Pourquoi l’hypothèse d’une présidentielle en 2017 sans Sarkozy, Hollande ou Marine Le Pen est envisageable (et ceux qui deviendraient alors les favoris pour l’Élysée)<!-- --> | Atlantico.fr
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La très grande majorité des commentateurs imaginent une élection présidentielle entre Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et François Hollande.
La très grande majorité des commentateurs imaginent une élection présidentielle entre Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et François Hollande.
©Reuters

Prospective politique

Alors que la très grande majorité des commentateurs imaginent une élection présidentielle entre Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et François Hollande, des événements potentiels pourraient bousculer le paysage électoral, notamment la non-représentation de François Hollande qui lie son sort politique à la baisse du chômage tant attendue.

Xavier  Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

Aujourd’hui, il est associé du cabinet de stratégie ESL & Network.

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Atlantico : Dans l’étude que vous avez réalisée en partenariat avec l’institut Jean Lecanuet vous affirmez que le match François Hollande/ Marine Le Pen/ Nicolas Sarkozy n’est pas inévitable. Pensez-vous que François Hollande ne sera pas forcément le candidat de la gauche ?

Xavier Chinaud : A presque 2 ans de l’échéance, beaucoup d’aléas subsistent et l’histoire politique l’a déjà démontré, de la non-candidature de Jacques Delors en 1995, à celle de Dominique Strass Kahn à la dernière échéance présidentielle, etc.

Aujourd’hui le Président sortant est manifestement candidat à un second mandat et semble en mesure de s’imposer dans son camp, mais François Hollande a, non seulement déçu une part importante de son électorat et entretenu le doute qu’inspire sa capacité à gouverner, mais, en assumant un positionnement "social-démocrate" et en voulant faire évoluer le PS vers la modernité, il a ouvert un espace de contestation interne que Jean-Luc Mélenchon n’a pas réussi à préempter de l’extérieur du PS.

Moins d’un électeur sur deux de François Hollande en 2012 est satisfait de son action depuis son élection (48 %) et ils ne sont que un sur trois à l’être parmi ses électeurs du second tour (36 %). Dès lors, seuls 44 % des électeurs du président au premier tour de 2012 déclarent qu’ils voteraient pour lui si le premier tour de la présidentielle avait lieu aujourd’hui. Et ils ne trouvent pas d’alternative : 45 % des électeurs de François Hollande au premier tour de 2012 disent qu’ils ne pourraient voter pour aucun des trois candidats annoncés, et seuls 12 % sont tentés par le vote Mélenchon (OpinionWay / Le Figaro / LCI, avril 2015).

>>> Lire également Les ondes de choc à venir d’un FN durablement à 30% (et pourquoi ni le PS, ni l’UMP ne devraient y résister)

François Hollande a devant lui le double défi d’obtenir les résultats de sa politique et de rassembler la gauche. La partie n’est pas gagnée d’avance. Sur le plan économique, les signaux sont encore faibles ; sur le plan politique, les manœuvres récentes (congrès du PS, divisions chez les Verts) sont encore insuffisantes.

Quant à Nicolas Sarkozy, bien qu’il tienne désormais le parti, pensez-vous qu’il puisse perdre ?

En cas de primaire présidentielle, Nicolas Sarkozy domine auprès des sympathisants UMP (60 % contre 29 % à Alain Juppé), mais le résultat est bien plus partagé auprès des sympathisants de droite (48 % contre 39 %) ; il l’est d’autant plus si les sympathisants du MoDem se déplacent, puisque, dans ce cas, Alain Juppé est devant (45 % contre 42 %). (OpinionWay / l’Opinion, mars 2015)

Le parti est tenu, c’est un avantage certain pour lui, en contrôlant les moyens, les nominations et les investitures, il bénéficie d’un avantage de mobilisation réel sur ses concurrents, la clé de la primaire présidentielle telle qu’elle est envisagée réside dans la participation, en deçà de 2 millions de participants, N.Sarkozy doit l’emporter, au delà le match est ouvert. Plus le président de l’ex-UMP paraîtra être à la fois le chef de l’opposition et l’organisateur des primaires, moins les électeurs non-inscrits à une formation politique d’opposition se mobiliseront. Si l’esprit des primaires est respecté avec une organisation totalement indépendante et efficiente, nombreux sont les français susceptibles de prendre part à ce "pré-1er tour" pour désigner le candidat du centre droit de l’échiquier politique et ainsi contrarier les augures...

