Le dilemme stratégique des concurrents de Nicolas Sarkozy dans la primaire UMP<!-- --> | Atlantico.fr
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A droite, on tente de contrer Nicolas Sarkozy
A droite, on tente de contrer Nicolas Sarkozy
©Reuters

Casting à l'UMP

Cultiver sa différence face à Nicolas Sarkozy sans encourir le procès de la division est un des enjeux des cadres de l'UMP dans l'optique de la primaire UMP 2016.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Après la crise qui a traversé l'UMP il y a environ un an, le mot d'ordre du rassemblement semble somme toute assez respecté par les cadres du parti. Pour autant, le candidat qui représentera la droite n'a pas encore été désigné. Comment les différents cadres peuvent-ils cultiver leur différence par rapport à Nicolas Sarkozy sans encourir un procès en division ?

Christelle Bertrand : Pour ne pas risquer d'être perçu comme un diviseur, il faut commencer par ne pas attaquer les autres. On l'a vu lors de la campagne interne, Bruno Le Maire a mené une campagne très différente de celle de Nicolas Sarkozy mais il est toujours resté correct, cordial même, envers l'ancien Président. Car, disait-il en parlant de Nicolas Sarkozy, "on ne doit jamais attaquer la rock star". C'est aussi la ligne de conduite adoptée par Alain Juppé et, dans une moindre mesure, par Nicolas Sarkozy qui a juré, lorsqu'il est arrivé à la tête de l'UMP, de cesser les petites phrases contre les uns et les autres. On voit qu'il a du mal à s'y tenir mais, de ce point de vue-là, il bénéficie d'une plus grande marge de manœuvre que ses concurrents car il est Président de l'UMP, on peut donc plus difficilement l'accuser de jouer les diviseurs. De plus, dans un parti extrêmement légitimiste, Nicolas Sarkozy peut se permettre des transgressions sans que ça lui soit reproché. Mais la réelle gageure pour tous les candidats, c'est d'affirmer leur différence sans se mettre à dos toute une partie de l'électorat de l'UMP.

Quelles stratégies ont pu être observées jusqu'alors ? À quelles subtilités de positionnement assiste-t-on ?

François Fillon a été le premier à tenter de se différencier de Nicolas Sarkozy dès septembre 2013, et il s'est brûlé les ailes en appelant, entre PS et FN, à voter pour "le moins sectaire" au second tour des élections municipales. Aujourd'hui, Bruno Le Maire adopte une stratégie similaire qui consiste à se droitiser pour occuper un espace un peu moins convoité que l'aile modérée de l'UMP. Mais celui qui affirmait, il y a quelques mois, qu'il ne reviendrait pas sur le mariage pour tous, risque, comme François Fillon, de brouiller son image. Le problème, c'est que l'on est  face à des prises de positions tacticiennes et les électeurs le ressentent. Le risque est donc grand d'y perdre sa crédibilité.

Les candidats sont-ils tous confrontés  aux mêmes difficultés entre Alain Juppé par exemple qui jouit déjà de la figure du principal opposant et d'autres personnalités moins crédibles ?

Alain Juppé n'a, en effet, pas grand-chose à prouver, il doit seulement éviter les faux pas tout en affirmant son ADN : une droite modérée, qui combat le FN et prône l'alliance avec le centre. Ainsi, le 23 mars, lors d'un meeting, il affirmait à propos des repas de substitution : "A Bordeaux, on sert depuis très longtemps des repas où on peut choisir entre viande ou poisson, viande ou pas viande... Cela n'emmerde personne". Il trace son sillon, négligeant volontairement la droite de l'UMP sans la braquer et pariant sur le soutien du centre. La tâche est plus compliqué pour NKM, Xavier Bertrand ou Bruno Le Maire que l'on a du mal à identifier politiquement. Ils n'ont pas réussi à se démarquer, on ne sait pas exactement ce que contient leur épicerie politique. Seul Laurent Wauquiez, conseillé par Patrick Buisson, a réussi à construire une identité forte en militant contre "l'assistanat" et  la construction européenne. Nicolas Sarkozy, lui, est soumis à un impératif différent. Parfaitement identifié politiquement, cet avantage c'est transformé en handicap et durant la campagne de 2012. Il s'est mis à dos tout un électorat modéré qui a préféré voter François Hollande. Tout en continuant à séduire l'aile droite de l'UMP, l'ancien président doit aujourd'hui se réconcilier avec l'aile modérée. C'est pour cette raison qu'il a regretté, le 7 avril, le débat sur l'identité nationale qu'il a initié durant son quinquennat.

Jusqu'où peuvent-ils aller dans cette différenciation, quelles sont les marges de manœuvre ? Qu'est-ce qui ne serait pas accepté par les sympathisants ?

A vouloir aller trop loin dans la différenciation, il existe trois risques majeurs. Le premier consiste à se couper, idéologiquement, de la masse des militants de l'UMP. Alain Juppé est, de ce point de vue-là, le plus téméraire. Mais il reste prudent. Lors des partielles du Doubs, par exemple, il a pris garde, tout en affirmant qu'il voterait PS pour faire barrage au FN, de ne donner aucune consigne aux électeurs. Le deuxième risque pour les candidats est de se "cornériser", de ne répondre aux attentes que d'une partie de l’électorat. C'est le cas de Laurent Wauquiez dont le positionnement correspond à un segment restreint des sympathisants UMP. Le troisième écueil, peut-être celui qui a coûté la victoire à Nicolas Sarkozy en 2012, c'est de se mettre à dos non pas les militants "de base", la "France d'en bas" de l'UMP, mais les cadres et les classes dirigeantes qui sont l'électorat naturel de parti. En droitisant son discours, en se concentrant sur les classes populaires, Nicolas Sarkozy s'est opposé toute une droite bien-pensante, "chiraquienne", qui est allé voter Hollande.

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