La fin d’une exception : comment les chiffres de l’OCDE montrent que la France est devenue un pays inégalitaire depuis 2008<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon l'OCDE, "les inégalités de revenus ont atteint des niveaux record dans la plupart des pays de l’OCDE".
Selon l'OCDE, "les inégalités de revenus ont atteint des niveaux record dans la plupart des pays de l’OCDE".
©REUTERS/Eduardo Munoz

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Dans un rapport publié le 21 mai, l’OCDE pointe la hausse mondiale des inégalités depuis l’année 2007. Alors que la France était jusque-là parvenue à maîtriser son niveau d’inégalités de revenus, le pays fait partie de ceux qui ont le plus souffert depuis l’entrée en crise.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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En 2014, Thomas Piketty pointait la hausse inexorable des inégalités, et visait tout particulièrement la dernière vague de ce phénomène, c’est à dire entre la fin des années 70 et la fin des années 2000. Une position partagée par le dernier rapport publié par l’OCDE, mais que l’organisation complète d’une analyse supplémentaire, couvrant les années de crise entre 2007 et 2013. Pour un constat sans équivoque ; si les inégalités s’étaient déjà creusées avant l’entrée de l’économie mondiale en récession, la grande crise de 2008 n’aura fait qu’en amplifier la tendance en place.

Ainsi, selon l’OCDE :

 " Les inégalités de revenus ont atteint des niveaux record dans la plupart des pays de l’OCDE et se maintiennent à des niveaux plus élevés encore dans de nombreuses économies émergentes.Aujourd’hui, dans la zone OCDE, les 10 % les plus riches de la population ont un revenu d’activité qui est 9,6 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres, alors que la proportion était de 7,1 dans les années 1980 et 9,1 dans les années 2000."

La hausse des inégalités en France depuis l’entrée en crise

Si les conclusions mondiales formulées par l’OCDE ne surprennent plus, la situation particulière de la France marque cependant la naissance d’une nouvelle tendance. En effet, bien que le pays ait longtemps été considéré comme un exemple en matière de lutte contre les inégalités, notamment en raison de ses mécanismes de redistribution, sa position tend à se détériorer. Désormais, la France ne fait plus partie des bons élèves, mais figure simplement dans la moyenne du classement de l’OCDE. Un résultat qui se mesure à l’aune de plusieurs indicateurs; ici le coefficient de GINI (mesure de dispersion des revenus) et le ratio inter décile (qui mesure le rapport entre les revenus des 10% les plus aisés et des 10% les plus pauvres).

Coefficient de GINI. Données OCDE (2013 ou dernière année disponible)

Ratio Interdécile S90/S10. Données OCDE (2013 ou dernière année disponible)

Ainsi, selon les données produites par l’OCDE concernant l’indice de GINI, les inégalités ont significativement augmenté en France depuis 1996, et plus encore depuis 2008 (Plus le coefficient se rapproche de la valeur 1, plus les inégalités progressent).

France. Coefficient de GINI 1996 -2012. Données OCDE.

Et cette progression des inégalités a été relativement plus forte que dans d’autres pays : "En France, les inégalités sont proches de la moyenne OCDE. Cependant, elles ont augmenté plus nettement que dans d’autres pays entre 2007 et 2013" (…) "Il s’agit d’une rupture importante par rapport à la tendance de long terme, puisque depuis les années 1980, les inégalités étaient relativement stables en France".

La redistribution française ne parvient plus à absorber la dynamique inégalitaire

Pourtant, entre les années 2003 et 2007, période au cours de laquelle l’économie française a pu profiter d’une croissance conforme à son potentiel économique, le système redistributif français avait permis de contenir la progression des inégalités. Mais depuis l’entrée en crise, comme le révèle l’OCDE, la redistribution fiscale française ne suffit plus :

"Pendant la crise, entre 2007 et 2011, les inégalités de revenu marchand (avant impôts et prestations), ont considérablement augmenté en France (+2.9pp). L’augmentation des inégalités de revenus marchands a néanmoins été atténuée par le système de redistribution (impôts et prestations sociales). Dans l’ensemble, les inégalités de revenu disponible ont augmenté de 1.6pp."

Et si la redistribution française n’a pas été à la hauteur pour résorber la dynamique inégalitaire, cela  n’est pas en raison de son trop faible niveau de dépenses sociales. En effet, et toujours selon les données OCDE, la France figure au premier rang mondial en termes de dépenses sociales, avec 31.9% du PIB qui y étaient encore consacrés en 2014.  La cause est à chercher ailleurs.

Dépenses sociales en % de PIB

Le manque de croissance en cause

Cette situation indique autre chose concernant la France. Si ce ne sont pas les inégalités après redistribution qui sont en cause, comme cela peut être le cas aux Etats Unis, alors ce sont les inégalités avant redistribution qui doivent être pointées du doigt. Ce qui voudrait dire que c’est la croissance, ou plutôt l’absence de croissance, qui est à la source des dégâts, car celle-ci ne frappe pas la population de façon homogène. En effet, comme le démontrent les chiffres de la hausse du chômage en France entre 2007 et 2013, le chômage a frappé d’abord les plus fragiles.

Hausse du chômage en points 2007-2013. France. INSEE. Selon les catégories socioprofessionnelles

La hausse des inégalités en France, depuis l’entré en crise, n’est rien d’autre qu’un symptôme supplémentaire de la crise qui frappe le pays. C’est-à-dire l’inexistence de la croissance en France depuis l’année 2008, conséquence d’une stratégie macroéconomique erronée de la part des institutions européennes, et notamment de la Banque centrale européenne. Avec une moyenne de croissance de 0.3% au cours des 3 dernières années, la dynamique inégalitaire est bien trop forte pour pouvoir être maitrisée par un système redistributif, aussi efficient soit-il. Un constat partagé par Thomas Piketty, qui déclarait en janvier dernier :

"En Europe, le problème des inégalités que nous devons résoudre est différent (que celui des Etats Unis) : il s’agit du chômage, et notamment du chômage des jeunes" (…) "Cela est avant tout dû à une gestion calamiteuse de la crise de la dette publique dans le zone euro".

Si l’exécutif français veut lutter contre les inégalités, le seul recours à l’arme fiscale ne suffira plus, l’outil a atteint ses limites. Désormais, seule une véritable politique de croissance, découlant d’une stratégie macroéconomique européenne, permettra d’offrir le résultat escompté. 

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