DSK, le retour politique en trompe-l’œil : ces autres péchés beaucoup plus discrets que le Carlton que l’ancien patron du FMI voudrait faire oublier<!-- --> | Atlantico.fr
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DSK a fait un retour politique en trompe-l’œil.
DSK a fait un retour politique en trompe-l’œil.
©Reuters

"Jack is Back"

Après la relaxe dont il a bénéficié dans l'affaire du Carlton, Dominique Strauss-Kahn est visé par une plainte d'un ancien actionnaire de LSK, le fonds d'investissement qu'il a cofondé. Un fait qui remet en perspective sa récente apparition sur Twitter.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : La création d'un compte Twitter par Dominique Strauss-Kahn a suscité un vif émoi sur la toile comme dans les médias. Plusieurs journalistes ont par ailleurs évoqué que l'ancien Ministre engageait un retour dans la vie politique française. Le 30 juin dernier, un ancien actionnaire du fond d'investissement qu'il avait créé, LSK, a porté plainte contre lui pour escroquerie. Dans quelle mesure les deux éléments peuvent-ils être liés ? 

Jean-Yves Archer : Nul ne peut exclure que les récentes actions de communications de DSK aient pour objet de faire monter sa cote dans les milieux d'affaire puisqu'avec DSK le mot habileté n'est jamais loin de la partie de cartes à laquelle ressemble sa vie. Il est évident que pour redorer son blason et chercher à améliorer son jeu au poker des affaires, il est prêt à recourir à de multiples expédients y compris ce fil Twitter un rien prétentieux où il ne prend pour abonnements que le compte de sa compagne et ceux de Prix Nobel d'économie dont il a très certainement le numéro de portable. Cet homme manie décidément la communication au détriment d'un vrai lien avec les internautes comme ont su le montrer certains top-Executive guère dupes d'une posture (Jack is back) à portée de gesticulation.

Quel bilan peut-on faire des tentatives de l'ancien Directeur du FMI dans le monde des affaires ? 

Dominique Strauss-Kahn offre à nos regards une vie essentiellement publique ce qui cohérent avec sa formation et son goût pour la politique. N'a-t-il pas voulu tenter d'atteindre la magistrature suprême ? Ouvertement en 2007. De manière impossible en 2012.

Nous pouvons tous dresser un bilan de son action publique : ministérielle ou à la tête du FMI. Connu pour sa densité et sa puissance cognitive, cet homme public est aussi connu pour sa capacité d'esquive. Souvenons-nous de l'affaire MNEF et de certains dossiers lorsqu'il était avocat d'affaires. Bilan nuancé sur ce point, donc.

En fait, on ne sait pas clairement si DSK reprendrait à son compte l'intéressante formule de Charles Pasqua :"Pour moi, l'argent n'a jamais été capital si j'ose dire !".

Compte-tenu de son mode de vie, dont il n'a jamais cherché à se cacher, il est patent qu'il faut une surface financière conséquente pour l'assumer. Le seul poste, obtenu il y a quelques années, de conseiller pour le Gouvernement de Serbie ne semble pas à la hauteur des besoins du quotidien.

Comme d'autres, il a donc le statut (mais l'envergure) de conférencier économique international.

Tout ceci ne procède toutefois pas d'une fibre entrepreneuriale comme celle de Thierry Breton, Francis Mer ou encore Claude Bébéar. Voire celle de son ami Denis Kessler. (SCOR).

Le passé de DSK dans les affaires en général est truffé de passif tandis que son avenir en businessman reste à écrire. S'il le veut. Et si les circonstances lui permettent de rencontrer la confiance de partenaires bien assis.

Le 30 juin dernier, Jean-François Ott, ancien PDG d'une société immobilière luxembourgeoise, a porté plainte contre LSK. Selon lui, les comptes qu'on lui aurait soumis avant qu'il n'y injecte 500 000 euros ne reflétaient pas la santé réelle de la société. Son avocat a d'ailleurs estimé qu'elle aurait dû être déclarée en faillite beaucoup plus tôt. Au-delà des erreurs de jugement de DSK, peut-on à ce stade d'information parler d'escroquerie ? 

Les faits sont potentiellement suffisamment significatifs voire graves pour tenter d'être aussi précis que clair. Dans un premier temps, un actionnaire s'estimant lésé a déposé plainte pour "faux en écriture", "abus de biens sociaux" et "escroquerie" contre les anciens administrateurs de la société LSK dont DSK faisait effectivement partie.

Quels sont les griefs de Jean-François Ott qui seront opposés en l'espèce au futur argumentaire de l'éminent Jean Veil, avocat de DSK ? Cet investisseur a participé à une augmentation de capital de LSK à l'été 2014 via sa société chypriote pour un montant de 500.000 euros.

Il a déboursé cette somme à la lumière de documents financiers et comptables supposés refléter la réalité de la situation financière de LSK (due diligence). Or, selon Monsieur Ott, on lui aurait présenté une situation arrangée digne d'une opération de "window-dressing" (dont Enron reste le totem mondial) à tel point qu'il affirme que LSK aurait du être déclarée en faillite dès le printemps 2014.

Une chose est acquise : ce véhicule d'investissement n'a jamais atteint les 2 milliards de dollars dont rêvait DSK et parallèlement la défenestration à Tel-Aviv du "L" de LSK (à savoir Thierry Leyne) rend un peu plus opaque la recherche de responsabilités.

En cette matière, il faut distinguer une éventuelle tromperie intentionnelle lors de l'arrivée du nouvel investisseur. Ces faits sont éventuellement qualifiables d'escroquerie et peuvent aussi entraîner la responsabilité des commissaires aux comptes notamment chargés de vérifier les opérations d'augmentation de capital (prime d'émission, etc) et la conformité de l'arrêté des comptes effectué en amont de l'Assemblée Générale Extraordinaire.

Ceci est à distinguer d'un abus de biens sociaux qui peut relever d'un seul dirigeant ou d'une pluralité de personnes.

J-F Ott a choisi de privilégier le terrain de l'action pénale et ne semble pas chercher à mettre en œuvre la responsabilité civile, autrement dit la condamnation des dirigeants au comblement du passif social alors que "la poursuite d'activité de la société malgré une situation irrémédiablement compromise" (termes usuels de la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation) est une hypothèse forte à la lumière du dépôt de bilan de novembre 2014 et des déclarations de DSK qui convient que feu son associé avait eu" recours à une série d'emprunts excessifs".

Au total, près de 150 créanciers seraient concernés pour un montant de près de 100 millions d'euros ce qui ne constitue donc pas un"track-record"mirifique pour l'ancien ministre.

Quelles autres voies s'ouvrent encore à DSK dans son intention de se reconvertir dans le monde des affaires ? 

Christian Dior s'est un jour ainsi exclamé : "On a parfaitement le droit de se tromper, du moment qu'on a fait ce que l'on aime et en revanche, on est impardonnable d'avoir fait ce qu'on n'aime pas, surtout si on réussit".

Si DSK parvient à se convaincre lui-même de se plonger dans le grand bain des affaires, il y prospérera très certainement. Mais au fond, il reste un homme de macroéconomie et je doute qu'un compte de résultat d'une entreprise lambda ou d'un fonds spéculatif étriqué ne le fasse vibrer.

A moins que d'aucuns songent à lui pour des postes prestigieux de banquiers et lui chuchotent à l'oreille les initiales BPCE, par exemple...

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