N. Dupont-Aignan : "On ne cesse de me mettre en concurrence avec le FN, or on peut vouloir faire le ménage sans casser la vaisselle"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Nicolas Dupont-Aignan lors du congrès de Debout la France du 12 octobre 2014.
Nicolas Dupont-Aignan lors du congrès de Debout la France du 12 octobre 2014.
©

Entretien politique

A quelques semaines des élections, le Président de Debout la France propose une lecture des problèmes suscités par les mutations actuelles du champs politique. Alors que les électeurs recherchent le pragmatisme de l'efficacité, l'offre politique continuerait quant à elle de se gorger de mots et de postures.

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan préside Debout la France, parti politique se revendiquant du gaullisme et est l'auteur de France, lève-toi et marche aux éditions Fayard. 

 

Voir la bio »

Atlantico : A quelques semaines des élections départementales, vous multipliez les déplacements en soutien aux candidats de Debout la France. Que percevez-vous de la réalité et des attentes des électeurs sur le terrain ?

Nicolas Dupont-Aignan : Ce qui est particulièrement frappant, c'est la transformation de la résignation de nos concitoyens en colère. Le ras-le-bol du décalage entre les belles paroles et la faiblesse des actes, dans le domaine de la sécurité, de l'immigration, ou encore de l'économie, est particulièrement fort, de façon homogène parmi toutes les couches de la population. 

Les problèmes liés à l'insécurité dans le sud de la France, l'explosion des cambriolages dans la banlieue parisienne, le vol de matériels agricoles dans les zones rurales, le massacre de nos PME par les multiples dysfonctionnements du RSI notamment, les banques qui ne prêtent pas aux aux entreprises, malgré un carnet de commande rempli… Il y a en fait le sentiment que tout est bloqué. Les Français demandent un déverrouillage, des décisions efficaces et pragmatiques alors que nos dirigeants politiques se gorgent de mots, de postures hors-sols.

Lors d'une récente réunion publique en pleine semaine à Nîmes, nous avions une salle pleine de 150 personnes dont une bonne moitié ne nous connaissait pas. Cela traduit une attente très forte d'une alternative politique crédible, le besoin d'un renouveau dans les propositions. Une partie de ces Français exaspérés est tentée par l'abstention, une autre est séduite par le Front national. Debout la France leur offre un autre choix.

C'est également la première fois que je vois autant d'élus UMP assister à mes réunions publiques. Ceux-ci admettent souvent l'incapacité de leur formation à proposer une ligne politique claire. Les idéologies ne passent pas la barrière de la réalité, et le système politique est en train d'être bouleversé sous nos yeux.

Alors que les sondages donnent le Front national comme le grand vainqueur de ces élections départementales qui ne leur sont habituellement pas favorables, comment expliquez le succès du parti frontiste là où Debout la France semble toujours peiner à transformer l'essai dans les urnes ?

Les deux partis progressent, mais Debout la France est un parti bien plus récent. Le Front national existe depuis plusieurs décennies, Debout la France est parti de rien il y a 4 ans. Et malgré cela, nous sommes crédités de 6% dans les intentions de vote à l'échelle nationale, et de 7% dans certaines régions comme l'Île-de-France.

Je ne me situe pas dans une rivalité avec Marine Le Pen. Je ne crois pas que nos sympathisants et ceux du FN soient les mêmes. Beaucoup connaissent l'offre du FN qui dispose d'une exposition médiatique cent fois plus importante, mais pas suffisamment celle de Debout le France.

Le problème de fond de notre pays est le système des quatre partis : les Verts, les centristes, l'UMP et le PS, tous prisonniers de Bruxelles, qui ne peuvent changer de politique dans ce carcan européen. A côté d'eux, trois partis sont antisystèmes, estimant que la seule solution est d'en finir avec les traités européens actuels : le Front national, le plus ancien, le Front de Gauche, le plus incohérent, et Debout la France, qui propose une alternative "ni système, ni extrêmes" aux Français.

Il est important que les électeurs aient le choix, car nous serions confrontés dans le cas contraire à une abstention gigantesque. Mon ambition est donc d'offrir une alternative à tous ceux qui ne veulent plus voir la France crever à petit feu. Nous voulons à Debout la France faire un grand ménage, mais pas à la manière du FN ou du FDG. Nous voulons faire le ménage sans casser la vaisselle ! C'est en cela que je pense que notre offre est plus solide que les deux autres partis antisystèmes.

