Pourquoi la réduction des inégalités dans le monde participe au creusement des inégalités dans les pays développés<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Restos du coeur s'occupent de plus en plus de monde.
Les Restos du coeur s'occupent de plus en plus de monde.
©Reuters

Vérité déplaisante

Alors que les inégalités mondiales sont attendues en baisse au cours des 20 prochaines années, les inégalités de revenus internes aux pays développés vont continuer de croître, traduisant ainsi une concurrence exacerbée entre travailleurs non qualifiés du monde entier.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Dans un discours tenu en décembre 2013, Barack Obama déclarait que la hausse des inégalités était devenue "la question déterminante de notre temps.", et portait ainsi cette question de la distribution des revenus au cœur du débat politique américain, avant que celle-ci ne se propage à l’international. L’immense succès qu’aura connu Thomas Piketty au cours de l’année 2014 n’a fait que renforcer cette prise de conscience de la tendance inégalitaire à l’intérieur même des nations les plus riches. Pourtant, à l’inverse de ce constat, et comme peut le révéler une étude publiée en avril 2015 par le Peterson Institute for International Economics, c’est la réduction des inégalités, dans un sens mondial, qui serait en marche.

Ainsi, les deux économistes Thomas Hellebrandt, de la Banque d’Angleterre, et Paolo Mauro, du FMI, se sont attachés à une projection des inégalités mondiales à un horizon de long terme : 2035. Plutôt que de diriger l’analyse des tendances inégalitaires à l’intérieur même des nations, le rapport consacre une vision globale du phénomène :

"Nous avons trouvé que le coefficient de GINI des inégalités globales a décliné de 69 en 2003 à 65 en 2013, et nous projetons qu’il va encore décliner jusqu’à 61 en 2035, largement en raison de la rapide croissance économique des pays émergents."

En effet, l’aplatissement de la courbe de distribution des revenus au fil des années permet de mettre en évidence la forte réduction de la grande pauvreté comme cause fondamentale de la réduction des inégalités au niveau mondial :

Evolution de la distribution de revenus entre 2003 / 2013 / et 2035

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Ce résultat indique qu’en faisant abstraction des frontières, la réduction des inégalités de revenus est en marche depuis le début de ce siècle, ce que révèle la baisse signalée de l’indice global de GINI, et les projections de revenus à horizon 2035 :

"Le nombre de personnes gagnant entre 1144 et 3252 $ par an en 2013 (en parité de pouvoir d’achat) va augmenter d’environ 500 millions de personnes, avec les gains les plus élevés pour l’Afrique sub-saharienne et l’Inde, ceux gagnants entre 3252 et 8874 $ par an en 2013 va augmenter d’environ 1 milliard, avec les plus grands gains pour l’Inde et l’Afrique sub-saharienne, et ceux gagnant plus de 8874 USD par an va augmenter de 1.2 milliard, avec les plus grands gains pour la Chine et les pays développés."

Ainsi, cette réduction des inégalités se met en place par rideaux successifs, permettant aux différentes populations à travers le globe de progresser sur l’échelle des revenus, et ainsi accéder aux différents stades de la consommation :

 "Des centaines de millions de personnes sortiront de l’extrême pauvreté, des centaines de millions (principalement en Afrique sub-saharienne) rejoindront les rangs des "travailleurs pauvres", classe ayant accès aux biens de consommation basiques, des centaines de millions vont commencer à utiliser des biens durables (principalement en Inde), comme des réfrigérateurs et des voitures, et des centaines de millions (principalement en Chine) qui vont atteindre des niveaux de consommation comparables à ceux qui sont associés aux revenus moyens des économies avancées, en termes absolus."

Pourtant, et malgré l’optimisme évident des auteurs, la question des inégalités au sein même des pays développés reste une priorité. Car le résultat de la dynamique est opposé. En effet, dans une étude réalisée en 2013 par le CBO (Congressional Budget Office), une analyse similaire était réalisée, prenant en compte un horizon de temps identique,  mais appliquée aux inégalités internes aux Etats Unis :

"Entre 2009 et 2035, le coefficient de Gini pour tous les travailleurs est attendu en hausse de 17%, de 0.40 en 2009 à 0.46 en 2035". Entre une hausse continue des revenus des plus riches, une stagnation des revenus pour les classes moyennes, et une dégradation des revenus pour les plus pauvres, le phénomène inégalitaire prend une trajectoire inverse de celle des inégalités mondiales :

Evolution des déciles de revenus pour tous les travailleurs de 16 à 90 ans -1984-2035

Les 15 dernières années ont été synonymes d’une hausse des inégalités internes aux pays développés, concomitante à une baisse des inégalités au niveau mondial. La mise en concurrence globale des salariés a donc été la cause d’une mondialisation menée au détriment des travailleurs les moins qualifiés des pays occidentaux. Le défi des prochaines années sera de parvenir à rectifier le tir, afin d’inclure cette population à une réelle réduction des inégalités mondiales.

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