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Un bon procès pour les mauvaises raisons : ce que l’affaire Gallet révèle des méthodes du gouvernement
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Grève à Radio France

Avec 20 jours de mobilisation, ce mouvement de grève est inédit. On s'en souviendra surtout comme l'époque où le gouvernement a tout fait pour se débarrasser du président de Radio France, au mépris des engagements de campagne de François Hollande, qui avait déclaré qu'il "ne se mêlerait pas de ça".

David-Hervé Boutin

David-Hervé Boutin

David-Hervé Boutin est chef d’entreprise dans le secteur culturel et ex-Secrétaire national Les Républicains pour la Culture et les médias. 
 
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La grève à Radio France continue, et entre le ministère de la Culture, Matignon, l’Elysée et le CSA, personne ne semble décidé à prendre le taureau par les cornes. Face au marasme, le journaliste spécialiste des médias Philippe Kieffer ironise dans une tribune publiée dans le Huffington Post :

"C'est triste à écrire, mais en s'éternisant comme elle le fait la grève de Radio France aura  eu (si elle cesse un jour) un immense mérite : celui de mettre en évidence l'écheveau des contradictions qui sert de socle à l'irresponsabilité commune de l'État et de son médiocre appendice naturel : le Conseil dit "supérieur" de l'audiovisuel."

Pour l'ancien ministre de la culture Frédéric Mitterrand, qui avait personnellement soutenu la candidature de Mathieu GaIlet, ce dernier s'est retrouvé pris dans "dans un traquenard" (i-télé). "C'est de l’acharnement feuilletonesque. Je ne peux pas m'empêcher de remarquer que ça arrive au moment précis où se déclenche une grève très lourde", a-t-il rajouté sur le plateau du Petit Journal [...]. "Je pense qu'il sert de bouc émissaire. La question ce n'est pas Mathieu Gallet. La question, c'est de savoir si l’État, qui prétend avoir libéré l'audiovisuel public, n'est pas en fait en train d'essayer de remettre la main dessus".

Un constat que partage Phillippe Kieffer, pour qui "depuis le début de cette affaire, le "cas Gallet" n'est qu'un prétexte à l'exacerbation d'une lutte de pouvoir au sommet qui ne dit pas son nom. Un règlement de comptes fratricide entre l'Exécutif et le Régulateur. Le premier ne voulait pas de Mathieu Gallet et souhaite le voir partir sans avoir à se salir les mains. Le second soutient Gallet du bout des lèvres, craint de se déjuger en le révoquant, et vit maintenant dans la terreur qu'il démissionne." 

Atlantico : Le président de Radio France Mathieu Gallet, qui fait face à une grève d'une durée inédite, est sous la pression du gouvernement, et des médias qui publient régulièrement des révélations sur ses pratiques passées et son train de vie. Quelle est la stratégie du gouvernement, pour quel objectif ?

David-Hervé Boutin : La stratégie fixée par l’autorité de tutelle est, au pire, inexistante et au mieux, floue, alors qu' il faudrait trancher et avoir une stratégie claire et courageuse pour garantir à la fois la pérennité de l'institution et les intérêts du contribuable sur le long terme.

Après avoir affirmé que l'exécutif ne se mêlerait plus de ces affaires – « moi président […]  je laisserai ça à des instances indépendantes » - il semblerait que la plus longue grève au sein de la Maison ronde et surtout le récent rapport de la Cour des Comptes ai rappelé la tutelle actionnaire à certaines réalités.

En effet, Radio France est une entreprise dotée de 640 millions d’euros de budget (dont 90 % de ressources publiques) qui connaîtra pour l’année 2015, plus de 21 millions d’euros de déficit et un montant de ses travaux de transformation dépassant de plus de 2,5 fois le budget initial…

En outre, dans un contexte de crise budgétaire nationale sans précédent, la Cour des comptes - qui sait pourtant aussi se montrer parfois modérée dans ses préconisations - réclame la fusion des deux orchestres de Radio France en un seul, de plus grande qualité. Créés complémentaires dans les années 30, devenus concurrents par la suite, ils coûtent en effet 60 millions d’euros par an et génèrent deux millions de recettes alors que la retransmission de leurs oeuvres est en baisse. L’organisation serait, selon elle également, aberrante au niveau des rédactions (nonobstant leur grande qualité respective) car pâtissant de l'absence de synergies entre celles de France Inter (140 personnes ), France Info (100 p) et France Culture (40 p) alors pourtant qu'elles coexistent au sein d'un même bâtiment !  Ces lacunes structurelles sont dénoncées parmi d’autres et il semble - à lire de précédents rapports - que la situation soit identique au sein de la télévision publique. Les choses sont donc globalement mal pensées, mal contrôlées et certains syndicats (minoritaires mais jusqu'au-boutistes) continuent de penser que la tutelle finira bien par trouver l’argent. Ce qu'elle fait d'ailleurs le mieux : en cherchant en permanence de nouvelles ressources ou en augmentant la redevance !

La problématique est donc loin de se résumer - comme certains auraient aimé le faire croire- à la seule personne de Mathieu Gallet ( arrivé il y a à peine un an !) et tient plus dans la position habituellement ambiguë du Gouvernement sur ces sujets.  Or, face à une telle situation, il n'est plus temps de temporiser et comme on dit outre-Atlantique : "You can't be half pregnant" c'est à dire dedans et dehors à la fois !

Le gouvernement ne fait donc rien pour aider le président de Radio France dans sa tâche ?

Pour beaucoup de politiques, le chapitre communication s’arrête souvent hélas aux relations presses avec les journalistes, sans considérer au delà, l'aspect industriel de ces entreprises et leur développement. Or, ce n’est pas parce qu'une entreprise est publique qu’elle ne doit pas être rigoureusement gérée, bien au contraire ! Compte tenu de ses missions, Radio France n'a peut-être pas vocation à générer des bénéfices mais de là à être à ce point déficitaire et dépendant de la ressource publique… Le temps n'est donc plus aux demi mesures et les réformes courageuses menées par la BBC en 2007 - qui commencent d'ailleurs à porter leurs fruits - pourraient aussi nous inspirer !

Même si le personnage peut faire l’objet de critiques, qu’est-ce que cet acharnement révèle des méthodes de l’exécutif ?

François Hollande disait qu’il n’interviendrait pas dans les nominations, dans les contenus ou auprès des journalistes, mais on se rend compte que ce sont de bien plus sournois procédés qui sont à l’œuvre désormais et les messages sont portés par des voies détournées… Le gouvernement n’est pas satisfait de Mathieu Gallet, certes, mais alors dans ce cas il serait temps de clarifier les modes de nomination pour l'avenir ! Car en ce moment-même se joue la nomination du président de France télévisions et le processus de désignation est totalement opaque. 33 candidats sont en lice et nous aimerions aussi savoir ce qu’ils proposent !? Comment imaginer en effet que l'un d'entre eux (ou l'une d'entre elles...) se retrouve à la tête d’une organisation disposant de plus de 2,3 milliards de redevance publique par an sans que le contribuable n'aie d'autres choix que d'applaudir puis de payer !?

L’exécutif est donc dans le déni de ses engagements ?

Tout à fait. Le processus de nomination mis en place par Nicolas Sarkozy avait quant à lui le mérite de la clarté : en faisant le choix de la personne, il affirmait un choix résolu de la tutelle qui était ensuite garant de la stratégie et de la gestion des deniers publics. Avec le gouvernement actuel on ne sait pas qui décide, de quelle stratégie, ni qui en sera responsable in fine. Cela doit aussi changer maintenant !

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