Salade grecque chez les Républicains : quand le référendum s’invite dans la course à la primaire (et met tout le monde mal à l’aise)<!-- --> | Atlantico.fr
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"Salade grecque chez les Républicains".
"Salade grecque chez les Républicains".
©Reuters

Indigestion

Alors que certains proches d’Alain Juppé n’hésitaient pas, dès samedi 27 juin, à condamner l’initiative prise par Athènes, Nicolas Sarkozy, qui a fait du recours au référendum d’un des piliers de son nouveau logiciel idéologique, a eu du mal à trouver la formule permettant de condamner Tsipras sans attaquer directement son initiative.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Combien d’arrière-pensées, de messages codés échangés ce week-end entre Juppésistes et Sarkoboys ? C’est un drôle de bal masqué qui a occupé les deux camps jusqu’à hier. Les uns et les autres jouant à parler de la Grèce tout en ne cessant, derrière les masques, de penser à la primaire. Dès l’annonce, par le gouvernement Grec, de la tenue d’un référendum, Les Républicains tendance Juppé ont dégainé. Benoist Apparu, sur Twitter s’exclamait : "J'avoue ne pas comprendre la position du gvt grec ! Le bras d'honneur aux créanciers qui tentent de sauver la Grèce est surréaliste !". Puis, toujours sur Twitter, c’est au tour de Virginie Calmels, candidate aux régionales en Aquitaine, de s’offusquer : "Le référendum, outil démocratique, devient démagogique qd tout le monde sait que son résultat n'allègera pas les pbs des Grecs. Puis "Dans l'UE, la volonté des Grecs ne vaut pas moins, mais pas plus, que celle des autres citoyens, représentés par leurs gouvernants élus". Côté sarkozistes pur jus, personne, ni Nadine Morano, ni Christian Estrosi. Silence aussi du côté des numéros 2 et 3 des Républicains, Laurent Wauquiez et Nathalie Kosciusko-Morizet. Eric Woerth s’est retrouvé bien seul à monter au créneau : "Sidérant comportement de Mr #Tsipras ! C'est plus dur de gouverner que d'être populiste", lance-t-il sur Twitter et puis plus rien. Françoise Grossetête, proche de Jean-François Copé, ne lui viendra en aide que lundi en affirmant : "Alexis Tsipras joue un jeu dangereux. Il prend son peuple en otage pour légitimer des décisions qu'il n'a pas le courage de prendre lui-même". Alors que tout le week-end le Front national s’est déchainé, affirmant que la Grèce offrait ainsi une belle leçon de démocratie, silence gêné rue de Vaugirard qui a préféré parler terrorisme et djihadisme.

Il faut dire que le référendum est l’une des pierres angulaires du futur programme de Nicolas Sarkozy. En février 2012, déjà, alors qu’il s’apprêtait à annoncer sa candidature à l’élection présidentielle, l’ex président de la République affirmait : "Il est venu le temps de réintroduire dans le fonctionnement de nos institutions le référendum" qui est "une garantie" pour les électeurs. Nicolas Sarkozy se proposait alors de consulter les Français sur la question des indemnités chômage et de l’assistanat. Une ligne qui fut directement inspirée par son conseiller Patrick Buisson. La levée de boucliers avait alors été immédiate jusque dans son propre camps où Jean-Louis Borloo rappelait que : "Si Mitterrand avait organisé un référendum sur la peine de mort, jamais elle n'aurait été supprimée" et Alain Madelin estimait : "le problème, c'est le chômage, pas les chômeurs". "Agiter aujourd'hui cette perspective, parler de référendum, c'est prendre le risque de stigmatiser des chômeurs qui n'en peuvent [plus]. (...) Cette stigmatisation des plus faibles n'est pas acceptable. Elle heurte de trop nombreux Français. Elle ne sera pas acceptée".

Depuis 2012, retiré dans ses bureaux de la rue de Miromesnil, l’ancien président n’a pourtant cessé de réfléchir à la question et se montre de plus en plus enclin à vouloir consulter les français sur différents sujets. En septembre 2014, sur France 2, il affirme : "Il est venu le temps de réintroduire dans le fonctionnement de nos institutions le référendum". Nicolas Sarkozy a acquis la conviction que les corps intermédiaires sont trop conservateurs et doivent donc être contournés. "Chaque fois qu'il y aura blocage, je ferai trancher le peuple français", assure-t-il alors en évoquant la question du chômage ou celle de l'immigration. "Ce sera le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple", explique-t-on dans son entourage. En octobre 2014, il ajoute vouloir aussi consulter les Français sur la réforme du Parlement, celle des collectivités territoriales, sur son projet de "bouclier de la dépense publique", qui interdirait à l'État de consacrer plus de 50% du PIB à la dépense publique, ainsi que sur le RSA  et il explique : "La question pourrait être posée ainsi : est-ce que toute allocation doit avoir comme contrepartie une activité ? Pour moi, la réponse est oui." Pour Nicolas Sarkozy, l'organisation de ces référendums doit être rapide: "Je souhaiterais que ces consultations soient organisées en même temps que le premier tour des élections législatives qui suivront l'élection présidentielle", affirme-t-il alors.

Il s’agit de mordre ainsi sur les plates-bandes du Front national qui a fait depuis fort longtemps du référendum l’un des piliers de son programme. À plusieurs reprises, Marine Le Pen s'est déclarée favorable à une "République référendaire" et a affirmé que l’ "on aurait des leçons à prendre" de la Suisse. En septembre 2014, elle dénonce même ce qu’elle considère comme une usurpation de la part de l’ancien président : "il parle du référendum, c'est à hurler de rire ! Il nous a fait le coup en 2007, en 2010, en 2011, en 2012, après avoir fait voter la Constitution européenne contre l'avis des Français. Il a fait annuler celui qui était prévu en Grèce. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Nicolas Sarkozy est un adversaire du référendum". Toute à sa logique, Marine Le Pen a donc défendu durant le week-end la décision d’Alexis Tsipras face à des Républicains beaucoup plus gênés.

Les juppeistes ont beau jeu de dénoncer une décision qui illustre en creux les errances de leur concurrent. La position de Nicolas Sarkozy relève, elle, de l’équilibrisme. L’ancien président ne peut, en effet, soutenir un référendum qu’il a contribué à faire annuler en 2001 et qui ulcère l’aile libérale des Républicains attachée à une stricte orthodoxie financière dont Eric Woerth est l’un des représentants. Mais il ne peut, pour autant, fermement condamner une démarche qu’il a lui-même si souvent défendue sur d’autres sujets. Hier à Madrid, où il devait rencontrer Mariano Rajoy, l’ancien président s’en est donc pris à la personne même d’Alexis Tsipras et à son gouvernement plutôt qu’à son initiative, lançant : "La Grèce a fait le choix d'un gouvernement qui lui a menti, d'un gouvernement qui veut tous les avantages de la zone euro et de l'Europe mais qui ne veut en assumer aucune des responsabilités", selon lui Tsipras a fait preuve de "cynisme", de "démagogie" et d' "irresponsabilité".

S’éloignant, malgré toutes les précautions prises, de ses propres mots prononcés en octobre 2014 : "Réfléchissons, il y a moins de risque de populisme quand le peuple peut s'exprimer dans les urnes. À l'inverse, le risque populiste est beaucoup plus fort si le peuple a le sentiment qu'on lui refuse la parole." 

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