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Jean-Marie Le Pen a été exclu du parti qu'il a fondé en 1972.
Jean-Marie Le Pen a été exclu du parti qu'il a fondé en 1972.
©Reuters

Kenavo Jean-Marie

A rebours de ce qu’on entend dans les médias à propos de la saga familiale qui anime la vie du Front National depuis plusieurs jours, ça n’est pas tant la fille qui exclut le père que le père qui, à force de faire entendre sa voix discordante, s’exclut lui-même du nouveau Front National voulu par sa fille.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Si les commentateurs insistent sur la version exclusion de Jean-Marie le Pen d’un parti qu’il a dirigé depuis sa création en 1972 et passent un peu vite sur les critiques contre sa fille, c’est parce qu’en majorité, ils préfèrent conserver de l’ancien parti d’extrême droite une grille d’analyse antiraciste, héritée des années Mitterrand, qui pourtant a elle aussi fait son temps.

Il va bien falloir le reconnaître un jour, la ligne doctrinale que Marine Le Pen a conçue puis imposée en quinze ans à l’intérieur de son parti est en rupture avec l’ancien Front National. Le second tour de la présidentielle en 2002 puis la prise du parti en 2011 marquent les dates charnières de cette transformation.

Comme tout grand chef politique, Marine Le Pen a choisi de bâtir l’instrument de sa conquête du pouvoir. Or cette décision, elle n’a de cesse de le répéter, s’est fixée pour but d’occuper le vide politique créé par l’union idéologique de la droite et de la gauche contre son parti, à partir d’un discours commun dont le Front républicain est l’expression politique. Ce consensus droite/gauche anti-FN, auquel le PS a stratégiquement contraint l’UMP depuis trente ans, a atteint, lors de l’élection de Jacques Chirac en 2002, son apogée, avant d’entrer en contradiction avec lui-même. Comment se prétendre en effet défenseur d’un idéal républicain lorsqu’au nom de l’antiracisme, on refuse de légiférer sur le port du voile islamique à l’école publique ? 

Contrairement à sa fille, le père aime ceux qui diabolisent le Front National. Sa défense du Maréchal Pétain et d’un «monde blanc», dans le magazine Rivarol, « ce torchon antisémite » dixit Louis Alliot, mais surtout le retour aux fondamentaux de la pensée d’extrême-droite qui lui font comprendre « tout à fait qu’on mette en cause la démocratie » expriment sa volonté d’un retour à la doctrine du FN des années 70. La classe politique jusqu’à aujourd’hui a voulu croire que le père et la fille étaient de connivence dans ce que la plupart des médias de gauche réduisent à un « ravalement de façade » ou a du « marketing ». Mais si le vieux briscard de la politique est resté fidèle à la diabolisation orchestrée au début des années 80 par un accord tacite avec François Mitterrand, il n’en est rien de sa fille qui conduit une réelle transformation doctrinale du FN. comme elle l’a dit depuis Pragues aujourd’hui « Les événements qui ont eu lieu étaient douloureux, mais ils étaient une clarification nécessaire et incontournable ».

Car si pour le père, le FN doit demeurer à l’extrême-droite du bipartisme, comme le voudraient aussi ses adversaires, l’habileté politique de Marine Le Pen consiste au contraire à faire bouger les lignes de l’échiquier politique français en ramenant la République dans le giron de la Nation. Malgré ce que souhaiterait Manuel Valls, ce n’est pas par stratégie que Marine Le Pen agit ainsi, mais par conviction personnelle. Ses discours ont toujours clairement énoncé une opposition au racisme et à l’anti-sémitisme et ses efforts pour faire élire un maximum de candidats FN aux élections locales prouvent son attachement à une république démocratique et parlementaire. Contrairement à son père, elle est de son temps, c’est ce qui fait sa force et sa réussite. Passé de 20 000 à 80 000 adhérents en quatre ans, le FN a obtenu depuis la présidentielle de 2012 des victoires électorales sans précédent et c’est à la nouvelle ligne politique de Marine qu’il le doit. Nationale et populiste, à la fois démocrate et républicaine, elle n’a pas peur de s’attaquer aux vrais problèmes, et certaines solutions qu’elle propose : relance de l’économie par la sortie de l’euro, maîtrise des flux migratoires, séduisent les laissés pour compte de la mondialisation. Mais surtout, à une dilution de l’identité culturelle dans un communautarisme bobo bien pensant qu’illustrent les programmes scolaires de Najat Vallaud Belkacem par exemple, ou la discrimination positive de Nicolas Sarkozy, elle oppose un patriotisme qui rassure d’autant plus aujourd’hui que les Français ont vécu, avec les attentats de janvier, les conséquences directes sur leur sol des offensives totalitaires de l’intégrisme musulman.

Il est donc logique de se demander si le front anti-raciste des années 80 n’est pas devenu inopérant pour contrer les avancées électorales d’un parti qui n’est plus ni raciste, ni extrêmiste et qui propose une forme de patriotisme républicain à même de répondre aux angoisses contemporaines des Français.

Nicolas Sarkozy l’a bien compris qui a choisi d’appeler « Les Républicains » son nouveau parti dont l’objectif est clairement de couper l’herbe sous le pied de Marine Le Pen. Mais réussira-t’il à lui voler un avantage politique dont elle vient de concrétiser la conquête aux yeux de l’opinion, en excluant son père du FN ?

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