Au delà de cette primaire présidentielle dont beaucoup d’arrière-pensées peuvent encore contribuer à ce qu’elle n’ait pas lieu, l’ancien Président de la République a un autre obstacle à franchir, retrouver l’adhésion d’une majorité de français. Nicolas Sarkozy convaincra-t-il les électeurs qui se sont détourné de lui en 2012 de se déjuger ? À l’automne 2016, les sondages auront une grande importance dans la tête de ceux qui sont susceptibles de participer à la primaire. Ils voudront privilégier celui qui aura des chances réelles de gagner en 2017 et les tentations d’éliminer l’ancien président clivant existeront.

En fait Les protagonistes du match annoncé pour 2017 tentent, aujourd’hui, d’exclure tout autre schéma que le leur pour s’affronter, Si François Hollande souhaite tant que Nicolas Sarkozy soit son adversaire en 2017 et si le second espère tant prendre sa revanche sur le premier – chacun utilisant le FN comme le repoussoir justifiant sa propre ambition –, il n’en reste pas moins  que cette perspective n’emporte pas l’enthousiasme dans l’électorat.

Plus de quatre Français sur dix (41 %) déclarent ne pas vouloir voter pour l’un de ces candidats en 2017. (OpinionWay / Marianne, mai 2015), le rejet d’une nouvelle candidature de F. Hollande ou de N. Sarkozy est supérieur à 70% dans le dernier sondage Odoxa pour Le Parisien

Pour vous, François Bayrou aura un rôle à jouer différent des précédentes élections présidentielles ? Lequel ?

François Bayrou a clairement affiché son soutien à Alain Juppé, c’est déjà en soit un rôle notablement différent.

Avec une UDI divisée dont les dirigeants ne s’accordent que sur un point : aucun d’entre eux ne peut prétendre, aujourd’hui, remporter l’élection ; et un François Bayrou qui, à défaut de troupes, incarne un espace crédité, aujourd’hui, d’un socle indispensable à qui veut accroître ses chances de l’emporter, il pèsera.

François Bayrou est la deuxième personnalité la plus populaire parmi les leaders de l’opposition. (Baromètre OpinionWay / Metronews / LCI, mai 2015) Il recueille 12 % des intentions de vote si le premier tour de la présidentielle avait lieu demain, en dépit de son choix de se concentrer sur son action locale. (OpinionWay / Le Figaro / LCI, avril 2015)

Si Alain Juppé ne devait pas être candidat à l’élection présidentielle, François Bayrou serait devant un choix lourd, se représenter au nom des modérés ou peser dans une recomposition politique profonde.

Alors que la plupart des commentateurs affirment que la présence de Marine Le Pen au second tour est d’ores et déjà acquise, vous affirmez le contraire. Pourquoi ?

Les élections municipales, européennes, sénatoriales, départementales ont montré une réelle progression de l’enracinement du FN dans la France électorale. L’extrême droite compte bien encore le prouver aux prochaines élections programmées avant les présidentielles, les régionales, en décembre prochain.

Mais à la petite musique de l’UMPS et du "essayez-nous, les autres ont échoué" s’opposent la cacophonie de la saga familiale, la critique programmatique, un parti qui ressemble de plus en plus aux autres, mais une place dans le jeu républicain qui reste toujours à part.

Si les deux grands partis de gouvernement sont fracturés plus visiblement sur les lignes de fond évoquées au début de cette étude, les autres partis, bien que censés être plus homogènes et moins attrape-tout, se divisent pourtant, eux aussi, sur leur ligne stratégique d’existence même. Cela se voit au centre, tel que déjà évoqué, ainsi qu’au Front de Gauche, chez les Verts, mais aussi au FN, dans cette double confrontation anciens/modernes et nord/sud.

La rupture entre le père et la fille Le Pen, au-delà du vaudeville, révèle ces fractures et incohérences entre un FN canal historique et un "rassemblement" Bleu marine ; entre un fondateur qui se définit lui-même comme "un artiste qui ne quittera la scène que les pieds devant" et une candidate qui "joue pour gagner" et plus simplement pour bousculer ; entre une ligne politique dure et une pratique attrape tout ; entre un parti hors système et un parti qui en adopte les règles.

Le parti caserne garde le réflexe de suivre le chef, mais en évoluant et en grandissant, il est gagné par les symptômes connus des partis classiques, querelles d’ambition, affaires, etc.

Aujourd’hui, 53 % des Français perçoivent le FN comme un parti comme les autres (BVA / Orange / Itélé, avril 2015).

Depuis les élections départementales, les leaders de la majorité comme de l’opposition se sont attaqués au FN et à son programme au fur et à mesure que montait la côte de sa présidente ; petit à petit, le message se diffuse et les dix-huit mois qui viennent pourraient renforcer cela.

Il est devenu tellement comme les autres que seuls ses électeurs le perçoivent comme capable de gouverner le pays (93 % contre 33 % des Français seulement) et 52 % des Français voient la situation économique empirer si le FN était au pouvoir (OpinionWay / Metronews / LCI, février 2015).

Je n’affirme donc pas que Marine le Pen ne sera pas présente au 2eme tour, mais je pense qu’il est possible qu’elle n’y parvienne pas.

Nicolas Sarkozy pense qu’il sera capable de ramener les électeurs du FN dans le giron de la droite, a-t-il raison ? Y a -t-il une véritable porosité entre les deux électorats ?

Nombre d’études ont mis en lumière les similitudes entre ces électorats et, pourtant, les choses évoluent et sont à nuancer. A commencer par le souhait d’alliance à la base entre l’UMP et le FN qui évolue fortement depuis un an, plus de 20 points pour IFOP Atlantico du 24 mai. Le FN n’est plus perçu comme l’allié qui fera gagner la droite, mais comme le concurrent qui peut l’éliminer.

Si deux tiers des électeurs du FN souhaitent encore une alliance nationale avec l’UMP, il n’en reste qu’un tiers à l’UMP.

Sur les thématiques de fond, aujourd’hui, sur les enjeux de sécurité et d’immigration, ces deux électorats semblent le plus souvent en phase. Toutefois, dans de nombreux domaines, de fortes divergences subsistent, voire se creusent, entre les électeurs de l’extrême droite et de la droite. Certaines tendent même à rendre difficilement compatible l’union entre ces deux courants politiques.

Ces différences de point de vue peuvent être classées en trois grandes catégories.

  • Le rapport à la démocratie

L’autoritarisme demeure très prégnant au sein de l’électorat frontiste, bien plus que dans celui de la droite et du centre. Ainsi, quand 89 % des Français et 92 % des électeurs Nicolas Sarkozy et 95 % des électeurs de François Bayrou, en 2012, jugent qu’avoir un système politique démocratique est une bonne manière de gouverner le pays, ils ne sont que 79 % parmi les électeurs de Marine Le Pen. De même, 21 % des électeurs de Marine Le Pen estiment que ce serait bien que l’armée dirige le pays, soit près de deux fois plus que ceux qui partagent ce point de vue dans l’ensemble de la population (12 %), dans l’électorat de Nicolas Sarkozy (12 %) ou de François Bayrou (10 %).

