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"Carte musique, Hadopi : peu importe ! La plupart des artistes ne gagnent rien sur la vente de leur musique en ligne"
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La "carte musique" sera désormais disponible en magasin et non seulement sur Internet, à compter du 25 novembre. À activer sur le site, elle sera proposée à 10 ou 25 euros pour un achat de musique en ligne (ou streaming). Une initiative qui cherche à favoriser le téléchargement légal... mais qui au final ne bénéficiera pas aux artistes.

Jean-Paul Bazin

Jean-Paul Bazin

Jean-Paul Bazin est président de la SPEDIDAM.

Il est également musicien percussionniste batteur.

 

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Atlantico : Le ministère de la Culture a annoncé cette semaine que la carte musique, vendue jusqu’à présent uniquement sur Internet, allait désormais être commercialisée à partir de fin-novembre dans divers points de vente. Le but est de développer l’offre légale de musique en ligne. C’est une bonne nouvelle pour les artistes que vous défendez ?

Jean-Paul Bazin : Si l’intention du Ministère peut-être louable, cela n’a aucune incidence pour l’immense majorité des artistes interprètes qui aujourd’hui ne perçoivent aucune rémunération en provenance du téléchargement à la demande, du streaming et du webcasting.

C’est-à-dire ?

Aujourd’hui, il existe deux types d’artistes : ceux qui ont une certaine notoriété et ont signé un contrat d’exclusivité avec leur maison de disques et sont donc rémunérés sur un pourcentage de ventes et les autres qui ont signé un contrat de travail pour l’enregistrement d’une chanson ou d’un album : eux ne reçoivent strictement rien des sommes récoltées via le commerce de leur musique sur le web.

La grande majorité des artistes ne signent pas d’accord d’exclusivité. Pour vous donner un exemple, Johnny Hallyday est en contrat d’exclusivité avec son producteur, tandis que tous les musiciens qui l’accompagnent ne le sont pas. Autre exemple : si vous prenez un orchestre symphonique, le soliste bénéficie d’un contrat d’exclusivité avec sa maison de disque alors que tous les autres musiciens n’en bénéficient pas.

Comment est-ce possible qu’un artiste ne touche aucun centime sur les ventes de sa musique sur Internet ?

C’est ainsi. Il existait un espoir avec le rapport « Création et Internet » de Patrick Zelnik remis au Ministre de la Culture en janvier 2010. Malheureusement, ses propositions ont été complètement enterrées par le rapport suivant d’Emmanuel Hoog.

Pour changer la donne, on pourrait soit imaginer une gestion collective obligatoire des droits concernant la musique offerte à la demande sur Internet (mais l’industrie phonographique y est opposée), soit instaurer une rémunération garantie via un système semblable à celui de la rémunération équitable : chaque plateforme ou utilisateur des enregistrements verserait alors une redevance dont le montant reste à définir. Cette somme serait versée aux sociétés qui gèrent le droit des artistes (comme la Spedidam) qui la redistribueraient ensuite aux artistes.

S’agit-il d’une sorte de licence globale ?

Pas du tout. Le principe de la licence globale - qui correspond à ce qu’a proposée Martine Aubry lors des primaires du  Parti socialiste - correspond à une redevance sur le « hors marché », c’est-à-dire à tout ce qui se déroule en dehors des plateformes de ventes légales; le peer to peer par exemple.

Nous, nous proposons une redevance sur ce qui correspond aux offres du marché commercial dit « légal ».

Une taxe donc ?

Je préfère le terme redevance car après s’être acquittés d'un paiement au bénéfice des artistes interprètes, les utilisateurs pourront diffuser ce qu’ils veulent sur le web.

Comment expliquez-vous qu’il soit si difficile aujourd’hui d’arriver à une situation où les artistes touchent de l’argent des exploitations sur Internet de leurs chansons ?

En 1985, cela a été possible pour la loi qui a instauré le droit des interprètes et des producteurs. Celle-ci a instauré entre autres une licence légale où l’on peut diffuser de la musique dans tel ou tel lieu après s’être acquitté d’une redevance. Par exemple, un restaurant peut diffuser de la musique en toute légalité après avoir payé cette redevance.

Un travail de concertation de quatre ans avait permis d’arriver à ce que cette loi soit votée à l’unanimité à l’Assemblée Nationale et au Sénat.

Les rapports de force sont aujourd’hui différents et une volonté politique est indispensable pour faire bouger les lignes…

La volonté politique semble pourtant exister, notamment avec la création d’Hadopi…

Je ne nie pas le fait que le gouvernement ait combattu le téléchargement illégal. Mais ils ont oublié une bonne partie des artistes en cours de route.

Nous, à la Spedidam, ne prenons pas position pour ou contre Hadopi parce que les artistes ne sont en vérité pas concernés par le succès ou l’échec d’Hadopi. Rien ne leur revient, quoi qu’il arrive.

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