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Hausse des impôts locaux en France depuis 10 ans : la carte interactive des villes et les collectivités qui ont le plus souffert
©Reuters

Interville

Les impôts locaux ont explosé en France depuis dix ans, et l'augmentation n'est pas encore terminée. Malgré les disparités régionales, parfois importantes, le mot d'ordre est à la hausse, et tant pis pour le portefeuille des Français.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : En France, les impôts locaux ont augmenté en moyenne de près de 50% au cours des dix dernières années. Quel bilan général faites-vous au regard de cette carte issue d'une étude publiée par Home’n’go ?

Jean-Yves Archer : Selon l'étude réalisée par la start-up Home'n'go, le taux d'impôts cumulé en moyenne en 2013 a augmenté de 57,63% depuis 2004. Cette augmentation regroupe les deux taxes familières aux contribuables que sont la taxe d'habitation et la taxe foncière bâtie.

Rappelons d'entrée de jeu que l'impôt local est le produit d'un taux par la valeur cadastrale en base nette (après abattements). La valeur locative brute prend en compte la surface et les caractéristiques du logement et de ses éventuelles dépendances (annexes, parking, etc). Cette surface est alors multipliée par un tarif communal faisant référence aux loyers constatés au 1er Janvier 1970. Etant précisé que cette valeur locative est actualisée et revalorisée par un coefficient voté par le Parlement. Il est donc intellectuellement hâtif de dire que "ceci remonte à 1970" alors qu'il est question d'une variable soumise à actualisation.

Ces précisions apportées, on peut alors entrer dans le vif du sujet : entre 2004 et 2013, les valeurs locatives ont augmenté de 17,5%. Si nous avions été, par chance inouïe, à imposition constante, cela signifie que les impôts auraient néanmoins augmenté de 17,5% minorés de 15,79% d'inflation sur la période de référence.

En clair, la hausse cumulée de 57,63% doit être expliquée à hauteur d'un tiers par l'inflation et de deux tiers par la hausse nette et tangible des impôts locaux. Et encore, une importante précision additionnelle s'impose. En effet, l'étude approfondie qui nous est proposée ne prend pas en compte les TEOM (taxe d'enlèvement des ordures ménagères).

Or, dans le cas de Paris, l'étude retient la taxe d'habitation (13,38%) et la taxe foncière bâtie (13,5% : somme de la partie communale 8,37% et départementale 5,13%) mais écarte la TEOM (de 6,21%) et la taxe spécifique d'équipement (0,502% qui inclut le prélèvement appelé à croître pour le Grand Paris) ce qui est un peu regrettable.

Concrètement, le contribuable parisien est soumis à une taxe foncière de 20,3% et non pas de 13,5%. Le raisonnement est valable pour le reste du territoire et a été vérifié dans plusieurs dizaines de localités.

De grandes disparités sont visibles au sein du territoire. L’évolution est-elle la même dans des grands centres urbains comme Paris, Lyon et Marseille ?

"Le taux d'impôts locaux dans les grandes villes est de 23,17% supérieur à la moyenne française". Ainsi, le degré d'urbanisation entraîne-t-il des dépenses accrues : transports collectifs, équipements culturels ou sportifs, etc.

S'agissant de Paris, Lyon et Marseille, les cas juridiques sont différents. Paris est une ville et un département et se retrouve face à une double responsabilité. En revanche, Lyon appartient à une communauté urbaine à l'intérieur du département du Rhône. Ainsi, les modes de délibération qui conduisent à la détermination du niveau des impôts locaux ne sont pas les mêmes.

Comment expliquer une explosion des impôts dans certaines régions comme celles autour de Narbonne et de  Carcassonne etc, alors que la pointe sud-est semble épargnée ?

Effectivement, la pointe sud-est du territoire semble épargnée mais il faut se souvenir des fortes années d'imposition antérieures à la période de référence (exemple des mandats de Jacques Médecin à Nice, etc). Il faudrait avoir plus de recul calendaire pour conclure.

En revanche, votre remarque est exacte concernant le Languedoc-Roussillon ou la périphérie de Toulouse. La ville rose devenue ville de droite a annoncé des hausses d'impôts très significatives alors que l'étude la situe, en cumul, à près de 75%.Si des besoins locaux ont ici et là certainement existés, on ne peut s'empêcher de relire le rapport d'octobre 2013 de la Cour des comptes qui stigmatise certaines dérives dépensières à commencer par celle des créations de postes.

A voir les surcoûts de la Philarmonie de Paris (au-delà de 380 millions d'euros soit le triple du budget initial), on peut se rappeler cette célèbre boutade de George Frêche, ancien maire de Montpellier : "Bien sûr que ça coûte mais les gens veulent avoir une belle ville !". Il suffit de voir le résultat chiffré : 87,07% contre 79,29% à Rennes ou 76,66% pour Orléans.

Doit-on craindre une augmentation des impôts locaux dans les prochaines années ? Pourquoi ? Quels sont les facteurs qui contribuent à la hausse ? 

De toute évidence, et sans parti pris, la hausse de la fiscalité va être une sérieuse réalité. François Baroin, en sa qualité de Président de l'Association des Maires de France ne cesse d'appeler à un discours collectif lucide sur ce point.

Tout d'abord, il faut compter avec le désengagement de l'Etat qui se matérialise par une baisse des dotations de 3,7 mds en 2015 et des mêmes montants pour les années 2016 et 2017. Rappelons que dès le 15 Février 2013, le Gouvernement avait annoncé la baisse des dotations de l'Etat de 1,5 mds en 2014 ce qui est la future année de départ de la suite de l'étude.

Puis, selon la Cour des comptes (octobre 2013) la suppression de la taxe professionnelle a été "une réforme d'ampleur soumise à de fortes contraintes". "La taxe professionnelle a été remplacée par la contribution économique territoriale (CET) composée d'une cotisation foncière des entreprises (CFE) et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). (.../...) Afin de compenser les pertes de recettes liées à la suppression de la taxe professionnelle, le panier de ressources des différentes catégories de collectivités territoriales a subi d'importants aménagements à compter de 2011". (Rapport public thématique de la Cour : page 29).

De plus, les collectivités départementales sont un pivot essentiel de l'aide sociale qui est fortement mise à contribution du fait du chômage de masse et d'autre part du vieillissement de la population.

Dans un rapport du 14 Octobre 2014 consacré aux collectivités territoriales, la Cour énonce : "Leurs dépenses de fonctionnement ont progressé plus vite que leurs recettes". Et plus loin : "La rationalisation du bloc communal est nécessaire". Autrement dit, il s'agit de s'attaquer à l'ordonnancement des intercommunalités qui sont parfois redondantes avec les moyens et actions des communes qui les composent.

Comment sont utilisés les impôts locaux ? Les Français le savent-ils ? Perçoit-on des améliorations des services publics depuis la forte hausse enregistrée depuis 2004 ? 

Les impôts locaux sont le reflet du millefeuille administratif. Si les tâches se doublonnent parfois, alors ceci induit une pression fiscale accrue.

D'ailleurs, l'Etat a pour projet de simplifier les modalités d'évaluation des locaux d'habitation. Paris, le Val-de-Marne, le Nord, la Charente-Maritime font actuellement l'objet d'une expérimentation à ce sujet. Si le calendrier est respecté, comme l'évoque à bon escient Maître Betty Toulemont (au sein de l'étude Home'n'go), la généralisation pourrait avoir lieu dans les meilleurs délais.

Dans le cas des locaux commerciaux, la révision des valeurs a provoqué des hausses allant jusqu'à 50%...

Lors de la construction d'un hôpital ou d'un célèbre rond-point, nous pouvons observer les financements croisés : c'est-à-dire la multiplicité d'acteurs publics qui financent l'ouvrage.

Si des attributions sont claires et perceptibles pour les citoyens (écoles, voirie, transports, etc) d'autres thèmes d'intervention publique demeurent opaques pour le contribuable.

Certaines améliorations de services publics sont perceptibles depuis dix ans mais hélas aussi des dégradations notamment du fait de l'apparition de déserts au sein desquels les services publics ont disparu ou se sont éloignés.

La cartographie des services publics n'est pas cohérente avec la hausse fiscale continue. Il suffit de le demander aux redevables du STIF qui a pour mission l'amélioration des lignes RER de la région francilienne.

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