Avant la confrontation idéologique, la bataille de l'argent a commencé entre les candidats à la primaire à droite <!-- --> | Atlantico.fr
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Sarkozy, Juppé, Fillon ou Le Maire : les investisseurs hésitent...
Sarkozy, Juppé, Fillon ou Le Maire : les investisseurs hésitent...
©Reuters

Une petite pièce s'il vous plaît

Chez Les Républicains, la recherche de fonds en vue de la campagne des primaires est lancée. Chaque candidat a ses recettes pour draguer les gros comme les petits donateurs. Alain Juppé en a trouvé une bien malgré lui : à chaque fois qu’il se fait siffler, les dons pleuvent.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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A quelques pas de Saint James Square, le Sofitel de Londres accueillait, jeudi 18 juin, un déjeuner de la plus haute importance. Sur les canapés rouges, une trentaine de riches chefs d’entreprises français devisent et s’interrogent. Juppé, Sarkozy, Le Maire, Fillon ? Qui donc sera le chef de file de la droite en 2017 ? Qui défendra leurs intérêts face à un candidat de gauche qui n’aura, pour sûr, pas leur appui.  Cette fois, ils veulent mettre toutes les chances de leur côté et analysent  les  profils en lice comme on examine des chevaux de course. Poids, taille… idées et charisme sont observés à la loupe. Quelle détermination, quelle endurance, quelle motivation ? C’est François Fillon qu’ils s’apprêtent, cette fois, à faire parler et à jauger. Avant lui, Alain Juppé puis Bruno Le Maire ont fait le déplacement dans la capitale britannique pour rencontrer les mêmes chefs d’entreprises ou bien leurs frères. En effet, si la campagne des primaires est bel et bien commencée, c’est pour l’instant dans un marathon financier que se sont lancés les différents candidats. Car, cette fois plus que jamais, l’argent sera le nerf de la guerre.

"Au-dessous de 500 000 euros, on ne fait rien. Il n’y a pas d’action politique sans argent. Pas d'argent ça signifie rester à Paris et ne faire qu'une campagne médiatiqu", explique Jérôme Grand d’Esnon chez Bruno Le Maire. Chaque candidat va devoir faire des déplacements, organiser des meetings qui, dès que les salles sont un peu grandes, coûtent une fortune. "Pour les réunions de moins de 500 personnes, on peut utiliser les salles municipales, explique ce proche de Bruno Le Maire, mais dès qu'on passe à plus de 1000, il faut louer. De plus, lorsqu'il y a des télés, il faut installer un éclairage adapté et une sono". Or, Les Républicains, vu leur situation financière, ne devraient être d’aucune aide.

Pour trouver des fonds, chacun sa méthode. A Londres, c’est le micro parti de François Fillon qui est à la manœuvre et qui a réservé, à ses frais, un salon privé du Sofitel. Les proches de l’ancien premier ministre ont ouvert leur carnet d’adresse. "Certains des chefs d’entreprise que nous rencontrons ici connaissent déjà François d’autres non", explique Nathalie Etzenbach qui est chargée de cette recherche de fond. L’objectif financier est clairement avoué, "on ne peut pas les tromper, leur dire qu’on veut les rencontrer pour échanger des idées et finalement leur demander de l’argent. Ils savent pourquoi ils sont là", ajoute la jeune femme. Alain Juppé aussi a parcouru le monde, tout comme Bruno Le Maire qui est allé à Bruxelles, à Genève, à New-York. "Il y a une communauté française expatriée très riche », explique Jérôme Grand d’Esnon, alors pourquoi ne pas en profiter ». Mais pour séduire ces généreux donateurs, il faut payer de sa personne, les rencontrer afin, ajoute-t-il : « de les convaincre qu’ils placent leur argent sur la bonne personne".

C’est Alain Missoffe qui s’occupe, pour l'ancien ministre de l'Agriculture, de ces appels aux dons. Ce chef d'entreprise de 48 ans, descendant de la famille Wendel et frère de François de Panafieu, a un réseau en or. C'est un atout maître dans le dispositif Le Maire. Il a mis son carnet d'adresse à disposition du candidat et a même convaincu certaines de ses connaissances d’aider le futur candidat. Ainsi, la patronne d’une grande agence de lobbying s’est mise à organiser des dîners chez elle avec un certain nombre de décideurs à qui elle fait rencontrer Bruno Le Maire. "Ils sont très intéressés, explique-t-elle, car ils ne veulent surtout pas du retour de Nicolas Sarkozy qui les a tellement déçus".

Mais si ces grands patrons investissent 7500 euros par an sur un poulain (ils peuvent aussi diviser cette somme entre plusieurs candidats), ça n’est pas par amour des courses. "Alors qu’ils sont très occupés, ça leur permet de s’impliquer dans le combat politique. La vanité est aussi un moteur très important et très utile pour nous et puis, ça leur donne le droit de voir le bon Dieu une fois par an", explique-t-on dans l’entourage d’un candidat. « Ça créé une différence entre ceux qui connaissent le candidat et ceux qui ne le connaissent pas", précise Gilles Boyer, un proche d’Alain Juppé. Mais surtout ces gentils donateurs peuvent ainsi faire passer des messages. Certains sont politiques -ces hommes d'affaires peuvent plaider pour telle ou telle réforme,-d’autres sont plus personnels -quelques donateurs espèrent bénéficier, ainsi, d'une oreille complaisante pour faciliter tel ou tel dossier.  Mais tous nient en bloc qu'avec 7 500 euros on puisse corrompre un candidat.

