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Pourquoi les Chinois n’écouteront pas les Occidentaux sur les modifications génétiques des embryons qu’ils ont décidé d’expérimenter
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Têtes de mule

Malgré les réserves de la communauté scientifique internationale, une équipe chinoise a publié les premières modifications génétiques sur des embryons humains, destinées à corriger une mutation responsable d’une maladie du sang, la bêta­thalassémie.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico. En mars, les dirigeants de Sangamo Biosciences, une entreprise américaine, avaient appelé à un moratoire contre la manipulation des cellules humaines reproductrices. Selon eux, ce processus était trop dangereux d'un point de vue éthique. Moins d'un mois plus tard, une équipe de chercheurs chinois publiait les résultats d'une étude sur leur tentative de modification d'embryons humains. Dans quelle logique s'inscrivent les recherches chinoises ?

Laurent Alexandre : Jusqu’à présent, les techniques d’ingénierie du génome n’étaient utilisées que pour modifier certains tissus d’un individu, comme la rétine ou la moelle osseuse, mais ne touchaient pas au génome des descendants. Plusieurs types d’enzymes peuvent modifier l’ADN de nos chromosomes. Le coût de ces enzymes a été divisé par 10.000 en dix ans, ce qui ouvre la voie à un bricolage de notre génome. En mars, des chercheurs et industriels ont effectivement mis en garde contre les tentatives de modifier des cellules embryonnaires, ce qui modifierait l’hérédité humaine. Les signataires s’inquiétaient des risques liés à l’utilisation des CRISPR­Cas9, qu’un étudiant en biologie peut fabriquer en quelques heures. Ce moratoire sur les thérapies géniques embryonnaires, comme beaucoup d’autres avant lui, n’a pas été respecté.

Une équipe chinoise a publié, quelques jours après cette demande de moratoire, les premières modifications génétiques sur des embryons humains, destinées à corriger une mutation responsable d’une maladie du sang, la bêta­thalassémie. Cette expérience ne pouvait aboutir à des bébés, car les 86 embryons présentaient des anomalies chromosomiques mortelles avant même la manipulation. Modifier génétiquement un embryon destiné à naître supposerait un «process» zéro défaut. Ce n’est pas le cas aujourd’hui puisqu’une minorité seulement des embryons manipulés a vu la mutation ciblée corrigée. 

Au-delà de l'avance scientifique que cela peut leur apporter, quelles applications concrètes les Chinois attendent-ils de la modification génétique des embryons humains ?

Cela va permettre de corriger des maladies génétiques comme la mucoviscidose ou la myopathie pendant une FIV. La technique sera au point dès la prochaine décennie, c’est à dire après demain : il est urgent de réfléchir aux conséquences éthiques et politiques de ces avancées. Est-­il imaginable d’empêcher les parents de concevoir des «bébés à la carte» à partir de 2030 quand la technologie sera opérationnelle ? 

Les Chinois sont-ils insensibles aux risques mis en avant pas les équipes occidentales ?

Les Chinois sont beaucoup plus eugénistes que les occidentaux. Et le plus choquant pour nous européens est la volonté d’étendre la logique eugéniste aux capacités intellectuelles. La Chine a lancé un grand programme de séquençage de l’ADN des surdoués. Deux mille deux cents individus porteurs d’un quotient intellectuel au moins égal à 160. Ce programme est réalisé par le Beijing Genomics Institute (BGI), qui est le plus important centre de séquençage de l’ADN du monde. L’objectif des Chinois est de déterminer les variants génétiques favorisant l’intelligence, en comparant le génome des surdoués à celui d’individus à QI moyen.

La part génétique de l’intelligence reste un sujet tabou, ce qui amuse beaucoup les Chinois. « Les gens pensent que c’est un sujet controversé, spécialement les Occidentaux. Ce n’est pas le cas en Chine », a déclaré au Wall Street Journal Zhao Bowen, petit génie de 22 ans qui signa son premier article dans Nature à 15 ans et qui est le patron de ce programme.

Pour les autorités chinoises, tout ce qui augmente le potentiel technologique de la Chine est bon et juste. La Chine veut rattraper son retard technologique et économique par tous les moyens.

Dans ce contexte, quelles sont les chances occidentales de parvenir à les convaincre de cesser ce type d'expérimentations ? Dispose-t-on de structures capables de les y contraindre ?

Bombarder Shangai pour convaincre les chinois de ralentir leurs programmes de recherche est assez irréaliste vu les budgets faméliques de la défense nationale. Nous allons assister, impuissants, aux évolutions que nous ne souhaitons pas…

On peut, bien sur, envisager de proposer la création d’une agence internationale de contrôle des manipulations génétiques à l’image de l’agence internationale de l’énergie atomique de Vienne…. Mais son impuissance à empêcher la prolifération  nucléaire n’est pas encourageante !

Dans quelle mesure cela devrait-il inciter les Occidentaux à revoir leur position sur la question ?

On ne va pas nous demander notre avis !

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