Énarque le jour, homo flamboyant de minuit à l’aurore : la double vie de l'ex directeur de Sciences Po Richard Descoings<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ex directeur de SciencesPo, Richard Descoings.
L'ex directeur de SciencesPo, Richard Descoings.
©Reuters

Bonnes feuilles

RICHIE. C’est ainsi que ses étudiants le surnommaient, Richard Descoings, scandant ce prénom, brandissant sa photo, comme s’il s’agissait d’une rock star ou d’un gourou. Le soir de sa mort énigmatique dans un hôtel de New-York, une foule de jeunes gens se retrouva, une bougie à la main, devant le temple de la nomenklatura française, Sciences Po. Extrait de "Richie", de Raphaëlle Bacqué, publié chez Grasset (1/2).

Raphaëlle  Bacqué

Raphaëlle Bacqué

Raphaëlle Bacqué est grand reporter au Monde. Elle est l’auteur de plusieurs livres, parmi lesquels La femme fatale (avec Ariane Chemin), sous la couverture jaune : Le dernier mort de Mitterrand (Prix Aujourd’hui).

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Tu es qui ? Est-il ce jeune homme de vingt-sept ans, lisse et d’une discrétion exemplaire dont la seule originalité est d’être toujours vêtu avec soin ? Ou l’autre, celui que les énarques tendus vers leurs carrières n’ont pas vu venir ?

Depuis déjà quelque temps, Richard mène une sorte de double vie. Côté pile, c’est un bûcheur contraint par les règles de l’ambition. Côté face, un oiseau de nuit, amateur de fêtes, d’ombres secrètes et de garçons. Il a partagé sa vie entre la carrière et le plaisir. Enarque le jour, il est homo de minuit à l’aurore.

Ce sont des années bénies où Paris danse tous les soirs, et Richard aime danser. Tous ceux qui l’ont vu chalouper sur une piste se souviennent encore de son corps souple, de ses pantomimes rythmées, de sa façon de composer des figures syncopées dont l’érotisme n’est jamais tout à fait absent.

Lorsqu’il était étudiant à Sciences Po, il a découvert le Palace, où le propriétaire des lieux, Fabrice Emaer, un mètre quatre-vingt- douze et la mèche blond platine, accueillait ses clients d’un « Bonsoir bébé de rêve ! ». Depuis, il y revient sans cesse, en alternance avec des virées aux Bains-Douches, où la faune des noctambules vient s’enivrer de musique techno.

Le fils de bonne famille a ouvert la porte de sa cage avec un emballement impossible à contenir plus longtemps. Il a une fringale d’expériences en tous genres et de sexe. On le voit dans les bars de la rue Sainte-Anne et dans les boîtes du quartier des Halles, il fréquente les « jeudis gais » de l’Opéra Night, le sauna du Continental Opéra, et tous ces lieux de rencontre et de plaisirs qui ont fleuri à la fin des années 1970 et au début des années 1980.

A l’ENA, il n’a connu peu ou prou que des jeunes gens de son milieu, celui de la bourgeoisie éduquée. La nuit, lorsque les garçons se frôlent et s’embrassent, toutes les surprises sont permises et il n’y a plus de barrière de classe. Qui pourrait deviner, dans l’ombre des backrooms, la carrière qui lui est promise ?

Dans cette nouvelle société de la nuit et de la fête, les homosexuels animent la plupart des scènes à la mode. C’est un mouvement joyeux qui s’avance sans poing levé, mais en dansant sur de la musique disco. « There’s no need to be unhappy / Young man, there’s a place you can go », chantent les Village People, idoles des jeunes gays new-yorkais, dont les tubes passent en boucle au Palace. Tout le monde couche avec tout le monde dans une douce odeur de poppers. C’est follement gai, terriblement mondain et somptueusement décadent.

Depuis qu’il s’autorise à vivre comme il l’entend, une fois la nuit venue, Richard a le sentiment d’avoir goûté à une drogue inconnue et puissante. Il a découvert une nouvelle élite, fondée non plus sur le diplôme mais sur la beauté, l’aisance et la notoriété. Le soir, lorsque le sage énarque enlève son costume et sa cravate pour enfiler pantalon de cuir et tee-shirt moulant et plonger dans la nuit, il ne sait plus très bien laquelle des deux tenues est un déguisement.

Extrait de "Richie", de Raphaëlle Bacqué, publié chez Grasset, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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