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5 (vrais) sujets de révolte en France à l’attention des Manuel Valls et autres obsédés du FN
©Reuters

Révolution

En ne voyant dans la montée du FN qu'une raison de s'inquiéter pour l'avenir de la France, le Premier ministre passe à côté de sujets qui mériteraient pourtant d'être traités : chômage, école, intégration des immigrés sont autant de questions qui passent ainsi à la trappe, alimentant les tensions dans le pays.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Laurent Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant, membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La trappe du chômage de longue durée

2,267 millions de personnes sont au chômage depuis plus d'un an, soit 132% de plus qu'en juin 2008. Dans le meilleur des cas, seuls 40% d'entre eux auront trouvé un emploi dans 15 mois.

>> Lire également Perdus pour la France ? L'étude choc qui montre que les chômeurs de longue durée causés par la crise seront extrêmement difficiles à réinsérer

Éric VerhaegheLes générations qui sont nées après 1965 ont essentiellement grandi avec le chômage de masse. Nous pourrions fêter cette année le cinquantième anniversaire (c'est-à-dire, grosso modo, l'espérance de vie il y a deux cents ans) de cet étrange état d'esprit où le chômage est une donnée constante du paysage social. Depuis cinquante ans, le discours politique, de droite comme de gauche, est invariable sur le sujet: qu'il soit formulé en termes technocratiques comme le fait François Hollande avec la fameuse inversion de la courbe, ou de façon plus volontaire comme Jacques Chirac pouvait le faire en son temps. Il garantit que les choses iront mieux tôt ou tard, et les Français ont intégré que ce discours tient essentiellement à l'incantation religieuse, et certainement pas à la solution politique. Ce faisant, l'impuissance des politiques à enrayer le chômage de masse produit des effets lancinants sur les mentalités. Qu'il n'y ait pas de place pour tout le monde sur le marché du travail est probablement la principale tumeur qui gangrène l'état d'esprit français. Notre société vit, sans le dire, sur un principe malthusien : il y a trop de monde en France, et la société ne peut plus garantir le bonheur de tous. Les moins de cinquante ans ont appris à vivre avec cette idée qui a des répercussions en cascade : ceux qui ont un travail évitent de prendre des risques par peur de le perdre, et révisent forcément leurs ambitions à la baisse. Nous aurions besoin de conquérants pour faire face à l'avenir, et nous avons des soldats de tranchée.

L'état de l'école

Près de 35% des enfants d'ouvriers n'ont pas de diplôme contre 7% des enfants de cadres.

Lire aussi : Les Américains découvrent l’ampleur du naufrage de la méritocratie... et ce n'est pas mieux chez nous

Jean-Paul Brighelli : Cela fait trente ans que l'ascenseur social est en panne et que les enfants d'ouvriers qui veulent y arriver ont intérêt à prendre l'escalier. Les enfants de cadres partent du sixième étage, donc ce n'est pas très étonnant. Toutes les réformes qui ont été faites depuis les zones d'éducation prioritaires et les réformes Jospin ont fait semblant de s'occuper des déshérités alors qu'on les a gardé la tête sous l'eau. Il y a infiniment moins de chances qu'il y a trente ans que quelqu'un qui est né dans la rue n'y reste pas.

Nous sommes en 1788. Les gens au pouvoir, à tous les niveaux, ont mis ne place une école de façon à favoriser leurs enfants et non les autres. 50% des énarques qui sont dans le tiers supérieur de l'ENA sont des enfants d'énarques. Comme l'expliquait Frédéric Teulon dans Les FFD : La France aux mains des fils et filles De (François Bourin Editeur, 2005), en temps de crise, la partie qui compte le plus en temps de crise c'est l'état civil et non les diplômes. Pendant les Trente Glorieuses, il y avait du piston mais aussi un peu de promotion sociale. Depuis les années 1980, c'est terminé.

