Timide reprise de l’immobilier : pas encore assez pour que les acheteurs moyens se réjouissent<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Timide reprise de l’immobilier : pas encore assez pour que les acheteurs moyens se réjouissent
©Reuters

Accession à deux étages

Baisse des taux d'emprunt, baisse des prix de l'immobilier : un cockail parfait pour attirer la demande. Pour autant, le durcissement des conditions de prêts restreint l'accession à la propriété.

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux est le président de l'Institut du Management des Services Immobiliers.

Voir la bio »

Atlantico : Le premier semestre 2015 a été marqué par une relance du secteur de l'immobilier, avec des demandes de financement en augmentation de 42% selon l'Observatoire Crédit logement. Pourquoi le contexte est-il aussi favorable, quelles données macro-économiques, ou mesures politiques ont-elles pu y participer ?

Henry Buzy-Cazaux : La baisse des prix constitue la raison majeure de la relance du marché. La solvabilité des ménages, c'est-à-dire leur capacité contributive, a fini par dicter sa loi au marché. Le phénomène a fait mentir ceux qui considéraient que le manque d'offre -on a même entendu le terme de "pénurie"- empêcherait les prix de baisser dans les zones tendues... Là comme ailleurs, le prix doit correspondre aux moyens des individus et des familles appelées à y vivre, et il était illusoire de croire que les étrangers, très minoritaires parmi les acquéreurs, allaient justifier des inflations de prix durables, même dans la capitale ou dans les métropoles de région.

Au fond, après une douzaine d'années de hausse ininterrompue, on réalise que l'immobilier résidentiel est un marché comme un autre, qui ne peut s'abstraire de l'ajustement du prix des biens sur les budgets domestiques. On vérifie en outre qu'une correction des prix dynamise puissamment l'activité de la revente. Qu'en est-il des autres ressorts?

Indéniablement, les taux d'intérêt bas ont été le deuxième catalyseur, mais il faut le relativiser: les banques ont durci depuis deux ans leurs conditions d'octroi des prêts. Derrière des taux alléchants, les critères de sélection ont exclu de l'accession une fraction des candidats à l'acquisition.

Enfin, que penser du contexte règlementaire ? Il n'a pas particulièrement incliné les ménages à l'achat. Aucune mesure n'a été prise en faveur de l'achat dans l'ancien, et c'est au fond très bien: la moindre disposition financière ou fiscale favorable aurait alimenté une hausse des prix, ou en tout cas une résistance à la baisse. Quant aux nouvelles obligations d'information des acquéreurs de lots de copropriété, introduites par la loi ALUR, beaucoup prédisaient qu'elles allaient empêtrer le marché... D'évidence, après quelques mois de rodage, le marché s'est adapté à cette donne.

L'observatoire à l'origine de ce rapport précise que le taux d'effort, c'est-à-dire la part des revenus consacrée par les ménages à leur achat, se réduit sensiblement (27,4% en 2014 contre 32.1% en 2012). Qui sont les premiers à en jouir, quelles catégories sociales parmi les primo-accédants ?

Il est clair que des prix moindres et des taux d'intérêt bas modifient favorablement l'équation logement des accédants, et que leur taux d'effort s'en trouve allégé. C'est une heureuse nouvelle: on sait parfaitement qu'un taux d'effort facial d'un tiers des revenus rend la situation difficile: au-delà du crédit, il faut prendre en compte toutes les charges attachées au logement, et en pratique les familles d'accédants consacraient ces dernières années près de la moitié de leur budget au logement.

A la clé de cette réduction constatée du taux d'effort, un reste-à-vivre plus confortable, qui permet, non seulement de donner plus de confort budgétaire, mais aussi de libérer des marges de consommation, de nature à soutenir la croissance. Dans cette période d'asthénie économique, il était urgent de réduire la part du budget contrainte par les remboursements liés à l'achat de la résidence principale.

Les premiers bénéficiaires de cette réduction du taux d'effort sont les primo-accédants: pour eux, l'équation était intenable, et ils avaient progressivement disparu du marché des grandes villes, Paris en tête. Ils peuvent de nouveau prétendre devenir propriétaires, même en zone tendue.

Cette bouffée d'air pour les ménages, permettra-t-elle de relancer à long terme le marché de la construction dont on dit qu'il est asphyxié aujourd'hui ? 

Bien sûr, un marché de la revente plus dynamique sert la construction: lorsqu'un ménage veut acheter un appartement  neuf ou une maison neuve, il a le plus souvent un problème de vente préalable de son logement ancien, à resoudre avant de pouvoir recycler le prix dans l'achat du bien neuf. On ne peut nier que, dans ce qu'on appelait dans les années 90 le parcours résidentiel classique, acheter du neuf soit un idéal pour beaucoup de familles. Le neuf est porteur de vertus incontestables, en matière d'économies d'énergie, d'isolation acoustique et de prestations en général.

Pour autant, le neuf est encore trop cher pour nombre d'accédants, malgré le prêt à taux zéro amélioré, et on constate un report du neuf vers l'ancien, désormais accessible sur un partie majeure du territoire.

Enfin, la problématique de la construction est spécifique: la cherté du foncier, le coût des normes, la réticence des maires à bâtir -pour des raisons à analyser et à traîter- sont les causes fondamentales de la baisse du niveau des mises en chantier. Malheureusement, le réveil du marché de l'ancien ne règlera pas ce problème profond.

Quels sont les autres scénarios possibles ?

Le gouvernement a pris plusieurs mesures pour réagir aux blocages de la construction, et tout porte à croire que ce n'est pas fini. On attend avec impatience la simplification des normes et aussi une fiscalité véritablement incitative pour encourager les propriétaires fonciers à ne pas thésauriser leurs terrains. La loi de mobilisation foncière de l'Etat et des collectivités locales, votée dès 2013, doit également porter des fruits: le support juridique est là, la volonté reste insuffisante à tous les niveaux.

Dans le même temps, les promoteurs et les constructeurs ne ménagent ni leur peine ni leur inventivité pour abaisser les coûts de production et les prix de sortie. Tous ces efforts additionnés devraient faire redécoller les mises en chantier en 2016 et les faire tangenter les 420000 unités.

Quant à l'ancien, ses prix, redevenus digestes pour un part significative de ménages, ils pourraient bien encore se corriger sur les marchés les plus tendus, sous l'effet de la dégradation des conditions économiques générales et de la montée du chômage. Il faut rappeler à cet égard que ce mouvement n'appauvrirait pas les propriétaires vendeurs; ils ont engrangé une plus-value conséquente ces années récentes, et doivent seulement accepter de réduire cette plus-value pour rendre leur bien liquide dans une période d'érosion du pouvoir d'achat des Français. En 2016, l'objectif de 750000 transactions ne paraît pas hors de portée si les prix s'assagissent encore.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !