Faut-il plus de "cheffes" et de "sage-hommes"? Quand la question de la mixité des métiers s'invite dans le combat pour l'égalité hommes-femmes<!-- --> | Atlantico.fr
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La mixité des métiers en question
La mixité des métiers en question
©Reuters

Femme-s !

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a présenté le 25 février un rapport analysant les différents freins qui restreignent l'accès des femmes au marché du travail et proposant des préconisations pour favoriser l’égalité des chances et garantir la liberté de choix des femmes dans ce domaine.

Françoise Geng

Françoise Geng

Françoise Geng est représentante des salariés au sein de la CGT- Membre de la direction nationale Fédération Santé Action sociale CGT - Présidente de la section du Travail et de l'Emploi du CESE.

 

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Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Atlantico: Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a remis au gouvernement un rapport sur la mixité des métiers. En quoi est-ce un enjeu important ?

Françoise Geng : A la demande du gouvernement, la section du Travail et de l'emploi a rendu un avis sur la mixité des métiers qui pose tout l’intérêt et les enjeux de répondre plus et mieux aux demandes du marché de l'emploi. Il faut attirer les jeunes, femmes et hommes à choisir des métiers en fonction de leurs appétences et non plus sur la base de stéréotypes de genres. Pour quoi les femmes ne s'orienteraient elles pas vers des métiers scientifiques alors qu'elles en ont largement les compétences ? Pourquoi ne pas orienter mieux les jeunes hommes vers les métiers du sanitaires et du social occupés à plus de 70% par des femmes ?

Agir sur la mixité des métiers permettra de mieux fournir toutes les filières professionnelles, mais aussi tirer à la hausse les salaires des métiers essentiellement occupés par des femmes, nettement moins bien reconnus.

A qualification, compétences et responsabilités professionnelles égales, les femmes gagnent 30% de moins que leurs collègues masculin. Rien ne justifie une telle disparité.

Sophie de Menthon : Il peut être légitime d'encourager les femmes à exercer des métiers supposés être réservés aux hommes. La place des femmes est nécessaire et importante et les chefs d'entreprises, que je représente, en sont conscients. Le Cese s'attache à ces questions de société.

Ce rapport n'a pourtant pas fait l'unanimité. Pour quelles raisons ? Quels ont été les principaux points de désaccord ?

Françoise Geng : Cette question n'a que peu d'intérêt car le vote n'a eu que 5 abstentions et 147 pour. C'est donc un avis très largement voté.

Sophie de Menthon : Ce rapport a été voté mais personnellement je me suis abstenue. Je pense qu'à force de parler de discrimination et de vouloir une égalité comportementale entre les hommes et les femmes, on aboutit à des recommandations qui sont caricaturales. Il existe clairement un souhait d'instaurer une équivalence des "genres" qui est une perte de repères plutôt qu'un progrès.  Il y  une accusation permanente induite consistant à dire que les femmes sont discriminées et victimes. Il ne s'agit pas de nier que cela puisse exister, mais les auditions que nous avons menées amenaient des propos à mes yeux inutiles et parfois ridicules : la féminisation obsessionnelle des termes (une "cheffe" a-t-elle plus de sens qu'une chef, au-delà de la barbarie sémantique !?). Une  éminente responsable entendue cherchait par exemple un terme masculin à "sage-femme" !  De la même façon, la couleur rose en matière  de layette parce que cela conditionne le bébé semblait être un problème important... etc.

Je n'étais pas d'accord non plus sur le fait de pousser les hommes à exercer des métiers féminins sous le prétexte que si ce n'est pas le cas, c'est dévalorisant pour le métier exercé. Dans les préconisations de la section travail, on trouve entre autre la volonté de "déconstruire  les stéréotypes du genre" ; je ne peux accepter cette assertion, car la déconstruction est à mes yeux négative et dangereuse pour une jeunesse en perte de repères. Or, "les femmes ne sont pas des hommes comme les autres" ! On dit clairement  récuser par exemple les soi-disant qualités du sexe féminin pour, je cite, "l'appétence pour le soin et l'intérêt  pour autrui... patience, minutie etc." Je suis en tant que femme pourtant consciente et fière que ce soit le cas ; il est exact que les femmes s'occupent plus et avec constance des parents âgés... Leur faire comprendre que c'est peu valorisant est dommage, même si les hommes doivent s'impliquer bien sûr d'avantage, ce n'est pas cela qui va les y inciter !

Peut-on lutter contre les discriminations dont font l'objet les femmes dans la sphère professionnelle sans parvenir à changer les mentalités ?

Sophie de Menthon : Il faut promouvoir et non déconstruire. Quant à attendre des lois et des incitations de la puissance publique, remarquons d'abord que l'univers politique est le plus sexiste qui soit. Les partis politiques préfèrent payer des amendes plutôt que de promouvoir des femmes, alors pas de leçons à donner ni de nouvelles lois et contraintes à promulguer !

