vivre pleinement sa vie professionnelle et personnelle.

De par le handicap, il existe indubitablement des zones de dépendance, notamment pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie tel que le fait de se levé, se coucher, se laver et se déplacer. L'objectif étant d'isoler chacun de ses besoins, et ainsi d'accéder à une plus grande liberté, de façon à avoir une vie la plus normale possible. Actuellement, une personne me lève et m’habille le matin, mais une fois sur mon fauteuil, je suis relativement indépendant : en d'autres termes, je suis autonome 22 heures sur 24. Disposant d'un véhicule aménagé, je n’ai pas besoin d’une tierce personne pour me déplacer, et ne souffre donc pas de contraintes horaires.

Le handicap a-t-il été un frein à votre carrière ?

Honnêtement,   je ne pense pas... Il a constitué un frein lors de mes études, mais n'a pas pesé quant à mon accomplissement professionnel.

Dans mon travail, je suis en contact avec de nombreuses personnes de tous niveaux hiérarchiques, et le handicap s’oublie rapidement. Il existe cependant un premier effet de surprise, qui ne perdure toutefois pas au-delà des cinq premières minutes. Nous sommes là pour travailler sur des sujets précis, et le professionnel prend vite le pas sur le handicap.

Pour ma part, j'oublie si aisément mon handicap, que lors de certains rendez-vous, il ne m’arrive de réaliser qu'à la dernière minute qu'il s'agit de me rendre au 4ème étage sans ascenseur. Ce n’est pas par négligence, mais simple omission. Par ailleurs, je n'ai jamais usé de mon handicap comme d'une potentielle excuse envers mes collaborateurs.

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?

Trouver les personnes susceptibles de m’aider pour me lever. Sachant que l’aide à la personne commence au plus tôt à 8h du matin, heure à laquelle les gens sont déjà au bureau. Les horaires de couché sont avant 19h ou 20h, heure à laquelle je suis encore sur mon lieu de travail. Ce n’est pas évident de trouver les aides nécessaires.

Par ailleurs, je me suis retrouvé en panne de voiture durant cinq mois, le système de conduite aménagé s'étant rompu. J’ai donc été forcé de recourir aux transports en commun : les transiliens entre Asnières et Paris, la ligne de métro 14 et les bus. Et là, je me suis retrouvé plongé dans un véritable cauchemar.

Avec mon véhicule, je possède une relative autonomie : je me déplace où je veux et quand je veux. Quant aux transports en commun, ils sont très peu aménagés, voire pas du tout. Pour un individu qui ne possède pas de véhicule adéquat, et qui utilise les transports en communs, cela devient très vite extrêmement complexe... Prenons l'exemple de la ligne parisienne du métro 14, la seule qui soit véritablement aménagée : elle ne comporte parfois qu’un seul ascenseur par station, et la probabilité pour que ce dernier tombe en panne est relativement élevée.

Comment améliorer la situation des handicapés en France ?

Il existe un discours volontariste depuis de nombreuses années autour du handicap et de l’emploi, avec notamment des mesures de quota et diverses semaines à thèmes, mais qui finalement ne résolvent pas les problèmes réels.

La politique d'ouverture de milliers de postes professionnels aux personnes en fauteuil - et pas uniquement en fauteuil, car le handicap ne concerne pas seulement la motricité - ne dénoue pas la difficulté. Peu d’handicapés sont présents sur le marché du travail, notamment parce qu’avant d’être en mesure d’aller travailler le matin dans une entreprise, il faut pouvoir être levé à une heure décente, et se déplacer de manière convenable.

En amont, la question de l’accès aux études est capitale. Certes, les lois de 1995 ont abouti à des éléments positifs sur ce sujet, mais peu de choses ont été entreprises depuis. Or, le problème du handicap se résout en grande partie à la base, par l’éducation. Il est donc nécessaire de mettre en place une ouverture à la mixité la plus large possible. Avec l'installation d’établissements scolaires, où pourront être scolarisés ensemble enfants handicapés et non handicapés. 

C’est fondamental sur deux aspects. Premièrement, la diversité apprend à vivre ensemble. Un enfant qui a été à l’école avec un camarade handicapé aura à l’esprit en grandissant un certain nombre de choses, et imposera quelques règles de bases concernant l'accessibilité aux locaux et aux transports. Deuxièmement, cela apprendrait aux handicapés à être plus à l'aise en société. Les personnes handicapées, restant confinées entre elles durant toute leur scolarité, finissent par développer une certaine aigreur. Il existe  d'ailleurs de nombreuses personnes handicapées qui pensent que tout leur est dû. Le fait de grandir ensemble pourrait favoriser le savoir vivre intelligemment.

Propos recueillis par Caroline Long

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