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Arnaud Montebourg a demandé au PS de fixer à 67 ans révolus l’âge limite des candidats aux législatives de juin 2012.
Arnaud Montebourg a demandé au PS de fixer à 67 ans révolus l’âge limite des candidats aux législatives de juin 2012.
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Crépuscule des vieux

Arnaud Montebourg a demandé au PS de fixer à 67 ans révolus l’âge limite des candidats aux législatives de juin 2012. Il propose d’étendre ce dispositif à l’ensemble des députés. Dominique Jamet lui répond.

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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Sacré Montebourg ! Alors qu’un peu partout en Europe et dans le monde l’accroissement de la longévité impose comme une évidence de prolonger au-delà de 60 ans et par exemple en Allemagne jusqu’à 67 la durée de la vie professionnelle, c’est au même âge de 67 ans que le toujours juvénile quoique bientôt quinquagénaire(eh oui) député de Saône-et-Loire préconise de mettre en retraite d’autorité les hommes politiques, en commençant par les députés de son propre parti, qui auraient atteint ou dépassé cet âge canonique.

Refusant à ses aînés le bénéfice de la sagesse, de l’expérience, du savoir-faire, Arnaud Montebourg justifie sa démarche par la volonté de donner leur chance aux nouvelles générations et de doter la France d’une Assemblée nationale qui soit réellement représentative de notre société. Il est parfaitement exact, et regrettable, que les femmes, les jeunes, les Français issus de l’immigration sont sous-représentés dans nos différentes instances politiques, mais la juste représentation de ces diverses catégories implique-t-elle l’exclusion des plus âgés ? Si le toujours sémillant quoique futur sexagénaire (allez savoir) président du Conseil général de Saône-et-Loire avait un peu plus réfléchi avant de s’exprimer, il se serait avisé que les plus de 60 ans constituent aujourd’hui le quart de la population française et qu’il n’est ni injuste ni absurde ni anormal qu’ils participent dans cette proportion à la vie de la collectivité. A moins qu’il soit dans ses intentions, au moins dans ses arrière-pensées, d’interdire aux plus âgés non seulement de briguer un mandat politique mais d’être éligibles, voire d’être électeurs, bref d’en faire des sous-citoyens à part entière.

Allons plus loin, encore un effort, camarade ! Peut-être est-il dans l’intérêt et dans la logique de l’humanité, par ces temps où la crise sévit et la démographie galope, d’expédier dans les meilleurs délais le maximum de vieux dans les maisons de retraite, les hospices, les mouroirs, ce qui représente une charge difficilement supportable. La solution serait alors, comme dans le film "Soleil vert" de réduire les seniors en chair à pâté qui fournisse les plus jeunes en protéines. Au moins se rendraient-ils utiles. Le plus grand tort des vieux ne serait-il pas en définitive d’être vieux, c’est-à-dire de s’obstiner à vivre ? Vous me direz qu’au bout du compte c’est quelque chose qui finit toujours par s’arranger, mais avec l’accroissement de la longévité (voir plus haut), pour enterrer un homme, Dieu que c’est long ! Sainte Patience, priez pour nous ! 

Serait-il excessif de résumer, certes un peu brutalement, mais sans en trahir l’esprit, la philosophie qui sous-tend la délicate suggestion d’Arnaud Montebourg ? On peut le faire d’une phrase : « Ote-toi de là que je m’y mette ! », ou d’un mot, à la mode au printemps dernier : »Dégage !" Le don Juan de Molière, au fond, n’exprime pas autre chose lorsqu’il s’adresse à son père don Luis : « Ah ! mourez le plus tôt que vous pourrez, c’est le mieux que vous puissiez faire. Il faut que chacun ait son tour et j’enrage de voir des pères qui vivent autant que leurs fils. »

Dans le Japon traditionnel, les vieux parents, bouches inutiles, étaient invités sans plus de manières à quitter la maison et à prendre pour un aller sans retour le chemin de la montagne et même dans nos campagnes profondes, à l’époque où la France était rurale, l’hiver rigoureux et les fermes isolées, il n’était pas rare de retrouver quand venait le dégel les cadavres raidis de patriarches qu’on avait laissés en pleine santé aux premiers frimas. C’était le temps où l’on savait donner aux problèmes compliqués des solutions simples.

Si le dispositif proposé par l’ancien candidat aux primaires socialistes avait été de règle il y a trente et cinquante ans, le général de Gaulle se serait vu refuser le droit de fonder la Cinquième République et François Mitterrand aurait été prié de résigner ses fonctions dès 1983. Pourquoi pas, dira-t-on ? Le toujours impétueux mais un jour septuagénaire (c’est tout le mal qu’on lui souhaite) Arnaud Montebourg acceptera-t-il  le moment venu de mettre sa belle tête sous le couperet qu’il tend si gentiment à ses prédécesseurs ? Rendez-vous dans 17 ans.

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