Trois mineurs jugés pour avoir tiré sur un policier : quand les petits délinquants tombent dans le même niveau de violence que le grand banditisme <!-- --> | Atlantico.fr
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L'un des principaux jeunes accusés "ne semble pas mesurer la gravité des faits qui lui sont reprochés".
L'un des principaux jeunes accusés "ne semble pas mesurer la gravité des faits qui lui sont reprochés".
©Reuters

Du lance-pierre au pistolet

Les actes criminels se font de plus en plus tôt et sont de plus en plus violents. Les délinquants sont par ailleurs tout à fait conscients de ce qu’ils font, sont persuadés qu’ils n’ont rien à craindre et n'ont plus peur d'aucun uniforme.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : La vidéo (voir ici) qui montre un policier agressé par trois jeunes dans un train de banlieue avait beaucoup choqué au moment de sa diffusion en raison de son extrême violence. Pourquoi observe t-on aujourd'hui des déchaînements de violence chez les délinquants ordinaires que l'on ne constatait pas auparavant ? Quelles raisons conduisent à cette violence ?

Alexandre Giuglaris : La première chose que l’on peut noter et qui est rassurant, c’est ce que cette vidéo choque énormément de personnes par la violence des actes qui sont commis. Cela montre que nous ne sommes pas encore tombés dans une société d’hyper-violence totalement banalisée et acceptée.

Par ailleurs, pour répondre à votre question, je dirais qu’il faut se garder des explications unicausales et simplistes du type : « ce sont les inégalités qui créent la richesse »…

Non, au contraire, il y a sans doute une multiplicité de facteurs qui entrent en jeu dont le sentiment d’impunité ressenti dû à un trop grand laxisme de la justice, envers les mineurs en particulier, la banalisation de la violence à la télévision ou dans les jeux vidéos, une perte de repères notamment liés au respect à n’importe quelle personne, l’absence de maîtrise de soi et au contraire une grande impulsivité, des carences éducatives et affectives ou l’exposition à la violence dès l’enfance, des troubles psychologiques ou psychiatriques comme l’absence d’empathie pour son prochain ou sa victime, ou bien encore la consommation et l’addiction aux drogues qui désinhibent, font perdre les repères et poussent au passage à l’acte.

On le voit de très nombreux facteurs peuvent permettre de mieux comprendre, mais sans expliquer et encore moins excuser, des passages à l’acte délinquant ou criminel. Généralement, le profil criminologique de délinquants très violents montre un cumul des ces facteurs de risques.

L'un des principaux accusés "ne semble pas mesurer la gravité des faits qui lui sont reprochés", estime Le Parisien. Il s'est présenté avec 50 minutes de retard alors qu'il est accusé de tentative d'homicide sur un policier. Est-ce le signe d'une violence totalement banalisée ? Et est-ce la preuve que certains jeunes sont totalement déresponsabilisés et n'ont plus du tout peur des figures d'autorité (policiers, etc.) ? Comment en est-on arrivé-là ?

L’absence de sentiment de culpabilité, de responsabilité ou d’empathie pour sa victime peuvent être les marqueurs d’une personnalité psycho-pathologiques. A minima, on peut tout à faire que ce criminel présumé, manque singulièrement de respect pour la justice mais pour l’ensemble des institutions et des individus qu’il rencontre.

D’où cela vient-il ? Je le redis, il n’y a pas de cause unique mais l’affaiblissement de l’autorité en général, et pour ce qui intéresse l’Institut pour la Justice, de la fermeté pénale en particulier joue sans aucun doute un rôle.

Le rajeunissement de la délinquance fait-elle monter en intensité les actes et leur violence ? Comment enrayer cette spirale ? La justice pénale devrait-elle être plus ferme pour les jeunes délinquants ?

Le facteur âge est corrélé à une plus grande capacité au passage à l’acte. En clair, chez les adultes, plus vous êtes jeune, plus vous avez de chance de passer à l’acte délictuel ou criminel. Et le pic se situe entre 15 et 20 ans. Ce que l’on sait par ailleurs, c’est que les mineurs sont surreprésentés pour des actes très graves comme des vols avec violence, ou pire des viols.

Il me paraît indispensable dans une société où la violence s’accroît et se durcit (les attaques aux biens semblent se stabiliser alors que les violences aux personnes ne cessent d’augmenter dangereusement), que la justice pénale des mineurs soit renforcée et face preuve de plus de fermeté. C’est l’idée qui avait prévalu lors de la création des tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes âgés de 16 à 18 ans et encourant plusieurs années de prison. Nous sommes inquiets quand nous entendons la garde des Sceaux se battre encore et toujours pour obtenir leur suppression. Est-ce par méconnaissance, angélisme ou idéologie, je ne sais pas mais j’ai tendance à penser que certains mineurs délinquants « testent » leurs parents, les adultes et la société en général lors de petits délits pour « connaître » les limites et faire face à de l’autorité. Si la seule réponse qu’on leur apporte est toujours moins de sanctions, il ne faut pas s’étonner que certains s’endurcissent et s’ancrent dans la délinquance de plus en plus violente.

Cette délinquance s'observe t-elle davantage dans un milieu urbain ou en rase campagne ? Pourquoi ?

Incontestablement, la délinquance est bien plus importante en milieu urbain qu’en milieu rural. Et là encore, il y a de multiples causes, à commencer par l’effet démographique. Mais je note que les campagnes sont de plus en plus exposées à la criminalité organisée. Comme le montrent de nombreux rapports du ministère de l’Intérieur, de véritables razzias s’organisent de la part d’une délinquance itinérante, initiée par des réseaux mafieux européens au sein même des villages ou petites villes françaises, provoquant à juste titre une grande inquiétude. Il est urgent de faciliter le travail de la police, de la gendarmerie et de la justice face aux mutations de la délinquance. Pourtant, c’est exactement le contraire que l’on fait aujourd’hui, notamment dans le cadre de la réforme pénale du gouvernement qui complexifie les règles en matière de comparutions immédiates qui sont pourtant les plus adaptées face à cette délinquance. C’est assez navrant et surtout dangereux. 

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