Sébastien Huyghe : "Nicolas Sarkozy ne renonce pas au débat sur l'identité nationale, il préfère juste l'associer à la culture plutôt qu'à l'immigration"<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy
©Reuters

Grand entretien

Alors que le nom de la prochaine formation de droite souhaitée par Nicolas Sarkozy vient d'être choisi, le président de l'UMP doit faire face à de nombreuses critiques.

Sébastien Huyghe

Sébastien Huyghe

Sébastien Huyghe est le porte-parole de l'UMP et député du Nord.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy est revenu sur la scène politique au mois de septembre dernier pour donner aux Français un "nouveau choix politique", et transformer "de fond en comble" le parti, et "dépasser les clivages traditionnels". Si l'on devait faire un point d'étape des objectifs de Nicolas Sarkozy, que faudrait-il en dire ? Où en est le désormais président de l'UMP ?

Sébastien Huyghe : Certains observateurs se sont plaints d'une baisse de régime de la part de l'ancien Président, en avançant le fait qu'il ne serait plus le "foisonneur d'idée" qu'il était… Pourtant, la réalité est que Nicolas Sarkozy a compris qu'après la crise qu'a subi l'UMP entre 2012 et 2014, le parti avait avant tout besoin d'être apaisé et rassemblé. Cela passe inévitablement à la fois par la concertation, et le rassemblement des sensibilités qui doivent prendre tout l'espace politique existant entre le Parti Socialiste et le Front National.

De plus, la règle du jeu des primaires vient d'être adoptée à l'unanimité du Bureau Politique. Le processus en vue de la primaire est donc bel et bien sur les rails, le prochain objectif est l'adoption des nouveaux statuts de la nouvelle formation politique à venir. Tout cela se fait dans le consensus, avec une volonté forte de la part de Nicolas Sarkozy de rassembler toute la droite et le centre. C'est pour cela qu'il est moins présent dans les médias actuellement, pour laisser à chacun l'espace disponible pour s'exprimer, c'est un retrait raisonné. Mais il n'a pas hésité une seconde à monter en première ligne pendant la campagne des élections départementales.

Où en est-il sur le plan personnel, quelle stratégie met-il à l'oeuvre actuellement ?

Nicolas Sarkozy est d'abord dans la stratégie de faire gagner nos idées, et cela ne se fera pas sans une grande formation politique à l'échelle européenne type CDU, c’est-à-dire avec beaucoup d'adhérents. L'une des caractéristiques de notre vie politique lorsqu'on la compare avec d'autres formations européennes est une faiblesse en termes d'adhérents des principaux partis de notre pays. Notre objectif est donc de réunir plus de 500 000 adhérents, voilà pourquoi nous avons choisi de nous diriger vers ce grand rassemblement. Mais ce dernier implique aussi des changements de méthodes : c'est ainsi que les présidents des fédérations départementales seront désormais élus par l'ensemble des adhérents, et non plus par les comités départementaux qui semblaient maintenir un "entre-soi" néfaste à l'engagement de nos sympathisants. De la même manière, Nicolas Sarkozy a exprimé le désir de voir les adhérents donner leur avis sur l'ensemble des grandes décisions concernant la nouvelle formation politique, ainsi que sur les propositions programmatiques, via une plateforme sur Internet. 

Ses ambitions personnelles sont donc avant tout liées à celles de la famille politique qu'il représente. Les primaires constituent, à l'heure où je vous parle, moins un enjeu pour lui que les prochaines élections régionales, où nous avons besoin de reconduire la vague bleue que nous avons connue lors des élections départementales. 

Nicolas Sarkozy arrive-il à concilier la préparation d'un programme pour l'UMP d'une part, et celle pour lui-même ? Comment avance-t-il sur ce terrain, alors que François Fillon est par exemple très actif dans l'élaboration de son programme ? 

Aujourd'hui, tous les candidats travaillent à la fois pour des mesures qui fonderont le programme collectif, et sur des propositions qui leur seront propres. Nicolas Sarkozy portera certainement lui-même beaucoup d'originalités lors de la primaire s'il est candidat. 

François Fillon a effectivement déjà fait des propositions en matière de logement, et certaines d'entre elles ont été reprises lors de la convention logement du Parti.

Cela signifie que, dans la base programmatique de l'UMP, il y aura des propositions des candidats, mais ceux-ci auront bien sûr la liberté d'aller plus loin et d'ajouter d'autres idées, ce qui fera leur singularité dans le cadre de leur candidature à la primaire.

Le rassemblement de Nicolas Sarkozy prend parfois des allures d'équilibriste. Qu'en est-il de son objectif de rassemblement de toutes les sensibilités de la droite ?

Ce qui nous différencie très nettement de François Hollande par exemple, c'est que le celui-ci a toujours voulu faire la synthèses de positions parfois très opposées pour faire plaisir à tout le monde. Alors que pour Nicolas Sarkozy chacun peut défendre une position, une sensibilité, mais à l'issue des débats il faut faire des choix, trancher, et c'est par le vote que le choix sera fait ; la décision ne sera alors peut-être pas unanime, mais elle sera collective. C'est cela un parti moderne et démocratique, c'est-à-dire une formation où la sensibilité de chacun est respectée mais où les décision sont prises à la majorité des voix. Je suis serein car ce qui nous différencie est beaucoup plus faible que ce qui nous rassemble. Quand on voit les lignes de fractures qui existent au sein du Parti socialiste, on s'aperçoit que les différences sont beaucoup plus ténues à l'UMP.

