Et le train le plus rapide du monde est... japonais : où en est l'avancée de la France sur les technologies qui ont fait sa gloire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour la première fois, un train a dépassé les 600 km/h.
Pour la première fois, un train a dépassé les 600 km/h.
©kelbillet.com

Cocorico ?

Un train japonais utilisant un rail magnétique a, pour la première fois de l'Histoire, dépassé le seuil des 600 km/h. Un record qui nous rappelle qu'à une époque, c'était la France qui damait le pion aux autres nations dans ce domaine. Car si notre pays est encore une grande puissance industrielle, l'essoufflement nous guette.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : Pour la première fois, un train a dépassé les 600 km/h… et il est japonais. Cette nouvelle technologie "magnetic levitation" peut-elle impacter la place historique acquise par Alstom et son TGV dans le secteur ferroviaire ? Dans quelle mesure et à quelle échéance ? 

Jean-Pierre Corniou :Le Japon est coutumier du fait. C’est au Japon qu’a été inventé le premier train à grande vitesse, le Shinkansen, en 1964, avec une vitesse maximale initiale de 210 km/h, portée ensuite à 320 km/h. Japon Railways travaille sur ce projet de sustentation magnétique et sur la future ligne Tokyo-Nagoya depuis le début des années 2000. Le TGV français n’a roulé qu’en 1981 même si la France avait su collectionner des records absolus de vitesse ferroviaire dès les années cinquante (331 km/h en 1955). D’ailleurs c’est une rame Alstom qui était jusqu’à ce jour titulaire du record mondial de vitesse sur rail, battu en 2007 par une rame prototype V150 à 574 km/h. La technologie magnétique est également bien connue. Elle est en service en Chine à Shanghaï depuis 2004 (Maglev) où elle permet d’atteindre une vitesse commerciale de 250 km/h et une vitesse de pointe de 431 km/h. Mais c’est une solution complexe qui impose des lignes spécifiques.

Toutefois la vitesse de pointe n’est qu’un élément d’un système ferroviaire efficace. On voit bien que même en France le TGV s’essouffle et peine à rester rentable car il a perdu progressivement, comme l’a souligné la Cour des Comptes, son principal atout, la vitesse de service d’un point à un autre en multipliant, pour des raisons de politiques locales, le nombre d’arrêts.

Le groupe Alstom a-t-il anticipé et a-t-il les moyens de réagir face à l'émergence de nouvelles technologies ?

Alstom reste un groupe puissant dans le ferroviaire même si la vente de sa branche énergie à General Electric le réduit à un groupe de 6 milliards d'euros et peut donc le fragiliser. Alstom a longtemps profité des performances de son TGV et de son client SNCF en n’offrant pas au marché mondial une gamme suffisamment attractive de solutions innovantes. En dehors des rames à double niveau, les Duplex, les produits restent globalement similaires à ceux des origines. Le TGV qui a remporté le record du monde de vitesse est un prototype qui n’a pas, pour l’instant, de suite commerciale. Toutefois Alstom s’est engagé dans une diversification de sa gamme dans un marché international très compétitif. L’AGV, ou Automotrice à Grande Vitesse, lancé en 2008, est une famille de trains complémentaires et plus polyvalents conçus pour le marché international. Ils peuvent circuler jusqu’à 360 km/h. Mais jusqu’alors seule la compagnie privée italienne NTV a fait l’acquisition de 25 rames sur la ligne Naples-Milan. Le Pendolino conçu par Fiat Ferroviaria, racheté en 2000 par Alstom, Alstom peut circuler sur des voies classiques jusqu’à 250 km/h. Il circule en Pologne et la Suisse en a acheté quatre rames en 2015.

Où en sont les industries qui ont fait la gloire de la France ? Où la France en est-elle de son avancée  technique ?

La France est un des rares pays à maîtriser l’ensemble des composants techniques, logiciels et industriels nécessaires à la chaîne de valeur des industries de pointe. Elle reste un pays d’ingénieurs reconnus. Mais cette situation s’érode inexorablement. L’actualité recèle son lot de bonnes et de mauvaises nouvelles. Les ventes du Rafale en Inde et en Egypte, après des années d’échecs commerciaux, ont rassuré sur la capacité de l’industrie aéronautique militaire et de ses nombreux co-traitants à offrir un système d’arme de pointe cohérent et attractif. La performance continue d’Airbus en avions civils comme en hélicoptères démontre que le savoir-faire aéronautique français est intact et garde, dans une coopération européenne, sa compétitivité économique, aidé, il est vrai par l’évolution favorable du rapport euro/dollar. Il faut avouer que les Etats-Unis ont su longtemps profiter de la situation inverse, qui ne doit rien au hasard, mais à la stratégie monétaire.

