Ce que personne n’ose dire sur les conséquences véritables des pertes de poids extrêmes <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Ce que personne n’ose dire sur les conséquences véritables des pertes de poids extrêmes
©

Lendemains de régime

Si la perte de poids est considérée comme une victoire, elle n'en est pas moins dénuée de conséquences néfastes pour le corps qui va jusqu'à la considérer comme une pathologie.

Laurence Haurat

Laurence Haurat

Laurence Haurat est psychologue et nutritionniste, chroniqueuse hebdomadaire dans l’émission « Le grand 8 » sur D8.

Elle est l’auteur de "C'est l'enfer à table" aux éditions Eyrolles et de "Ex-fan des régimes" aux éditions La Martinière.

Voir la bio »
Patrick Serog

Patrick Serog

Patrick Serog est médecin nutritionniste. Il est membre de la Société française de nutrition et membre du Conseil d’administration de la Fondation Nestlé.

Voir la bio »

Atlantico : Quelle perte de poids peut-elle être qualifiée comme étant extrême ? Au niveau physiologique, comment le corps vit-il cette transformation ?

Patrick Serog :Une perte de poids extrême correspond à une perte de poids de plus de trois kilogrammes par mois. Au-delà de ces trois kilogrammes, et de toutes leurs possibles variations (dix kilogrammes par exemple) on considère l'amaigrissement comme important.  

Physiologiquement parlant, le corps vit cette perte de poids plus ou moins mal. Tout d'abord, l'amaigrissement se traduira par une perte d'eau, puis par une perte de masse musculaire et enfin de graisse. Le corps freinera rapidement les dépenses énergétiques dû aux réductions caloriques. L'amaigrissement s'en retrouvera ainsi freiné. La perte de poids est vécue, par le corps, comme étant une pathologie.

Si le régime est déséquilibré, la perte musculaire en sera d'autant plus importante et, selon l'âge, elle ne sera pas récupérable de la même façon une fois le régime terminé. Si le régime est équilibré, la perte musculaire sera toujours présente –elle est obligatoire- mais elle sera moins élevée. Ici, retrouver sa masse musculaire une fois le régime terminé, sera plus simple et plus rapide, sauf au-delà de 70 ans.  

En vue de freiner cette perte musculaire, il est important d'associer régime et activité physique. Ceci permettra de contrôler la perte de muscles tout en rendant possible la perte de poids.

Laurence Haurat : C'est d'avantage, la manière dont la personne vie sa propre perte de poids qui permet de la qualifier d'extrême ou non.

Dans des cas de très grande obésité, les cellules adipeuses ne réagissent pas comme les cellules adipeuses classiques. En principe, elles se vident de la graisse qu'elles stockent lors d'un régime, en cas de grande obésité, elles ne se vident plus. C'est pour cela que, mincir lorsque l'on est en surpoids pondéral important est plus difficile que lorsque l'on souffre d'une obésité moins sévère.

En en revenant à la perte de masse musculaire, elle se traduira de manière importante sur la balance, mais nos formes seront toujours les mêmes. En d'autres termes, cela se traduira en poids mais non en volume. D'autant plus que la rétractation des tissus prend du temps voir ne voit pas le jour. Quand bien même ils se rétracteraient, ce processus prendrait entre six et neuf mois après l'amaigrissement. De ce fait, les individus sont souvent déçus : les résultats de leur régime ne se voient pas aussi rapidement qu'ils le souhaiteraient.

Une fois le régime terminé, comment la relation que l'on entretient avec notre corps évolue-t-elle ? Comment réagi-t-on  psychologiquement face à une morphologie nouvelle ?

Patrick Serog : Chez certaines personnes, prendre conscience de la perte de poids est difficile notamment parce qu'elles se regardent uniquement dans la glace. C'est pourquoi qu'il est nécessaire de prendre des photos –de face et de profil- chaque mois afin d'intérioriser son amincissement.

Si l'on a bien visualisé notre corps, et que nos objectifs (de séduction, de travail…) correspondent à notre amaigrissement alors, conserver son "nouveau" poids sera plus simple.