La critique à l’égard de la démocratie dans l’électorat FN explique largement ce désenchantement, voire ce détachement, à son égard : 92 % des électeurs de Marine Le Pen pensent qu’elle ne fonctionne pas bien en France (contre 73 % des Français seulement, 72 % des électeurs de Nicolas Sarkozy et 68 % des électeurs de François Bayrou), 65 % qu’elle ne sait pas maintenir l’ordre (contre 45 % des Français seulement, 52 % des électeurs de Nicolas Sarkozy et 39 % des électeurs de François Bayrou) et 60 % qu’en démocratie le système économique fonctionne mal (contre 47 % des Français seulement, 44 % des électeurs de Nicolas Sarkozy et 43 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, signe que cet indicateur dépasse la simple mesure du mécontentement social).

  • Le rapport à l’économie

Clairement, l’électorat FN est aujourd’hui beaucoup plus dirigiste que celui de la droite et du centre. Même s’il privilégie la valeur liberté (57 %), il le fait sensiblement moins que celui de la droite et du centre (63 %). Surtout, alors que, dans le pays, les indicateurs d’opinion soulignent que de plus en plus de Français souhaitent, pour faire face à la crise économique, que l’on donne plus de liberté aux entreprises (+24 points depuis décembre 2011), ce phénomène touche moins l’électorat FN : quand 84 % des électeurs de droite et du centre pensent ainsi, seuls 63 % des électeurs FN y sont favorables. Cette tendance à être plus réfractaire à plus de liberté économique est confirmée par d’autres indicateurs (OpinionWay / l’Opinion, mars 2015) :

Dès lors, il n’est guère surprenant que seuls 48 % des électeurs de Marine Le Pen pensent que le mot libéralisme est positif, contre 77 % des électeurs de Nicolas Sarkozy et 63 % des électeurs de François Bayrou. Cette divergence économique tend à se renforcer depuis la dernière élection présidentielle dans la mesure où l’électorat de droite et du centre redevient sensible aux propositions économiques libérales, ce que l’on ne constate pas au FN, tout du moins dans les mêmes proportions. (OpinionWay / Observatoire du quinquennat, 2014)

  • Le rapport au monde extérieur et à l’Europe

C’est probablement sur cette dimension que la fracture est la plus flagrante, mais cette divergence et la précédente se rejoignent en partie et sont probablement liées. En effet, 76 % des électeurs FN aux départementales déclarent que la France doit se protéger davantage du monde plutôt que de s’ouvrir, contre 31 % seulement à droite et au centre. La réticence des électeurs à l’égard de l’Europe est avant tout une inquiétude à l’égard de l’extérieur du pays. Mais elle se traduit, sur le rapport à l’Europe, par des attitudes totalement opposées, aussi bien sur la perception présente que future. Ainsi, 53 % des électeurs FN aux départementales déclarent que l’appartenance de la France à l’Union européenne est une mauvaise chose, mais 63 % des électeurs de la droite et du centre pensent que c’est une bonne chose. Et alors que 46 % des électeurs FN sont favorables à la disparition de l’euro et au retour au franc, 80 % des électeurs de la droite et du centre y sont opposés. (OpinionWay / l’Opinion, mars 2015)

Le rapport à la démocratie explique cette place à part du FN dans le jeu républicain. L’économie et l’Europe renvoient à ces lignes de fracture au sein des partis politiques exposées précédemment, mais sont autant d’axes pour 2017 de pédagogie et de vérité politiques.

Le discours de Nicolas Sarkozy vise assurément à tenter de récupérer l’électorat du FN, mais on voit ici que pour le convaincre il faudra d’avantage offrir une nouvelle donne politique, faire une pédagogie sur le fond et être porteur d’espoirs, que de jouer à l’équilibriste entre les modérés et la droite dure tout en éliminant ses rivaux internes.

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