Sommet des consciences pour le climat : pourquoi le "Notre maison brûle" (de Jacques Chirac) est resté lettre morte<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Sommet des consciences pour le climat : pourquoi le "Notre maison brûle" (de Jacques Chirac) est resté lettre morte
©Capture écran

Appel dans le vent

Paris accueille mardi un "Sommet des consciences pour le climat", un événement qui n'est pas sans rappeler les précédentes tentatives politiques en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Si le Protocole de Kyoto a été suivi d'effets, les émissions globales ont explosées.

Jean-Paul Maréchal

Jean-Paul Maréchal

Jean-Paul Maréchal est Maître de conférences en Science économique à lUniversité Paris Sud. Il est l'auteur de l'ouvrage Chine/USA. Le climat en jeu, Paris, Choiseul, 2011, 116 p.

Voir la bio »

Atlantico : Qu'est-ce qui a changé depuis la célèbre phrase de Jacques Chirac "Notre Maison Brule et nous regardons ailleurs" lors du Sommet de la Terre  à Johannesburg en 2002 ? Quelles mesures ont été prises depuis ?

Jean-Paul Maréchal : Incontestablement, le principal changement est l’entrée en application du Protocole de Kyoto en 2005 suite à la ratification russe. Il oblige les pays dont la liste figure dans son "Annexe B" – une petite quarantaine de pays industrialisés – à réduire pour 2012 leurs émissions de  gaz à effet de serre d’un peu plus de 5 % par rapport à leurs niveaux d’émissions de 1990.

Or, quoi qu’en disent certains, les objectifs fixés ont été atteints. Selon les chiffres fournis par l’Agence internationale de l’énergie, les rejets de dioxyde de carbone des pays ayant pris des engagements de réduction d’émissions sont passés, entre 1990 et 2009, de 8,78 milliards à 7,49 milliards de tonnes, soit une diminution de 14,7%."

Malgré cet indéniable "succès", d’un strict point de vue environnemental nous sommes bien loin du compte. En effet, au cours des dernières décennies, les émissions de gaz à effet de serre ont littéralement explosé au niveau mondial. Ainsi, entre 1990 et 2012, les émissions de dioxyde de carbone engendrées par la combustion d’énergies fossiles sont passées de 21 à 32 milliards de tonnes, soit une augmentation de plus de 51%.

L’urgence est donc forte de concevoir et de mettre en œuvre un régime climatique post-Kyoto. C’est d’ailleurs tout le défi qui attend les organisateurs et les participants de Conférence qui va se tenir à Paris en décembre prochain.

Par ailleurs, le diagnostic de 2002 consistant à dire que les pays industrialisés sont principalement à la source des émissions de gaz à effet de serre est-il encore d'actualité aujourd'hui ? Quels sont les nouveaux tiers impliqués dans le réchauffement climatique ?

Ce diagnostic, qui était exact au moment de l’élaboration du Protocole de Kyoto (1997), doit désormais être profondément révisé, la croissance économique des grands pays émergents tels que la Chine ayant profondément bouleversé l’arithmétique de la question.

Ainsi, en l’espace de 25 ans, l’empire du Milieu est passé d’un niveau d’émission de dioxyde de carbone de 2,5 milliards à presque 10 milliards de tonnes, soit une augmentation de 293%. Désormais, les émissions chinoises représentent 29% des rejets mondiaux.

L’une des conséquences de ces évolutions est que les pays de l’Annexe B représentent une part décroissante des rejets mondiaux de GES : 25 % en 2010 contre 42 % en 1990. Depuis 2008 les émissions agrégées des pays en développement ont dépassé celles des pays développés.

L’élaboration de nouvelles règles du jeu mondial en matière de changement climatique ne va pas sans difficultés (comme on l’a vu notamment depuis la Conférence de Copenhague en 2009). La principale d’entre elle est liée à la nécessité de passer d’un dispositif qui pèse sur les pays qui ont créé le problème (les nations anciennement industrialisées) à un système incluant dans un dispositif contraignant de réduction également les pays qui vont l’aggraver (en particulier ceux que l’on nome les "grands émergents").

Or, pour le moment, le Protocole de Kyoto est le seul instrument juridiquement contraignant à l’échelle internationale en matière de réduction d’émissions de GES mais, paradoxalement, les deux premiers pollueurs de la planète – les Etats-Unis (avec 5 milliards de tonnes) et la Chine (avec 10) échappent aux obligations de réduction qu’il impose : les États-Unis, parce qu’ils ont refusé de le ratifier (en 2001) et la Chine qui n’étant pas un "pays Annexe B" l’a bien évidemment ratifié, décision qui lui permet depuis de bénéficier de certains avantages – regroupés sous le terme de Mécanisme de développement propre – réservés aux pays en développement).

Y a-t-il une évolution dans les remèdes proposés, ou sont-ce toujours les mêmes ?  En quoi les avancées scientifiques et la recherche en générale ont-ils pu faire évoluer les solutions ?

Il y a bien sûr eu des changements. Ainsi, à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre s’est ajouté celui de l’adaptation au réchauffement en cours.

Les recherches climatologiques ont permis d’établir que nous sommes bien confrontés à une modification du climat et que la majeure partie (au moins) de celui-ci résulte de notre utilisation croissante d’énergies fossiles. On notera d’ailleurs que la publication il y a quelques mois du dernier rapport du GIEC n’a pas donné lieu aux habituelles polémiques dont sont si friands les "climato-sceptiques".

La recherche scientifique et technique, quant à elle, permet la conception de nouveaux produits dont les performances énergétiques sont tout à fait remarquables ou susceptibles de développent prometteurs. On pense bien sûr aux technologies dites "vertes" : LED, panneaux solaires, éoliennes, captage et séquestration du carbone… Mais tous les secteurs sont désormais concernés par la lutte contre la consommation d’énergie, ne serait-ce que pour des questions de rentabilité. Ainsi, au dernier Salon du Bourget, Airbus a fait voler un avion entièrement électrique, l’E-Fan qui peut croiser à 160 km/heure et qui a traversé la Manche le 11 juillet dernier en 36 minutes. Le secteur aéronautique est à l’origine de nombreuses innovations : en l’espace de trois décennies la consommation des avions de ligne a été divisée par 5.

Comment la prise de conscience dans la société de l'implication des activités humaines dans le dérèglement climatique se manifeste-t-il aujourd'hui ?

Elle se manifeste, me semble-t-il, par la recherche à diminuer nos émissions liées à notre consommation d’énergies fossiles : voitures hybrides ou électriques, utilisation accrue de transports en communs, isolation thermique des habitations…

En 13 ans comment le discours "pro-écologie" a-t-il évolué ?

Le discours "pro-écologie" a évolué en ce sens que les préoccupations environnementales sont désormais intégrées dans l’ensemble des politiques publiques. En effet, les dommages causés à l’environnement se répercutant sur les êtres humains, il est désormais impossible de les ignorer. Un chiffre permet d’illustrer mon propos : la pollution de l’air en Chine cause plus de 600 000 morts par an. On comprend, dans ces conditions, pourquoi la lutte contre les particules fines dans les villes chinoises est devenue l’une des thèmes sur lequel s’est engagé le Parti communiste, parti qui n’était pas spécialement réputé pour ses préoccupations écologiques ! 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !