Julien Dray : "La gauche doit mener la bataille du culturel, parce que la droite est à l'offensive"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le député PS Julien Dray.
Le député PS Julien Dray.
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Interview

Pour l'ancien député PS et actuel conseiller régional d'Île-de-France, après 3 années à l'Elysée François Hollande n'a pas failli dans sa volonté de réconcilier les Français. Il reconnaît cependant que plus que des grands mots, les Français attendent des résultats.

Julien Dray

Julien Dray

Julien Dray est ancien député PS de l'Essonne. Il est actuellement conseiller régional d'Île-de-France.

Il est l'auteur de L'épreuve (Cherche Midi, 2009), livre dans lequel il revient sur l'affaire judiciaire à laquelle il a été mêlé, et de La faute politique de Jean-Luc Mélenchon, (Cherche Midi, 2014).

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Atlantico : François Hollande vient de fêter ses 3 ans passés à l’Élysée. Qu'avez-vous retenu de ce début de quinquennat ?

Julien Dray : Il faut attendre la fin du quinquennat, c'est à ce moment là qu'on saura à quoi il a servi. En ce moment, nous sommes dans une phase transitoire. Le début du quinquennat a été marqué par un certains nombre d'hésitations, des choses n'ont pas été faites comme il fallait notamment sur le plan fiscal. Depuis le discours du 14 janvier 2014, sur le plan économique, et depuis les événements du 7 janvier 2015, les choses changent. On voit bien que l'on est sur une nouvelle trajectoire politique et économique. Cet anniversaire est donc un peu factice car il faut voir, dans les mois qui viennent, si cette nouvelle trajectoire porte ses fruits, que ce soit en termes de cohésion sociale, de lutte contre le chômage ou de progrès en matière de compétitivité. On ne pourra pas avoir de débat sur la justice sociale si notre économie n'a pas retrouvé de marges de compétitivité, si on n'a pas réindustrialisé le pays, et dans ce sens-là nous nous trouvons sur une trajectoire nouvelle.

François Hollande a beaucoup répété, durant sa campagne, qu'il souhaitait réconcilier les français, opposés entre eux par Nicolas Sarkozy. A-t-il réussi ?

Je pense qu'on est dans un climat plus apaisé que sous Nicolas Sarkozy, qui a hystérisé les rapports. Cela étant dit, il faut reconnaître que la situation mondiale est plus compliquée que sous Nicolas Sarkozy. Il y a des conflits partout et ces conflits portent en eux la montée de l'islamisme radical et génèrent les événements que l'on a connu en France. Je trouve malgré tout que François Hollande a géré les événements dans une optique de réconciliation et qu'il a évité l'hystérisation qui aurait pu découler du drame vécu.

Quand on entend aujourd’hui les échanges entre Emmanuel Todd et Manuel Valls, on se dit que la France reste profondément fracturée, que François Hollande n'a pas réussi la grande réconciliation dont il rêvait...

Moi je trouve qu'il y a une vitalité démocratique dans le débat. Heureusement qu'il y a des débats en France, le pire c'est quand il n'y en a aucun. C'était le rôle de Manuel Valls, comme c'est le rôle de tout responsable politique, de répondre car Emmanuel Todd a pris une position politique sur la situation du pays, la situation de la gauche. Il a quand même eu des mots qui nous mettaient en cause et c'est normal que l'on réponde. Je pense que l'on ne s'abaisse jamais à répondre à un intellectuel et à défendre ses convictions d'autant que Todd pose des questions essentielles auxquelles il faut que l'on réponde car elles traversent la société française : La montée de l'antisémitisme, la xénophobie qui s’est installée, la radicalisation de la société.

Une xénophobie, un antisémistisme que François Hollande n'a pas su juguler depuis qu’il est arrivé à l’Élysée...

Ça ne se fait pas en 4h, d’autant que tout ça est adossé à un contexte économique qui évolue lentement.

Mais ne trouvez-vous pas que les problèmes des banlieues ont été un peu oubliés par François Hollande ?

Certes, ça n'était pas sa priorité. La priorité c'était le retour à l'emploi, or le retour à l'emploi, ça concerne aussi les quartiers en difficultés puisque c'est eux qui sont les premières victimes du chômage.

Notre sondage révèle que les Français ont été peu touchés par les discours républicains de janvier (35% seulement contre 65 % d'indifférents). Qu’en tirez vous comme enseignement ?

Pour les Français, pour nous tous, la République c’est bien mais l'important c'est le fond, pas les mots. Or tout le monde peut avoir tendance à penser que, ces derniers temps, on a un peu mis la République à toutes les sauces en se disant que quand on avait prononcé le mot République on avait résolu le problème. Or la République ce sont des valeurs, des valeurs simples : l'égalité et la fraternité, et les Français se demandent : est-ce que tout cela avance ? Ils ne voient pas l’incarnation de la République. Les inégalités sociales progressent et l'on n'arrive pas à juguler les discriminations, donc il y a un doute non pas sur la République et sur ses valeurs, mais un scepticisme. Il ne faut pas que la République soit une formule creuse. Ce ne doit pas être seulement une formule qui est gravée sur des édifices, ça doit être une formule vivante.

Lire à ce sujet : La douche : 65 % des Français ne sont plus sensibles aux termes "République" et "valeurs républicaines"

Notre sondage montre que les Français sont plus nombreux a être attachés à l'identité nationale et aux valeurs de la République... Les idées que Nicolas Sarkozy a défendues durant son quinquennat auraient-elles plus imprégné le pays que celles de François Hollande qui durant sa campagne souhaitait réconcilier les français avec la République ?

C''est lié à ce que j'appelle moi la bataille culturelle que la gauche a perdue ces derniers temps, et à l'offensive idéologique de la droite. Ce sondage reflète l'état intellectuel de la société française. Ça fait plusieurs mois que je dis que la gauche doit mener la bataille du culturel, parce que la droite est à l'offensive et ce sondage corrobore cela.

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