En même temps, les déboires à répétition de l’EPR, censé apporter sûreté et efficacité économique, sont inquiétants car ils risquent non seulement de définitivement casser la réputation et la santé financière d’Areva, mais aussi de détourner les acheteurs éventuels qui se tourneront, pour longtemps, vers d’autres solutions russes ou coréennes.

Dans le secteur automobile, la France se fait-elle aussi distancer sur l'hybride ?

Face aux constructeurs allemands, les deux groupes automobiles français ont beaucoup souffert de la crise et bénéficient actuellement du retour de forme du marché européen. Toutefois leur offre reste conventionnelle même si Renault a beaucoup misé sur le véhicule électrique à batteries sans en tirer jusqu’alors le succès escompté tant les ventes sont faibles même si, avec Nissan, il est le leader mondial du véhicule électrique. Obligés de réagir face aux règlements européens, qui les pénalisent, les constructeurs allemands font preuve d’ingéniosité pour baisser la moyenne des émissions de CO2 de leurs gammes en multipliant les petits modèles et en engageant des efforts significatifs vers l’hybridation ou l’électrique. BMW communique largement sur ses i3 et i8, qui sont des électriques à prolongateur d’autonomie et Audi fait de sa gamme e-tron un démonstrateur de son savoir-faire technique. La R&D des allemands est considérable et ils sont prêts à miser sur l’hybride comme sur l’électrique  pur ou avec prolongateur alors que les constructeurs français n’ont plus d’hybride, PSA ayant renoncé à son cavalier seul dans l’hybride diesel. Quant à Toyota il parie sur l’hydrogène avec son modèle à pile à combustible  déjà commercialisé, la Mirai.

Quels sont les secteurs dans lesquels la France reste actuellement incontournable ? 

L’industrie de défense, l’aéronautique civile, l’énergie avec Total, GDF Suez et EDF, les services, assurances, banques, hôtellerie, tourisme, le luxe et le haut de gamme restent des domaines très solides. Mais globalement l’industrie est à la peine et le rachat d’Alcatel est un nouveau signal, après tant d’autres d’une perte de souveraineté industrielle rampante.

Quels sont les secteurs porteurs pour la France sur lesquels celle-ci devrait miser à l'avenir ?

Il reste des pépites industrielles. Air Liquide en est une ! Avec Air Liquide Advanced Technologies, la région de Grenoble avec le site de Sassenage, ouvert en 1962,  est un pôle mondial de recherche où l'hydrogène mobilité est au cœur des activités avec 700 personnes. Les applications spatiales et aéronautiques représentent 75% de l’activité d’Advanced Technologies, la recherche 12%.

Le monde des logiciels et des objets connectés est aussi un secteur où  la France est en train de montrer au monde qu’elle dispose d’une ressource majeure de créativité et de compétitivité, les start-up ! Nous avons réussi à prouver depuis quelques années déjà que quelques entrepreneurs audacieux étaient capables de dépasser la Silicon Valley aux Etats-Unis même et de réussir mondialement avec des objets qui remportent chaque année au CES de Las Vegas la palme de la créativité. Car ils savent  aussi transformer ces intuitions en succès commerciaux. Parrot, Withings, Netatmo sont aujourd’hui de jeunes vétérans, imités désormais par des centaines de start-up qui partout en France innovent, créent, se battent. Elles sont particulièrement visibles en région où elles trouvent un terreau favorable auprès des collectivités territoriales, des grandes écoles et des universités qui en soutiennent la création.

La France apparaît déjà dans les classements internationaux comme un pays fertile en initiatives  numériques. Elle se prépare, notamment avec la French Tech, à la nouvelle révolution industrielle. Après les NTIC – Nouvelles technologies de l’information – ce sera en effet les NBIC – nanotechnologies, biotechnologies, intelligence artificielle et sciences cognitives – qui vont alimenter la transformation de notre tissu économique. Le pessimisme ambiant ne doit pas nous faire négliger que les entreprises se sont mises en mouvement et qu’une génération de nouveaux entrepreneurs leur montre la voie. La France numérique n’est plus une volonté désincarnée, c’est une réalité en marche.

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