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Ce qui manque encore à la France pour devenir un champion absolu de la R&D
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Bon mais pas encore excellent

A l'image de Facebook qui ouvre un laboratoire d'intelligence artificielle à Paris, la France attire les investisseurs du monde entier. Si elle dispose de sérieux atouts en matière de recherche et développement, la réglementation particulièrement contraignante peut porter préjudice au pays.

Eric Heyer

Eric Heyer

Éric Heyer est Directeur adjoint au Département analyse et prévision de l'OFCE (observatoire français des conjonctures économiques - centre de recherche en économie de Sciences Po).

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Entre atouts économiques et avantages liés à l'environnement, qu'est-ce qui attirent les investisseurs qu'ils soient français ou étrangers de manière générale ?

Eric Eyer : De manière générale, je dirai qu'il y a trois mécanismes qui attirent les investisseurs français et étrangers. Le premier est le niveau de qualification et la grande qualité de nos écoles, très attractifs. Nous avons mis l'accent sur l'excellence. Quand on regarde les moyens développés, nous cultivons de très nombreux talents, notamment chez les ingénieurs. Les jeunes qui sortent sont recherchés, facilement exportables et assez bon marché. Ils deviennent rapidement chers, mais les salaires élevés ne sont néanmoins pas un frein dans la mesure où la productivité est extrêmement élevée.

Le deuxième attrait est lié à la fiscalité. Nous avons plusieurs mécanismes originaux et exceptionnels que je développerai plus tard. Ce qui attire essentiellement les étrangers sont les investissements dans les secteurs à forte valeur ajoutée, notamment dans le numérique et la technologie. La France est très compétitive dans ces secteurs à forte valeur ajoutée. Une entreprise qui cherche à investir dans ce secteur sera intéressée par la France.

D'autres mécanismes sont structurels, de très long termes et ne bougeront pas, comme la taille du marché intérieur et la position géographique de la France. Le marché intérieur français est de taille critique, et permet d'écouler un bon nombre de produits. Par ailleurs, étant au cœur de l'Europe, l'accès à tous les marchés périphériques est très facile, et les coûts de transports faibles, pour inonder les marchés alentours. Ce sont de véritables atouts qui nécessitent néanmoins des investissements, dans les infrastructures de transports notamment.

Je dirai enfin que la "cerise sur la gâteau" est l'art de vivre à la française : la gastronomie, l'accès à une histoire, une culture. Nous sommes adeptes du "french-bashing", mais il fait bon vivre en France.

En quoi le modèle de recherche et développement à la française est-il différent de certains pays concurrents ?

La France est l'un des pays les plus subventionnés au monde. Quand on regarde globalement les dépenses en recherche et développement, la France est à un niveau moyen, mais l'Etat investit énormément dans la recherche et le développement -plus que les entreprises. L'exemple de Facebook qui ouvre cette antenne française de recherche en intelligence artificielle est une illustration. 40% des dépenses de la firme californienne sont effectuées en recherche et développement. Facebook connaît l'importance des aides françaises, et privilégie ces dépenses sur le territoire français. Parmi ces subventions, le Crédit Impôt Recherche (CIR) est un exemple. Le CIR français est original et exceptionnel, fait la spécificité de notre modèle français, nous différencie des autres pays, et attire de nombreuses entreprises étrangères.

Globalement, la France fait énormément de défiscalisation pour les secteurs à très forte valeur ajoutée. Le paradoxe tient au fait que les prélèvements obligatoires sont élevés pour les entreprises, mais qu'il existe, dans certains secteurs, des niches fiscales permettant, de façon très significatives, de réduire ces prélèvements, jusqu'à des taux beaucoup plus compétitif qu'ailleurs.

Pourquoi Xavier Niel explique-t-il que "la France est un paradis fiscal" ?

Quel que soit le marché, vous pouvez bénéficier de ce crédit d'impôt (CIR), et plus vos dépenses en recherche et développement seront élevées, plus la France pourra être considérée comme un paradis fiscal. Les niches et les crédits d'impôts participent activement au constat établi par Xavier Niel. Néanmoins, cette phrase mérite d'être re-contextualisé : la France est un paradis fiscal dans le domaine de la recherche et du développement. Pas ailleurs. Ce modèle est unique car l'optimisation fiscale par les niches réduit la pression fiscale.

Il y a une difficulté en Europe sur le modèle de développement qu'il faut bien comprendre. Notre modèle est notamment basé sur une concurrence pure et parfaite. Nous avons des commissaires européens qui existent exclusivement pour vérifier que la concurrence est libre et non faussée. Ce mode de développement nécessite de nombreux marchés, et de nombreux acteurs actifs, pour avoir les prix les plus faibles. Les fameux GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) sont, aux Etats-Unis, un peu en situation de monopole. Il est impossible que ces situations de monopole se développent en Europe. En revanche, les associations fiscales permettent de diminuer les coûts et d'augmenter les marges.  

Quels inconvénients les investisseurs et entrepreneurs trouvent-ils au modèle français ? Quelles pistes peut-on explorer pour développer davantage et faciliter les investissements en R&D ?

La lourdeur administrative et les prélèvements obligatoires sont les deux gros inconvénients. Il y a des façons de les limiter sans que cela nuise à nos atouts, et que les recettes restent constantes. Une des pistes est un choc de simplification et de déréglementation. En revanche, si les prélèvements obligatoires diminuent, les recettes de l'Etat diminuent, et certaines économies pourraient être effectuées sur les infrastructures de transports, les réseaux numériques, l'éducation et l'excellence de la main d'œuvre, qui sont de véritables atouts pour la France. Une dernière idée serait de rendre plus apparente certaines niches, qui sont des baisses d'impôts très importantes pour les entreprises, mais comptabilisés comme des dépenses fiscales et non comme des baisses d'impôts. Pour un résultat proche, on pourrait, en inversant certains mécanismes, rendre les taux plus apparents et les prélèvements obligatoires plus faibles.  

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