Laurence Haurat : L'image que l'on a de notre corps se construit dès notre naissance. Elle prend forme à travers la manière dont on perçoit nous-mêmes notre corps, dont la société nous perçoit (petites phrases, moqueries), dont nos parents perçoivent eux-mêmes notre physique et nous rassurent ou non.En cas d'amincissement, il est donc rare que l'image que l'on a de notre corps évolue aussi rapidement que notre perte de poids. Par exemple, quelqu'un qui perdrait 60 kilogrammes en deux ans aura du mal à intérioriser son nouveau physique, du moins pas à la vitesse des kilos perdus. Il continuera à se voir comme étant en surpoids malgré les signes extérieurs (la balance, les vêtements…). Il aura du mal à s'auto représenter.

Entre aussi en compte l'image que les autres nous renvoient de nous-mêmes. Avec des commentaires en surface innocents comme "tu es bien maintenant", ils heurteront leurs proches ayant suivis un régime. Parce que derrière cette simple phrase est sous-entendu "tu étais trop gros avant", ce qui –bien entendu- est très dure à entendre pour les personnes ayant maigris. Il s'agit d'une remise en cause totale de la personne dans son intégrité physique.

De plus, pour des raisons de privation, de restriction, de nécessité, et de volonté, souvent la personne développe un syndrome dépressif qui entraine une baisse de l'estime de soi. Dans un premier, il y aura l'euphorie, la plénitude due à l'amaigrissement puis au fur et à mesure du régime sa volonté baissera. Elle se rendra compte que perdre du poids ne réglera pas tous ses problèmes. C'est pourquoi, un régime sans accompagnement physique ni psychologique est voué à l'échec. Il est quasiment certain que l'individu reprendra du poids.

Physiquement, qu'est-ce qui peut provoquer une nouvelle prise de poids ? Se fixer un objectif final de perte de poids peut-il empêcher tout effet de rechute ?

Patrick Serog : Se fixer un poids n'est pas un objectif, se fixer un objectif s'est se dire que cette perte de poids nous permettra de gagner quelque chose. Si l'objectif pas atteint, ou absent alors s'en suivra une reprise de poids. D'autre part, si l'on est mal à l'aise, psychologiquement, dans son nouveau corps, si l'on n'a pas une certaine satisfaction due à  amaigrissement on pourra, alors, aussi reprendre facilement le poids perdu.

Laurence Haurat :Les rechutes sont légions, plutôt qu'un objectif, il faut se promettre de rester en accord avec soi-même. C'est le système de privation qui les entraîne. Ce système affecte la liberté de la pers –elle ne peut pas manger ce qu'elle veut quand elle veut- ce qui la conduit à un principe de restriction cognitive. En d'autres mots, elle mettra tout ce qu'elle sait en faveur  de la restriction, de la privation. Ceci amène à des moments de craquage qui sont très mal vécus. On culpabilise à cause de l'écart amenant ainsi une mauvaise estime de soi. Or, associer mauvaise estime de soi et régime est très difficile. En reprenant un régime, on entre dans un cercle vicieux, entre craquages et restrictions menant à la prise de poids.

La perte de poids chez un individu mal dans sa peau et qui initialement en avait besoin, améliore-t-elle son état mental ? En d'autres termes, une fois l'objectif atteint perçoit-on la vie sous un nouvel angle ?

Patrice Serog :Si la perte de poids correspond à un objectif de vie,  l'individu ira psychologiquement, matériellement mieux.  Il verra la vie différemment.

Laurence Haurat : Une personne qui perd beaucoup de poids n'en verra pas son état mental amélioré. Elle aura mis beaucoup d'espoirs dans ce régime, or si elle découvre qu'elle se s'est pas trouvée, même une fois l'objectif du poids atteint, elle n'en sera pas plus heureuse.

Un régime n'améliore pas notre état mental s'il n'est pas accompagné d'un travail sur soi. Le corps fait l'identité d'une personne, quand on y touche, on touche à notre propre identité. Une perte de poids n'est pas une démarche neutre, elle doit être accompagné tant aux niveaux physiologique, pondéral, que psychologique et émotionnel.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !