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Tunisie : la poussée des islamistes ne s'appuie pas sur une adhésion réelle de la population
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Elections législatives

Élections législatives tunisiennes ce dimanche. Beaucoup d'espoirs après le printemps arabe. Mais le pouvoir politique du pays n'est peut-être pas encore prêt pour satisfaire les aspirations de la population.

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui est directeur général du cabinet de communication d'influence Guepard Group.

Il est l'auteur du livre Intelligence Economique et guerres secrètes au Maroc (Editions Koutoubia, Paris).

 

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"Ca part un peu dans tous les sens, mais c’est normal, la démocratie est à ce prix". Tarik F., professeur d’économie Tunisien installé en France depuis de nombreuses années, observe avec enthousiasme le processus électoral dans son pays d’origine et les joutes oratoires qui font florès entre la multitude de petits partis qui ont "poussé comme des champignons" au cours de cette année 2011.

Il faut dire que l’élection d’une assemblée constituante ce dimanche 23 mars passionne les Tunisiens, qui n’avaient pas été à pareille "fête démocratique" depuis fort longtemps. Bien sûr, il y a les inévitables problèmes logistiques, la désorganisation, la démobilisation des autorités, une bagarre qui dégénère autour de la diffusion d’un film iranien sur une chaîne de télévision, mais en règle générale, les Tunisiens, ouvreurs de bal du "Printemps Arabe" ont tout de même le sentiment de vivre des moments historiques.

Le poids des islamistes

Bien que certains sondages donnent largement en tête les islamistes modérés du parti Annahda –les chiffres oscillent entre 40 et 50%- les acteurs du renouveau démocratique tunisien post-Ben Ali veulent croire que les islamistes ne  leur voleront pas « leur » révolution.

En effet, nombre de Tunisiens voient d’un œil circonspect la montée en puissance des islamistes, alors même que ces derniers n’ont participé que très timidement à la révolution du 14 Janvier dernier. Combattus farouchement par un Ben Ali qui les avait diabolisés, les islamistes doivent en réalité leur popularité soudaine plus à une aubaine politique qu’à une réelle adhésion de l’opinion. En effet, près de onze mois après le déclenchement de la révolution et à quelques jours du vote de la constituante, les cadres du  RCD-le parti dissous de l’ex Président- ont réussi à mettre en place une stratégie rampante en créant des listes portées par des dirigeants qui n’occupaient pas de fonctions exécutives, et qui ne sont donc pas soumis à l’interdiction de se présenter aux élections. Surfant sur les notabilités locales et disposant de moyens financiers qui permettent de faire efficacement campagne, cette « armée de l’ombre » du RCD, rejetée par les électeurs,  a contribué à faire monter dans l’opinion publique la sympathie pour le mouvement islamiste, que personne ne soupçonne de sympathie secrète pour l’ancien parti présidentiel.

Désirs de ruptures contre permanence des intérêts particuliers

Pourtant, la montée en puissance d’Annahda aurait du -suite au printemps arabe- être freinée par la « sécularisation rapide des sociétés civiles » évoquée par le directeur de recherche au CNRS Pierre-Jean Luizard dans un entretien avec le journal” La Croix”.

Au lieu de cela, les islamistes semblent recueillir les fruits de la fragmentation du champ politique tunisien, tiraillé entre désirs de ruptures et permanence des intérêts particuliers. C’est là un paradoxe que la future assemblée constituante aura comme tâche principale de résoudre : comment imaginer un modèle démocratique transitionnel qui puisse à la fois bénéficier de la capacité d’entrainement et du savoir-faire des élites économiques héritées de l’ère Ben Ali  tout en ouvrant la voie à une répartition plus équitable des richesses ? Cette équation à multiples inconnues ne peut, de surcroit, être résolue en Tunisie par la survenance d’un « homme providentiel », à l’image d’un Recep Tayipp Erdogan, le premier ministre turc devenu superstar des politiciens de la Méditerranée.

Crise de leadership ?

En effet, de l’avis de plusieurs experts, la Tunisie postrévolutionnaire souffrirait d’une absence de vision de la part d’une classe politique qui a du mal à se forger une identité dans un environnement qui change très rapidement. Or, cette absence de concordance entre le « temps politique » et le « temps des peuples » agit comme un repoussoir qui fait fuir les talents éventuels qui pourraient se présenter en recours et susciter l’adhésion de la population.

A cause de cela, il est fort probable que les Tunisiens devront se contenter d’un futur chef de l’exécutif qui sera le fruit d’un compromis, et non d’un consensus. Heureusement, un prochain rendez vous crucial est attendu dans les dix-huit mois : une nouvelle constitution qui ouvrira la voie à de nouvelles élections. D’ici là, la Tunisie retient (encore) son souffle…

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