Ce qui compte au niveau de l'école, c'est la transmission des savoirs et de mener chacun au plus haut de ses capacités. On est loin de donner à chacun l'occasion d'exprimer ses talents, ce qui n'est pas le cas.  Il ne s'agit pas de donner aux élèves une base minimale et ainsi d'égaliser par le bas. La première chose à faire est d'enseigner correctement le français. Les chiffres officiels montrent que 18% des élèves de sixième ne savent quasiment pas lire ou écrire. Les chiffres officieux disent 35%. Ces 35% sont condamnés. Il faut globalement maîtriser tous les savoirs nécessaires à l'intégration.

Éric VerhaegheL'école publique a construit sa légitimité à la fin du XIXe siècle sur sa capacité à "rebattre les cartes" sociales. L'école laïque proposait un pacte tacite aux Français : celui de permettre une évolution sociale raisonnable en contrepartie du diplôme. C'était la condition pour accepter "l'homme nouveau", débarrassé de ses préjugés religieux. L'école publique de 2015 n'a conservé de ce projet que le renoncement au fait religieux. En revanche, plus que jamais, l'école fige et consolide les inégalités à la naissance. Ce renoncement au "pacte républicain" est une bombe à retardement. Pouvez-vous dire quelle légitimité il y a encore à lever des impôts pour financer une école dont le niveau baisse constamment alors que le budget augmente, et dont l'objectif est d'organiser la sélection sociale ? Il est urgent de passer au chèque scolaire.

Une société qui accueille plus d'immigrés qu'elle ne peut en intégrer

En 2012, 20,1% des immigrés (hors Union Européenne) étaient au chômage contre 9,1% des nationaux.

Laurent ChalardEffectivement, une des caractéristiques de la France par rapport à ses voisins européens est la régularité du nombre d’entrées légales des pays extra-européens d’une année sur l’autre (près de 200 000), que la situation économique soit bonne ou mauvaise, ce qui interroge grandement sur les capacités (ou la volonté) de l’Etat à agir sur la question. En effet, en Allemagne, pendant la crise économique de 2008, le solde migratoire est logiquement devenu sensiblement négatif (les départs plus nombreux excédant largement les entrées moindres), puis il est redevenu fortement positif depuis la reprise constatée dans le pays en 2010, dans un contexte de besoin important en main d’œuvre, étant donné la faiblesse de la démographie allemande. Il semble donc exister une déconnexion totale en France entre rythmes économiques et variation du solde migratoire.

En conséquence, il s’ensuit l’impression chez nos concitoyens que l’Etat français ne gère pas la situation et que l’immigration ne relève pas des besoins réels de l’économie, ce qui en ferait d’une certaine manière une immigration choisie et plus acceptable, mais uniquement de la procédure du regroupement familial, qui fait que les gens n’entrent pas sur le territoire pour un motif économique, contrairement à l’Allemagne par exemple. Ce constat débouche assez rapidement chez nos concitoyens par la mise en accusation des nouveaux arrivants, qui viendraient essentiellement en France pour bénéficier de "l’assistanat", ne cherchant pas à s’insérer sérieusement sur le marché du travail et à s’intégrer dans la société française. L’immigration apparaît alors comme "subie".

Pour remédier à ce malaise, qui est l’un des facteurs explicatifs du vote d’extrême droite, il conviendrait que l’Etat français instaure une véritable politique de gestion des flux d’immigration, qui permettent dans un premier temps d’agir sur le volume d’accueil d’une année sur l’autre, qui doit être corrélé avec la situation économique du pays pour que l’immigration soit mieux acceptée par nos concitoyens. En effet, si en période de forte croissance, le besoin de main d’œuvre se faisant sentir, les flux peuvent être relevés, par contre, en période de stagnation ou de récession économique, telles que ces dernières années, l’Etat devrait pouvoir restreindre les flux d’entrées légales jusqu’à ce que l’économie redémarre. Parallèlement, une politique d’accueil digne de ce nom visant à l’insertion la meilleure possible sur le marché du travail et dans la société doit être mise en place pour les nouveaux arrivants. Or, il n’y a pas vraiment de suivi des immigrés entrant selon la procédure du regroupement familial, puisque l’Etat part du principe que la présence de membres de la famille sur notre territoire est un facteur d’insertion suffisant, ce qui est une erreur majeure, étant donné l’intégration bien souvent limitée des premiers.