En effet,  la loi c'est durcie depuis quelques années afin d'éviter les dérapages. "La compétition est plus grande qu’avant depuis que la majorité actuelle a encore plafonné les dons, explique Gilles Boyer. Il arrive que l’on rencontre des donateurs qui nous disent : on a déjà donné à un autre candidat, on vous donnera l’an prochain". D’où l’importance d’aller vite. De voir les donateurs en premier et donc d’avoir des réseaux fidèles.  Alain Juppé a pourtant, affirme son équipe, refusé d’utiliser ses connaissances bordelaises afin de préserver sa neutralité de maire. Il ne s’est pas, non plus, tourné vers le Canada où il a noué des liens durant son "exil" afin de ne pas solliciter de donateurs étrangers.

En revanche, il organise le 4 juillet à Suresnes une brochette partie. L’entrée sera payante et la fête réunira de potentiels donateurs mais de moindre envergure que ceux croisés à New York ou à Londres. "Les petits donateurs, c’est la majorité de nos donateurs, explique Nathalie Etzenbach chez François Fillon. Ce sont des sympathisants qui viennent à nos meetings, on écrit aussi des mailings qui nous permettent en même temps d’envoyer le programme de François Fillon". "Les grandes émissions de télévision crée aussi un afflux de soutiens", complète Gilles Boyer chez Alain Juppé. Dans l'entourage du maire de Bordeaux, un autre ajoute, en souriant, que chaque fois que le candidat se fait siffler, l'argent pleut. « Après le congrès du 30 mai porte de La Villette, nous avons récolté en 48h l’équivalant de 15 jours de dons, précise Marie Guevenoux qui est chargée des recherches de fonds pour Alain Juppé. Elle ajoute "nous avons assisté au même phénomène après le conseil national du 7 février où il avait déjà été sifflé. Je pense que personne dans le camp d’en face de réalise que ça a l’effet inverse à celui escompté". Chez Bruno Le Maire enfin, Jérôme Grand d’Esnon n’est pas peu fier d’avoir ressorti ses vieilles recettes. "En 1986, le RPR avait envoyé aux États-Unis des gens se former au fundraising, j'ai utilisé ces méthodes pour la campagne de Chirac en 1995 puis en 2002".

De tous les candidats déjà déclarés, seul Xavier Bertrand ne s’est pas lancé dans cette course financière. « On est concentrés sur les régionales pour nous aujourd’hui, la primaire ça n’est pas le sujet. La Manufacture (le think tank de Xavier Bertrand NDLR) existe, elle a ses petits fonds, explique son entourage. On commencera sérieusement à chercher après les régionales ». A moins que tout le monde ne soit passé avant. L'autre risque a trop attendre est d’envoyer un message négatif à l’opinion. En effet, si aujourd’hui Alain Juppé et François Fillon médiatisent, à ce point, leur recherche de financement c’est parce que l’un et l’autre ont été soupçonnés de ne pas vouloir mener la bataille des primaires jusqu’au bout.  La recherche d’argent est la preuve d’un engagement sérieux. Les gros investisseurs ne comprendraient pas, en effet, d’avoir donné 7500 euros à un candidat qui jetterait l’éponge avant l’arrivée.

Chez Alain Juppé, on affirme avoir réuni 600 000 euros depuis le mois octobre. Bruno Le Maire aurait, pour sa part réunit 500 000 euros en 2014 et François Fillon 680 000 euros. Cet argent est directement reversé aux micro-partis de chacun : "avec BLM" pour Bruno Le Maire, France Moderne devenue Le Cap pour Alain Juppé et Force Républicaine pour François Fillon. Quant à Nicolas Sarkozy, dont l’équipe n’a répondu à nos  sollicitations, si l’on en croit le site Internet de la commission des comptes de campagne, il posséderait trois micro-partis : « l’association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy » qui possédait en 2013 244 000 euros, l’association nationale des amis de Nicolas Sarkozy qui détenait la somme de 16 000 et les amis de Nicolas Sarkozy qui pour la même année ont déclaré 166 000 euros. Mais l’argent n’est pas un problème pour l'ancien chef de l’État car le parti qu'il préside lui offre des réseaux  en or. Ainsi, Les Républicains viennent de mettre en place un « comité des entrepreneurs ». Il sera présidé par Olivier Dassault.  Ce comité doit permettre à tous les entrepreneurs, adhérents ou non du parti, de participer directement à l’élaboration du projet politique que porteront les Républicains. Un beau cadeau pour des chefs d'entreprises qui rêvent d'un programme taillé sur mesure et qui devraient donc redoubler de générosité. D'autre part, Nicolas Sarkozy, comme président des Républicains pourra, jusqu'en septembre 2016, tenir des réunions publiques au frais du parti.  Jérôme Grand d'Esnon tempère cependant : "En janvier, à partir du moment où la campagne sera lancée, nous serons extrêmement vigilants, il ne pourra pas faire de réunions publiques pour parler de son propre programme". Mais comment contrôler ? "C’est pour ça qu’il aurait été sain que le président ne soit pas candidat ou qu’il sorte plus tôt ? C'eut été aussi mieux pour lui, pour qu’il n’y ai pas de suspicion", soupire-t-on chez François Fillon. Un enjeu de poids à l’heure où plus aucun écart n’est admis par des militants déjà sollicités  pour rembourser les comptes de la campagne de 2012. C’est sans doute pour ça que Bruno Le Maire, par exemple, a décidé de jouer l’ultra transparence en envoyant à tous ses donateurs le détail de ses dépenses jusqu’au salaire de ses collaborateurs. Gilles Boyer, chez Alain Juppé, ne peut d’ailleurs s’empêcher une petite pic à l’attention de Nicolas Sarkozy : "lors de cette campagne nous adapterons tous nos dépenses à nos recettes, ce sera une nouveauté dans le parti". 

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