Sommet de Riga : vers une victoire surprise de la Grèce et de la stratégie Syriza face au reste de l’Europe ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Syriza va-t-elle sortir gagnante du bras-de-fer?
Syriza va-t-elle sortir gagnante du bras-de-fer?
©Reuters

Dette grecque

Les sommets de la dernière chance s’enchaînent les uns après les autres dans le cadre de la résolution de la crise grecque. Et pour la première fois, une issue favorable semble se dessiner pour les hommes de Syriza.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 25 janvier 2015, les électeurs grecs plaçaient Alexis Tsipras à la tête d’un pays à genoux. Après 5 années d’une dévitalisation économique consécutive aux prescriptions erronées de la Troïka, c’est-à-dire des représentants du FMI, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, la résignation de la population l’emportait. Et celle-ci élut les représentants de ce nouveau parti : Syriza, alors chef de file de l’anti-austérité. Au lendemain de ce scrutin, Alexis Tsipras nommait l’économiste bloggeur Yanis Varoufakis au poste clé de ministre des finances, et en charge des négociations européennes. C’est-à-dire de la question de la dette, de l’austérité, et donc, pour ainsi dire, de l’essentiel.

Depuis, 4 mois ont passé, ce qui a été suffisant aux deux hommes pour parvenir à hystériser les discussions feutrées de la zone euro. Une mention spéciale doit être attribuée à Yanis Varoufakis, qui, en se basant sur une diplomatie de le chemise hawaïenne, est parvenu à rendre fou ses homologues de l’Eurogroupe, soit l’ensemble des 18 autres ministres des finances européens. L’allemand Wolfang Schäuble en tête. De son côté, Michel Sapin aura été, au mieux, inexistant sur un dossier pourtant vital. En insistant parfois lourdement sur l’illettrisme économique de ses pairs, Yanis Varoufakis, lui-même économiste, a immédiatement crispé les débats, tout en attirant l’attention bienveillante des médias internationaux, notamment anglo-saxons. Une double peine pour les tenanciers de la zone euro.

L’incompréhension entre des profils si différents ne pouvait être que totale. Entre un ministre non imprégné de culture politique européenne, mais disposant de solides bagages macroéconomiques, et des ministres présentant un profil inverse, le gouffre semble immense. Et Yanis Varoufakis ne va pas se gêner pour mettre rapidement les pieds dans le plat :

"Mes collègues de l’Eurogroupe étaient déconcertés de voir qu’un de leur membre puisse insister pour parler de macroéconomie. Une des grandes ironies de l’Eurogroupe est qu’il n’y a pas de discussion macroéconomique. Tout est basé sur les règles, comme si celles-ci émanaient de Dieu, et comme si elles ne pouvaient pas aller à l’encontre des règles de la macroéconomie. J’ai donc insisté pour parler macroéconomie".

En effet, et dès son arrivée, Yanis Varoufakis a cherché à remettre en cause les règles économiques européennes, et le principe même de l’austérité, qu’il a pu décrire comme du "waterboarding fiscal", en guise d’hommage à certaines techniques de torture aquatique. De l’autre côté, les 18 autres membres de l’Eurogroupe se sont cantonnés au simple respect du cadre établi. Un cadre qui a pourtant été la source du désastre grec. Entre 2007 et 2013, le taux de pauvreté du pays a ainsi progressé de 13.3% à 15.1%, en prenant en compte un revenu moyen qui s’est lui-même effondré. Ce qui signifie qu’en base constante (2005), le taux de pauvreté du pays est passé de 11.4% à 32.3% entre 2007 et 2013. Malgré de tels résultats, relevant plus de la sanction létale que du plan de sauvetage, la remise en question idéologique ne semble toujours pas d’actualité pour les européens. Dans une tribune signée au mois de février, le ministre déclarait :

"Nous sommes également déterminés à ne pas nous laisser traiter comme une colonie fiscale à laquelle certains peuvent imposer comme bon leur semble toutes les souffrances qu’ils jugent nécessaires. Le principe qui demande l’imposition de l’austérité la plus sévère à l’économie la plus déprimée serait ridicule s’il n’était la cause d’autant de souffrance inutile."

Face à de telles humiliations, les membres de l’Eurogroupe vont tenter d’avoir la peau du ministre en cause, et la capitulation grecque. Mais en brandissant maladroitement une menace d’exclusion de la zone euro, si le gouvernement grec ne se conformait pas aux règles du programme préétabli, les européens se sont tirés une balle dans le pied. Car c’est bien la zone euro qui a le plus à perdre d’un tel chantage.  

Un point qui n’a pas échappé à Angela Merkel qui pourrait se trouver contrainte de préparer sa majorité à avaler quelques couleuvres, et soutenir une troisième "dernier" plan d’aide provisoire à la Grèce. Ce qui était l’enjeu de la rencontre de Riga, le 21 mai au soir, entre François Hollande, Angela Merkel, et Alexis Tsipras.

Par contre, de son côté, le parti Syriza joue le mur, et n’a toujours rien cédé sur ce qu’il considérait comme non négociable. Ainsi, selon Bloomberg, les européens auraient revu leurs prétentions réformatrices à la baisse pour obtenir un accord, éviter le défaut de paiement et donc le pire, en laissant au passage les deux tiers du programme de départ qui seraient d’ores et déjà passés aux oubliettes.

En cas d’issue favorable, Syriza pourrait alors compter sur deux moteurs économiques. D’une part, l’étau de l’austérité et la pression déflationniste seraient largement amoindries par l’abandon des réformes les plus dures. D’autre part, et depuis que la macroéconomie européenne a été enfin remaniée par la mise en place d’un plan de relance monétaire de grande ampleur, soit plus de 1000 milliards d’euros, l’ensemble de l’activité européenne semble bien reprendre pieds.

Si l’économie grecque a largement souffert des menaces qui pèsent sur elle depuis le début de l’année, un accord trouvé au cours des prochains jours, une assurance de rester au sein de la zone euro sans avoir à imposer une austérité maximale à sa population, représenterait enfin un espoir pour le pays. Un espoir que Syriza devra honorer en frappant au cœur de la corruption, de l’évasion fiscale, et des inégalités grecques. Et se montrer ainsi à la hauteur des enjeux.

Mais avant même une telle résolution, et malgré les critiques les plus virulentes, les insultes et le mépris, les hommes de Syriza ont déjà mis un grand coup de frein aux certitudes européennes. En 2012, François Hollande voulait "réorienter" l’Europe mais avait immédiatement cédé en signant le pacte de stabilité européen. En 2015, et malgré une main à priori très faible, Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis, n’ont, pour le moment, jamais baissé les yeux.

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