La fausse égalité territoriale

En 2012, le PIB par habitant s'élevait à 51 000 euros en Ile-de-France contre 25 480 euros dans le Nord-Pas-de-Calais ; les dépenses publiques par habitant en 2010 étaient de 1580 euros dans les Hautes Alpes contre 851 euros en Moselle

Éric VerhaegheOn aurait pu croire - et c'est d'ailleurs ce qui la justifiait ! - que la décentralisation aiderait les régions les moins développées à rattraper les régions les plus prospères. Trente ans après, le bilan est terrible: en 1990, l'Aquitaine apportait 4,5% du PIB de la métropole et la région Rhône-Alpes 9,6%. Ces chiffres sont, à un ou deux dixièmes près, exactement les mêmes en 2010. Autrement dit, les régions riches sont restées riches et la décentralisation n'a pas fondamentalement modifié la donne française. En revanche, entretemps, la France a multiplié les baronnies qui bloquent toute évolution raisonnable de la société. Le nombre de fonctionnaires a explosé, et des régions entières vivent des dépenses publiques. Quand on songe aux maternités dangereuses qui existent un peu partout en France pour faire plaisir aux élus locaux - élus qui refuseraient que l'une de leurs proches y accouchent bien entendu... Ces simagrées contribuent à détourner de l'investissement public salutaire pour préparer l'avenir vers des dépenses de fonctionnement totalement mortes pour la société française. 

Données personnelles et vie privée

Selon le Boston Consulting Group, le marché du Big Data devrait atteindre en Europe 1 000 milliards d'euros d'ici 2020.

Fabrice EpelboinLes Européens, comme tous les internautes, bénéficient de ce business de la data. Disons qu’ils ne sont pas conscient de l’échange. Google est gratuit, tout comme Facebook, ainsi qu’un nombre incalculable de services et d’informations en ligne dont nous profitons tous, et cette gratuité apparente cache un gigantesque business de la data. C’est avec vos datas, celles que vous laissez derrière vous à tous bouts de champs sur internet, que vous payez des services tels que Facebook. C’est opaque, certes, mais on ne peut pas dire que le citoyen ordinaire n’en tire aucun bénéfice.

Ce qui est frustrant, c’est surtout de ne pas comprendre les tenants et les aboutissants de cet transaction que nous faisons - individuellement, ainsi que collectivement - avec les acteurs du big data. Certains acteurs, comme Google ou Facebook, nous proposent un échange relativement clair, avec des services markétés comme “gratuits”, d’autres acteurs se comportent avec nos données comme des parasites, et ne nous offrent rien en retour.

Mais en dehors des entreprises commerciales, les Etats s’interessent également de très près à nos datas. De récentes lois telles que la Loi de Programmation Militaire, ainsi que de futures en cours de préparation, n’en doutons pas, autorisent l’executif à surveiller toutes les traces électroniques de quiconque sur simple demande administrative. Ici, la nature de l’échange, tel qu’il est formulé par les autorités politiques, est d’augmenter la sécurité en échange d’un accès aux données personnelles des citoyens, en dehors de tout contrôle judiciaire.

Ce troc que proposent à leurs citoyens la plupart des démocraties occidentales a toutes les chances de très mal tourner. Orwell nous a prévenu, et les prédictions apocalyptiques d’une Marine Le Pen présidente mise en scène par notre Premier Ministre devrait l’inciter à réfléchir sur les perspectives d’une société de la surveillance dirigée par un parti tel que le Front National.

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