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Tunisie : le résultat devrait refléter 
la moindre participation 
des jeunes "modernistes"
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Élections législatives

Élections en Tunisie ce dimanche pour désigner l'assemblée constituante. Pour le premier scrutin démocratique de son histoire, le peuple s'est déplacé en masse. Les résultats définitifs devraient être connus mardi.

Karim  Douichi

Karim Douichi

Karim Douichi est journaliste et analyste politique marocain sur le site maghreb-intelligence

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Pour le premier scrutin démocratique de son histoire, la Tunisie ne devait pas changer d’habitude de vote. Du temps du dictateur déchu Zine El Abidine Ben Ali, les taux de participation aux différentes élections étaient toujours scotchés aux stratosphériques 90 %. Une manière pour la dictature d’humilier les Tunisiens, qui préféraient bouder les scrutins dominés par le RCD, oppressant parti présidentiel hégémonique. Mais aujourd’hui, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) annonce un taux de participation de plus de 90 % pour la désignation, totalement démocratique, de la première assemblée constituante en Tunisie. Et ce chiffre, aussi « Benalien » qu’il puisse paraître, montre réellement que le pays est en train de tourner définitivement la page d’une cinquantaine d’années de dictature dont les plus féroces furent les deux décennies vécues sous le clan Ben Ali-Trabelsi.

Plein d’enseignements pourraient donc être tirés de ce premier scrutin démocratique dans la République du jasmin. Au-delà des superlatifs élogieux ressassés tout au long de ce dimanche par les responsables tunisiens, le vote a été indéniablement un succès historique sans commune mesure. Alors que le pays semblait en proie à une certaine désorganisation administrative et à beaucoup de tiraillements entre « modernistes » et « islamistes », les Tunisiens ont globalement voté dans le calme et le respect de la loi. Aucun incident majeur n’a été signalé dans les circonscriptions entre les candidats qui briguaient les sièges de l’assemblée constituante. Et contrairement à la molle campagne d’inscription sur les listes électorales qui laissaient craindre une désaffection des Tunisiens pour la chose politique, le scrutin de dimanche a été une véritable fête. Dès les premières heures du matin, des files interminables attendaient « religieusement » devant les bureaux de vote. A l’ouest de Tunis, dans un bureau installé dans une école de Menouba, plus de 6000 personnes n’ont pas pu s’acquitter de leur devoir citoyen, parce qu’elles ne figuraient pas sur les listes électorales. En effet, seuls 4,15 millions de personnes sur un total de 7,2 millions du corps électoral étaient inscrits. Un casse-tête pour les commissions électorales et les membres des bureaux de vote, qui, n’ayant pas d’instructions précises, ont été obligées de refuser ces électeurs de la dernière heure.

 « Les images atroces de l’exécution de Mouammar Kadhafi m’ont convaincu d’aller voter pour ne pas laisser la révolution tunisienne aux mains des extrémistes. Malheureusement, j’avais négligé de m’inscrire sur les listes électorales », affirme non sans regrets, Amira, jeune cadre dans une entreprise de la capitale. D’après les observateurs, les Tunisiens font le dur apprentissage de la démocratie. Des milliers de jeunes n’avaient pas pris au sérieux les appels lancés par les autorités durant de longues semaines pour l’inscription sur les listes électorales. « La majorité des jeunes pensait que l’essentiel était déjà fait avec le départ de Ben Ali. Ils ont grandi dans un système qui les a tellement mis sous tutelle qu’ils n’ont pas eu pas le réflexe qu’il fallait », explique un membre du FDP-parti de centre-gauche.

Mais quel impact aura ce vote massif sur les résultats de ce scrutin. D’après un ancien dirigeant du RCD dissous après la fuite de Zine El Abidine Ben Ali, ce sont les classes pauvres et moyennes qui se sont significativement inscrites sur les listes électorales. Les jeunes « urbanisés et modernistes » ont un peu boudé le processus. Ceci devrait se répercuter sur les résultats qui devraient tomber, peu à peu, au cour de la journée de lundi. Le parti islamiste Ennahda de Rached Ghannouchi, crédité dans les sondages entre 20 et 25 % des voix se dirigerait, si l’on en croit les observateurs sur place, vers une grande victoire. Les électeurs islamistes sont disciplinés, motivés et mobilisés. Ils devraient donc normalement augmenter leurs chances lors de ce scrutin, puisqu'un taux de participation particulièrement  élevé - sur une masse potentielle d’environ 7 millions et demi, on ne compte que 4 millions de votants effectifs - leur serait profitable. D’ailleurs, les leaders d’Ennahda qui étaient spécialement discrets depuis le 14 janvier dernier, ont musclé leurs discours pendant les derniers jours de la campagne électorale en faisant des appels de pied à leur cœur de cible électorale.

Dès ce mardi, les choses sérieuses vont donc commencer. Les 217 membres de l’Assemblée constituante qui façonnera la deuxième république tunisienne seront connus. Avec des islamistes qui constitueraient, vraisemblablement, la première force politique du pays, la très jeune démocratie tunisienne qui enregistre aujourd’hui un succès éclatant tangue entre une laïcité imposée au lendemain de l’indépendance et une voix turque qui attire énormément la jeunesse tunisienne. La partie risque donc d’être serrée, mais à tous les égards passionnante.        

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