Pourquoi Jean-François Copé n’a renoncé à rien pour 2016<!-- --> | Atlantico.fr
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Alors qu'il semblait condamné à l'exil politique après sa démission de l'UMP, Jean-François Copé montre depuis peu certains signes annonciateurs d'un retour. U
Alors qu'il semblait condamné à l'exil politique après sa démission de l'UMP, Jean-François Copé montre depuis peu certains signes annonciateurs d'un retour. U
©Reuters

Je te survivrai

Alors qu'il semblait condamné à l'exil politique après sa démission de l'UMP, Jean-François Copé montre depuis peu certains signes annonciateurs d'un retour. Un projet qui semble délicat après l'affaire "Bygmalion".

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Il n’a installé qu’une seule chaise derrière la table ce jour-là. Ses proches ont observé, en silence, et l’un après l’autre sont allés s’asseoir dans la salle. Le message est clair, presque un symbole, l’homme veut affronter seul ses juges. Ce dernier combat, perdu d’avance, il veut le mener comme on s’offre en sacrifice. C’est l’idée qu’il se fait de la dignité. Personne à ses côtés pour répondre à ceux qui rêvent, depuis si longtemps de le voir tomber, à la horde qui n’a pas digéré un pain au chocolat et à tous les autres, bien plus nombreux, qui rêvent simplement de se débarrasser d’un concurrent. C’était le 27 mai 2014, le bureau politique de l’UMP obtenait, après un bras de fer de presque 2 heures, la démission de Jean-François Copé, empêtré dans l’affaire Bygmalion. Quinze jours plus tard, le président de l’UMP fermait, pour la dernière fois, la porte de son bureau de la rue de Vaugirard. Commencait alors une traversée du désert dont il ignorait encore combien de temps elle allait durer. Un an déjà, douze long mois se sont écoulés, durant lesquels l’ancien président de l’UMP a appris à vivre autrement. Loin du pouvoir et loin des médias.

Ce 20 mai 2015, le voilà de retour dans l’arène. Il n’est plus seul derrière la table. Dans le cadre de son micro-parti Génération France, il a invité Marcel Gauchet à venir parler des attentats du 7 janvier. Et pour la première fois depuis que ces soirées de réflexion existent, la salle est ouverte à la presse. Le sourire qui flotte sur les lèvres du maire de Meaux en dit long sur son bonheur de renouer avec la vie publique. A la tribune, il se livre même à un exercice d’autodérision assez réussi : "J’ai entrepris de travailler loin des caméras ce qui, pour moi, est un effort que vous ne pouvez pas imaginer". Le public se marre. Lui se rengorge, rassuré. A ses pieds une salle de presque une centaine de personnes qui l’aiment encore. Dieu qu’il en a besoin. Chaque jour, sur Twitter, il dénombre ses followers, mesure sa popularité lors de ses déplacements. "C’est important pour lui, ça lui fait du bien", explique la fidèle Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes.

Durant ces 12 mois, Jean-François Copé n’a jamais vraiment imaginé quitter la politique. Le désespoir ne l’a jamais guetté, un peu de découragement seulement au vue du retard pris sur un parcours qu’il croyait sans faille. Un vague sentiment d’acharnement aussi alors qu’au même moment, sa mère tombait très malade. Mais "il a une grande force de caractère. Cette capacité qu’il a à chercher le côté positif de chaque chose l’a beaucoup aidé. Il puisse cette force dans son histoire de famille, son père, juif, a échappé de justesse aux mains des SS grâce à une famille de justes", explique Michèle Tabarot. "De ses parents, il a aussi gardé un côté sacrificiel, ajoute une autre amie. C’est comme si son père l’avait offert en cadeau à la France, aux Français qui l’ont sauvé de la mort. Chez Jean-François il n’y a pas de plaisir, juste un don de soi».

Et c’est sans doute cette histoire personnelle qui lui permet, épreuve après épreuve, de tenir, d’avancer sans fin. Cette traversée du désert, il ne pouvait l’éviter, elle devait donc être utile, donner naissance à un homme nouveau moins clinquant, moins clivant. "Il y a toujours quelque chose à tirer des épreuves, explique-t-il lui-même, à condition de s’imposer une discipline". Et cette discipline, Jean-François Copé a très vite compris qu’elle devrait, avant toute chose, l’amener à changer. "Il est conscient de l’image déplorable qui est la sienne auprès du grand public", explique un proche qui ajoute, "c’est pour ça qu’il s’est imposé une cure de désintoxication médiatique. Il a trop fait de matinales, trop donné dans la petite phrase. Il dit : "ça m’a joué des tours". Son ami Denis Tillinac, a l’habitude d’illustrer ça d’une formule : "le pain au chocolat de Copé, c’est le bruit et l’odeur de Chirac". Le sparadrap qui lui collera aux semelles trop longtemps.

Dès l’été 2014, le maire de Meaux a donc entamé un tour de France sans micro et sans caméra… Un effort que vous ne pouvez pas imaginer… Afin de panser ses plaies, il a commencé par la Corrèze chez l’ami Brice Hortefeux, l’un des seuls à ne pas l’avoir lâché, puis ses pas l’ont guidé chez Denis Tillinac. Il a aussi pris le temps, avec Nadia son épouse, de visiter quelques sites touristiques en Dordogne, de trainer à la terrasse des cafés avant d’aller se reposer en Corse. Le retour en septembre est compliqué, il interroge ses proches,  "ai-je encore un avenir ?" Tous l’encouragent. Jean-François Copé décide alors de relancer son parti en sommeil, Génération France. Ce sera sa base-arrière, son laboratoire. Il ne veut jouer aucun rôle dans la future UMP de Nicolas Sarkozy mais peser sur le terrain des idées.  Pour nourrir ses réflexions, il part à la rencontre des français. "Pas comme un homme politique comme les autres, explique-t-il, mais comme un homme politique qui fait silence et laisse parler les gens". Il rend aussi visite à des associations comme La Mie de Pain, rencontre des intellectuels, dine avec des représentants de la Défense… Il étoffe de nouvelles idées, conforte certaines de ses convictions : "il voit bien que les lignes sont en train de bouger, il est arrivé trop tôt", explique un proche. Il croit donc, plus que jamais, que la droite doit être décomplexée et qu’il faut engager le sursaut français et il affirme : "2017 ne va pas être, de ce point de vue-là, un rendez-vous comme les autres. Nous devons arriver avec une offre politique totalement nouvelle mais il faut en amont faire un énorme travail". Il consulte donc, acquière la conviction qu’il faudra désormais réformer par ordonnance et rêve de devenir le monsieur idées des Républicains.

Parallèlement, il intensifie ses déplacements à la rencontre des militants de l’UMP, des cadres locaux. Il fait le job qu’aucun président de l’UMP, depuis son départ, n’a pris le temps de faire. Il retisse ses réseaux. Il soigne aussi ses ennemis. En novembre, il rencontre Valérie Pécresse dans son bureau, elle a besoin de son soutien en vue des régionales, il décide de le lui apporter et même de faire une vidéo pour la soutenir. Il reparle à Laurent Wauquiez et n’exclut rien quant à François Fillon. "Nicolas Sarkozy s’est bien réconcilié avec Villepin", a-t-il l’habitude de plaisanter.

Un Nicolas Sarkozy avec qui les relations sont toujours aussi complexes. Dès les débuts de la campagne pour la présidence de l’UMP, Copé montre sa loyauté en réunissant ses fidèles à qui il dit : "être copéiste et soutenir Sarko, c’est cohérent" Les deux hommes se voient ensuite pour parler de la future équipe dirigeante de l’UMP et puis… plus rien. Il faut dire qu’entre temps, un échange cinglant relayé par la presse a nettement rafraichit les rapports. Lundi 30 mars en Bureau Politique, le maire de Meaux s’interroge : "Est-ce bien utile de changer le nom de l'UMP après une telle victoire?" "C'est une question innocente, ça?", réplique Nicolas Sarkozy avant d’ajouter : "Eh bien, je vais te dire Jean-François pourquoi l'UMP va changer de nom. C'est parce que je suis obligé de gérer un calendrier judiciaire que tu connais bien." Quelques semaines plus tard, Nicolas Sarkozy oubliera, purement et simplement, de convier Copé à la réunion qui doit définir la liste des membres du futur bureau politique. Il réussit malgré tout à sauver les siens, Michèle Tabarot, Valérie Rosso Debord, Michel Herbillon ou Philippe Cochet en seront. Ces relais au sein de l’appareil sont d’importance, car si Jean-François Copé ne réussissait pas à s’imposer comme le monsieur idées des Républicains, sans doute imaginerait-il exister autrement et, par exemple, concourir à la primaire. "Il a l’habitude de dire : il faut que je sois prêt s’il y a une opportunité".

D’ici là, il entend bien, comme Nicolas Sarkozy l’a fait en son temps, envoyer quelques cartes postales. Il fera sa rentrée politique, le 29 août, à Château Renard. "Pas de meeting, explique-t-il, c’est beaucoup trop tôt mais par un travail de réflexion sur la droite". Il prépare aussi un livre pour la fin de l’année : "sans doute le plus important que j’aurais eu à écrire, un livre personnel et programmatique", lance-t-il comme une prophétie. Mais y a-t-il une vie après Bygmalion ?

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