Nicolas Sarkozy a fait sa candidature à la présidence du parti sur le thème du rassemblement, après les remous vécus au sein de l'UMP de l'été 2014. Mais à force de faire la synthèse entre Laurent Wauquiez et Nathalie Kosciusko-Morizet, que lui reste-t-il en propre ? 

Je n'analyse pas les choses ainsi. Nicolas Sarkozy reste Nicolas Sarkozy, il fait vivre le débat au sein de l'UMP. En aucun cas il n'incarne une synthèse entre les différentes positions. Ses positions se reflètent lorsqu'il dessine les perspectives du parti, ou lorsqu'il s'exprime à l'occasion d'une campagne électorale telle que celle toute récente des départementales. Simplement, il souhaite que l'UMP occupe tout l'espace politique existant entre le PS et le Front national. 

Selon Eric Woerth, "pour endiguer le FN, il faut montrer que la barrière est infranchissable en refusant toute alliance. A partir du moment où la digue est érigée, on peut aller très loin en s’approchant le plus possible de la frontière". Comment compte-t-il s'y prendre pour toucher désormais l'électorat centriste, plutôt réticent à évoquer l'immigration, ou encore l'identité nationale ?

En premier lieu, il est tout à fait sain que la digue demeure "infranchissable". D'ailleurs, personne parmi les cadres du parti ne souhaite un accord avec le Front national. Nous ne nous positionnerons jamais par rapport au Front national, mais plutôt en fonction de nos convictions, de nos valeurs, de ce que nous considérons comme utile aux Français. Il nous a été reproché par la gauche de "droitiser" notre ligne à des fins électorales, mais il n'y a pas de thème à abandonner au Front national : la souveraineté, la fierté d'être Français, nos valeurs, ne doivent pas être des thématiques abandonnées à l'extrême droite. Nous devons nous emparer de tous les sujets, y compris de ceux qui sont sensibles. L'assimilation, la laïcité, nos frontières, notre identité sont des thèmes qui nous préoccupent, et nous ne cèderons pas aux anathèmes de la gauche soi-disant bien-pensante. 

Souvenez-vous qu'il y a quelques années, nous avons lancé de grands débats sur l'identité, la laïcité, et nous nous sommes faits insulter par les socialistes. Il est étonnant de voir que la gauche trouve depuis les attentats de janvier que finalement, des questions liées à l'identité se posaient sans doute. Les postures politiciennes ne sont pas de bonnes bases pour savoir sur quelles questions doivent porter les débats de fond. Si l'on veut que nos concitoyens ne se jettent pas dans les bras de l'extrême droite, il faut que la droite républicaine soit capable d'aborder ces sujets avec sérieux et autorité.

Nicolas Sarkozy a par ailleurs laissé entendre il y a deux semaines que ce débat avait peut-être été une erreur… Qu'a-t-il pu d'ailleurs tirer comme conclusion de l'échec de 2012, et comment cela se traduit-il actuellement ?

Il a reconnu à plusieurs reprises avoir commis des erreurs, en prononçant des mots qui auraient pu blesser les uns ou les autres, et a dit qu'il ferait dorénavant plus attention. Par exemple, il a expliqué qu'aujourd'hui il aborderait le débat sur notre identité à partir de la culture plutôt que par le biais de l'immigration. 

Le changement de nom n'a pas fait l'unanimité à l'UMP. Ainsi Bruno Le Maire considère que ce nom n'est pas fidèle aux valeurs de la droite. En choisissant ce nom, Nicolas Sarkozy ne risque-t-il pas de brouiller l'identité de l'UMP ?

Le fait de s'appeler "Les Républicains" consisterait tout simplement à mettre les valeurs que ce terme abrite au centre de l'action que nous souhaitons mener. S'il ne fait pas l'unanimité, cela confirme qu'il y a une diversité au sein de notre formation, et c'est ce qui fait notre richesse. Bruno Le Maire a le droit de faire des propositions différentes, mais c'est par un vote que la question sera tranchée.

Après Jean-François Copé, Laurent Wauquiez n'a pas manqué il y a quelques semaines de tirer à boulets rouges sur son mentor : "Il n'aurait plus la queue d'une idée". Qui sont ses alliés aujourd'hui ? 

Je ne pense pas que ces différences de positionnement relèvent d'un manque de solidarité. Même si Laurent Wauquiez a pu faire entendre des différences par rapport à Nicolas Sarkozy, je ne doute pas qu'il le soutiendra si le président de l'UMP se présente à la primaire. Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, ou aux autres ténors de l'UMP, la question ne se pose pas de savoir qui soutiendra qui à la primaire, mais plutôt de savoir si tout le monde jouera loyalement le jeu... Mon avis est que la réponse à cette question cruciale est positive. 

La semaine dernière et selon une information du Journal du dimanche, François Fillon aurait évoqué une possible alliance avec Alain Juppé pour le second tour des primaires. Comment entrevoie-t-il cette opposition qui se dessine ?

Vous avez remarqué que Nicolas Sarkozy n'avait pas réagi à cette information qui reste à être confirmée... Je n'imagine pas qu'un candidat à une élection quelle qu'elle soit puisse se mettre dès avant le premier tour dans une stratégie de perdant, et prévoir un quelconque ralliement de second tour sans connaître les projets des uns et des autres. D'autant qu'un ralliement ne peut se faire logiquement que sur le fond, pas sur la belle gueule des uns ou des autres. Une primaire n'est en aucun cas un concours de beauté ! 

Propos recueillis par Alexis Franco

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