Françoise Geng : Il est évident que tout changement, sur ce sujet ou d'ailleurs d'autres, passe par un changement des mentalités, mais pour changer les mentalités il faut bousculer les stéréotypes par des outils plus contraignants. Il est en effet nécessaire d'activer la mobilisation en faveur la parité dans les postes d'encadrement. C'est seulement dans ces conditions que les mentalités évolueront, mises devant le fait accompli des évolutions positives liées à la place des femmes aux postes d'encadrement et à tous les postes de l'entreprise sans distinction.

A quelles dérives une telle approche peut-elle conduire ? Peut-on déconstruire les stéréotypes de genre y compris au mépris des choix de vie individuels ?

Françoise Geng : Il ne peut être  question de contraindre qui que ce soit à s'orienter ou à embrasser des professions jusque là réservées à un sexe spécifique, mais il s'agit d'ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles en éclairant mieux les jeunes et en créant les conditions de les faire aller vers des métiers de leur choix, parfois moins sexués ! Lever les obstacles du cloisonnement des métiers participe à plus d’égalité entre les femmes et les hommes.

Quand aux thèses véhiculées par certains sur les ABCD et autres, elles ont du être inventées par certains hommes qui voient dans ces nouvelles démarches un danger pour leur propres domination... (sourire)

Sophie de Menthon : Non bien sûr," déconstruire" est inacceptable ; nous sommes dans une dérive de déconstruction générale civilisationelle dans tous les domaines, on voit ce que cela donne : tout est équivalent, perte des valeurs, négation du beau, perte d'autorité, les élèves ont le droit de contester sans bases réelles et sans culture leurs professeurs... Les dérives d'équivalence sexuelle sont dangereuses et influer sur des adolescents n'est pas sans risque pour leur équilibre. Faut-il (et je précise que ce n'est pas recommandé par le CESE !) instituer des journées de la jupe dans les écoles pour les garçons ?

Sheryl Sandberg a été à l'origine d'un débat assez vif en estimant qu'il était de la responsabilité des femmes d'en faire davantage pour s'affirmer. Partagez-vous cette vision des choses ?

Françoise Geng : Madame Sandberg doit vivre sous cloche si elle estime que les femmes n'en font pas assez pour s'affirmer. Elle doit juste apprécier le poids des siècles pendant lesquels les femmes ont été reléguées à une condition inférieure à celle des hommes. Elle devrait juste se rendre à l'évidence, les femmes doivent se battre dix fois plus que les hommes pour juste obtenir la même chose. Alors oui les femmes luttent, et de façon exemplaire pour leur cause, mais le retard est tel, qu'il faut fixer des normes, des mesures, qui les accompagnent dans leur conquêtes d'un monde où leur place soit à la hauteur de leurs mérites, tout comme pour les hommes.

Sophie de Menthon : Je pense que ce sont les femmes et elles seules qui doivent monter au créneau pour s'imposer ; dire qu'elles n'en sont pas capables est sexiste ! Il faut respecter leurs inclinations même si celles-ci sont  dites "féminines". Les mobiliser, les donner en exemple, les informer : oui. Mais on veut finir par nier l'influence des hormones ; ce serait humiliant pour les femmes que d'être "sous l'influence de leur sexe" - c'est ridicule ; qui pourrait nier que leur psychisme change momentanément au moment de la grossesse ou de la maternité ? C'est même politiquement incorrect que de l'évoquer !  Il faut les respecter dans ce qu'elles sont, pas leur demander de renoncer à tout ce qui fait leur spécificité, sous prétexte de défendre l'égalité. C'est au contraire une atteinte à leur intégrité, que de prétendre défendre les femmes par de tels excès, qui finissent par les culpabiliser pour tout ce qui les caractérise.

On en arrive à les culpabiliser de prendre des congés de maternité qu'il faudrait partager avec le père ; alors que cela  doit exclusivement relever d'une décision du couple, sans punir l'un des deux de ne pas prendre de congés en supprimant les allocations de la mère ! Sur l'égalité salariale par exemple, qui est un vrai combat, on voit bien que les lois ne servent à rien. En revanche, dire aux femmes de s'informer, de revendiquer leur place dans leur entreprise et les aider en cela au niveau des DRH, oui. Contrairement aux féministes acharnés des deux sexes, c'est moi qui ai confiance dans les femmes pour s'affirmer telles qu'elles sont, et surtout pas en cessant d'être femmes. Certes il existe des cultures qui nécessitent que l'on se batte pour la cause des femmes mais la France est un pays au sein duquel les femmes  sont respectées et il faut en être fier ! Les exceptions confirment hélas, la règle. Aussi, battons-nous pour celles qui souffrent vraiment et pas contre des moulins à vent en culpabilisant tout le monde.

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