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Syndrome de la fatigue chronique : la compréhension du phénomène progresse… mais la France reste à la traine sur les traitements
©Reuters

Coup de barre permanent

Notre rythme de vie effréné et stressant nous pousse à ne pas écouter les signales émis par notre corps. La fatigue chronique pourrait être la nouvelle pandémie du 21ème siècle, et sans doute est-ce pour cela qu'il est compliqué pour la France de la reconnaître comme maladie : ce serait alors un problème sanitaire de très grande ampleur qui se poserait.

Etienne Masquelier

Etienne Masquelier

Etienne Masquelier est responsable du Centre de référence de la fatigue chronique et exerce à l'hôpital Saint Luc de Bruxelles.

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Catherine Mathieu

Catherine Mathieu

Catherine Mathieu est sophrologue de profession, diplômée de l’École des Fleuristes de Paris et de l'Institut de Sophrologie de Paris, exerce depuis plusieurs années ses deux formations en harmonie. Elle a un site internet : sophrofleurs.com. Elle est l'auteur de "Osons Apprendre à Gérer nos Émotions "

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Atlantico: Quelle est la différence entre la fatigue chronique et la fatigue passagère, et à quel moment peut-on parler de maladie?

Etienne Masquelier : On parle de syndrome de fatigue chronique (myalgic encephalomyelitis / chronic fatigue syndrom) pour évoquer cette fatigue. Mais comme le terme "syndrome de fatigue chronique" est devenu stigmatisant et que le terme "myalgic encephalomyélitis" est inapproprié, l’IOM (Institute of Medicine aux USA) recommande le terme "Systemic exertion intolerance disease" (maladie d'intolérance à l'effort systémique) qui semble mieux prendre en compte les différents symptômes de ce syndrome : un réel épuisement avec incapacité à réaliser des activités de la vie normale, non soulagé par le repos et présent depuis au moins 6 mois. On constate un malaise après un effort physique, cognitif ou émotionel, un sommeil non récupérateur, des troubles cognitifs et une intolérance orthostatique. Il y a aux USA entre 800 000 et 2 millions cinq cent mille patients et ce nombre explique que certains pays s’y intéressent beaucoup (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Canada…)

Catherine Mathieu : La fatigue chronique s'installe dans le temps et signifie être anéanti, abattu, accablé en ayant la sensation de ne pas pouvoir en sortir un jour. Au-delà de six mois, nous pouvons parler de fatigue chronique et sans forcément ou obligatoirement nommer une cause apparente. La personne toujours fatiguée vit un épuisement permanent qui peut parfois aussi venir soit d'une maladie diagnostiquée soit d'une maladie en sommeil.

Quant à la fatigue passagère : elle s'installe parfois suite à une grippe, une insomnie, un surmenage, un déséquilibre alimentaire, un excès de stress, un trouble ponctuel, un rhume, une émotion mal gérée, une blessure, un environnement trop bruyant... ou tout autre symptôme transitoire ou temporaire. Il est complexe d'établir un diagnostic précis car elle peut avoir de nombreuses origines. Seuls les professionnels de la santé constateront et diagnostiqueront à quel moment il s'agira d'une maladie. Une écoute attentive suivie d'examens approfondis et appropriés au cas par cas permettra alors de parler de maladie.

Quels sont les effets sur la santé à court et long terme ?

Catherine Mathieu: Les effets sur la santé à court terme peuvent se manifester par des migraines, des troubles du sommeil, diverses douleurs, mal de dos, manque de concentration, irritabilité, impulsivité, angoisse, agacement, nervosité, trouble de l'humeur, tristesse, mélancolie, entre autres...

Sur le long terme, les effets sont plus profonds. Par exemple, toutes les activités et tâches quotidiennes deviennent une épreuve, une souffrance. La fatigue chronique peut provoquer des douleurs articulaires, musculaires, des insomnies répétitives, un manque d'appétit, un isolement sur soi-même, moins d'intérêt envers autrui, des inquiétudes, des peurs, des phobies... Un manque de confiance en soi et peu d'enthousiasme, une perte d'estime de soi, la liste est longue...

Quels remèdes la médecine est-elle aujourd'hui capable de procurer pour retrouver le sommeil ?

Etienne Masquelier : Il n’y  pas de traitement de guérison mais plutôt une approche globale de réadaptation bio-psycho-sociale : exercises doux et kiné, pacing, gestion du stress (par la méditation pleine conscience et du sommeil), gestion des limites. Les médicaments actuels sont décevants.

Catherine Mathieu : De nombreux remèdes existent, chaque être est différent face aux troubles du sommeil et à chacun son propre remède. A ce jour la médecine propose des somnifères, des soporifiques... Mais en tant que sophrologue, je propose des outils naturels et complémentaires : la relaxation, la respiration calmante, la méditation, la visualisation créative, et la prise de conscience à vivre une pause de récupération au quotidien... N'oublions pas quelques règles d'hygiène de vie en évitant tout excès : alimentaire, alcool, tabac, hyperactivité, mauvais stress.

Quelles sont les personnes les plus vulnérables face à cette nouvelle maladie ?

Catherine Mathieu : Maladie ? Pas toujours ! Personnellement et suite à mes nombreuses expériences rencontrées en mon cabinet, les personnes les plus vulnérables seraient celles n'ayant pas appris à gérer leurs émotions. Nous sommes nés émotionnels et grâce à nos émotions nous développons notre existence... Comment les prendre en main et comment les placer à leur juste valeur ? Que viennent-elles nous raconter ? Nos émotions créent des désagréments et parfois entraînent grand nombre de symptômes ou certaines pathologies dont la fatigue chronique. 

Est-ce que dans certains cas elle pourrait être reconnue comme maladie professionnelle ?

Catherine Mathieu : La fatigue chronique dans certains cas éventuellement pourrait-être reconnue comme maladie professionnelle. Le burn-out actuellement semble causer grand débat à la chambre des députés. L'épuisement au travail déclenche parfois de nombreuses maladies suite à une constante exposition aux pressions, surcharges des missions, une ambiance collective malsaine, le harcèlement moral... Là encore la liste est longue. 

Les personnes souffrant de fatigue chronique peuvent-elles mener une vie normale ?

Catherine Mathieu : Ayant moi-même vécu un burn-out professionnel, je peux vous assurer de la grande difficulté à vivre une vie normale. De plus, je rencontre régulièrement des personnes souffrant de fatigue chronique. À les entendre elles racontent fort bien leurs multiples désagréments et les syndromes persistants si nuisibles au quotidien. Les maux se propagent et le corps/mental s'épuise au fil des jours. Par conséquent leur vie normale demeure évidemment très perturbée.

Etienne Masquelier : Certains patients peuvent retrouver un certain équilibre mais avec un mode de vie très différent qui doit être bien compris (et accepté !)  par l’entourage.

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