Qui sont alors vos électeurs, en quoi sont-ils différents de ceux du Front national par exemple ?

Beaucoup commettent souvent l'erreur de me comparer au Front National, comme si nous attirions le même électorat, or c'est faux. Nous avons pu le voir lors des élections européennes : une partie de nos électeurs vient principalement du centre de l'échiquier politique, et c'est bien normal puisque je suis un gaulliste social. Le FN est un parti républicain que je n'ai jamais diabolisé, mais les Français ont quand même le droit d'avoir le choix d'un autre patriotisme.

Qu'est-ce que le FN propose aux habitants de la France rurale et péri-urbaine que Debout la France ne peut leur offrir ?

Nous avons des propositions d'allègement des charges pour nos PME, des projets de valorisation des petites retraites, la volonté de remettre à jour une PAC protectionniste, l'application de la tolérance zéro pour répondre à l'insécurité… Notre programme touche tous les secteurs, et n'oublie pas la France rurale. 

Nos propositions incarnent une rupture car nous ne nous soumettons pas à Bruxelles ou à ses exigences.

Comment comptez-vous désobéir à Bruxelles sans in fine "casser la vaisselle", et tout en restant dans un réalisme que vous ôtez au projet du Parti de Gauche par exemple ?

Syriza a montré toute son incohérence en refusant d'aller au bout de leur logique. Si nous voulons sortir du carcan de l'Union européenne, il faut le faire avec nos partenaires. Il faudra donc travailler avec d'autres mouvements nationaux pour repenser l'Europe, construire une Europe des nations et des projets. Là où Syriza a voulu arracher la Grèce de l'Europe, nous souhaitons la transformer de l'intérieur, avec nos partenaires.

"Sans casser la vaisselle" signifie également nous ne pourrons pas, sur le plan intérieur, résoudre nos problèmes en opposant les origines des citoyens.

Partagez-vous l'analyse de Laurent Wauquiez qui s'est dit opposé à la ligne Juppé et qui a appelé cette semaine dans Le Point la classe politique, son parti compris, à en finir avec "les lâchetés" dont elle fait preuve et dénonce "les discours guimauve" qui conduisent le pays dans le mur ?

Laurent Wauquiez nous rejoindra certainement un jour. Il essaye de faire à l'UMP ce que j'ai moi-même tenté à un moment : mais j'ai compris que ce parti demeurerait soumis à Bruxelles, ne changerait pas sa ligne européiste, et aurait donc toujours un discours de "guimauve". D'ailleurs, ils n'ont pas hésité à appeler à voter pour le Parti socialiste lors des élections dans le Doubs il y a plusieurs jours.

Tant que nous aurons une monnaie unique utilisée par des pays aux compétitivités si différentes, l'Allemagne concentrera toujours plus de richesses, et les pays du sud seront condamnés au chômage de masse.

Plus de 200 chrétiens ont été enlevés le lundi 23 février au nord-est de la Syrie. Quelques jours plus tôt, 21 coptes avaient été égorgés en Libye. Peu se sont exprimés à ce sujet. Pourquoi selon vous le sort des chrétiens n'émeut-il pas davantage ?

Je suis un des rares à m'être exprimé sur cet évènement qui me scandalise. Toutes les personnalités politiques sont dans la rue pour Charlie Hebdo, mais quand il s'agit des Chrétiens coptes, personnes n'en parle, et je n'aime pas le deux poids deux mesures. J'observe cependant que la mobilisation semble commencer, et espère que nous prendrons enfin conscience de la situation.

J'espère de même que le déplacement de parlementaires en Syrie permettra de faire émerger la question d'un partenariat avec Bachar el-Assad. Car dans la vie, il faut savoir choisir : et on ne pourra pas vaincre Daesh sans s'appuyer sur la Syrie. Quand on a vaincu Hitler, on s'est allié à Staline. Je n'excuse pas Assad, mais je regarde la situation en face. Et si on ne choisit pas, Assad se maintiendra, en même temps que Daesh.

Propos recueillis par Alexis Franco et Carole Dieterich

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !