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Le FN à la peine avec les dérapages de ses candidats : le miroir brutal d’une certaine réalité française ?
©Reuters

Révélateur

Tweets antisémites ou homophobes, prises de positions anti-musulmanes, procès pour provocation à la haine raciale : à l'approche des élections départementales du mois de mars, le Front National doit se positionner sur ces candidats qui ne correspondent plus à la ligne du parti telle que voulue par Marine Le Pen.

Jean-Yves Camus

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l'Iris, Jean-Yves Camus est un spécialiste reconnu des questions liées aux nationalismes européens et de l'extrême-droite. Il est directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et senior fellow au Centre for the Analysis of the Radical Right (CARR)

Il a notamment co-publié Les droites extrêmes en Europe (2015, éditions du Seuil).

 

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Atlantico : Les prises de positions extrêmes, le niveau de langage parfois, les justifications engagées... Le FN n'a pas réussi à mener jusqu'au bout sa purge interne, au vu des déclarations de beaucoup de ses candidats aux départementales. Ces derniers sont-ils représentatifs de la mouvance FN telle que voudrait la porter Marine Le Pen ? Si non, de qui sont-ils les représentants ?

Jean-Yves Camus : La dizaine de  candidats qui se sont fait épingler par la presse ne constitue pas un nombre suffisamment important pour pouvoir les assimiler à l'ensemble du parti. On doit donc noter que le screening a évacué beaucoup de candidats en-dehors de la ligne du parti, mais inévitablement, certains sont passés au travers des mailles du filet.

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Ces candidats sont sociologiquement représentatifs de la mouvance frontiste mais idéologiquement, ils ne semblent pas avoir bien compris les consignes délivrées...

Pour bien comprendre, il faut revenir à la sociologie du militantisme : le Front National est un parti en phase ascensionnelle et qui augmente en continu le nombre de ses candidats aux différentes élections. Donc en termes d'opportunité de candidature, il offre une quantité de possibilité à des jeunes qui en sont à leur premier engagement en politique. Il est dans une phase émergente d'un parti relativement neuf et qui offre un éventail politique et idéologique plus vaste que celui des anciens partis bien charpentés.

Ils expriment des idées qui figurent dans le programme du FN, mais les expriment dans une langue qui n'est pas dans la ligne du parti. Or Marine Le Pen insiste sur l'attention particulière qui doit être accordée à la forme aussi bien qu'au fond. Mais les médias, réseaux sociaux qu'on utilise (Twitter, Facebook) favorisent un message brut, ramassé, radical qui marque les esprits.

Marine le Pen a intérêt à se séparer de tous ceux qui, dans des messages récents remontant aux mois derniers, sont sortis de la ligne politique du parti. Mais le FN ne vit que s'il transgresse les codes du politiquement correct, il est le parti qui doit avoir une longueur d'avance dans la transgression du politiquement correct, et c'est là que réside la difficulté de l'épuration du parti : refuser ceux qui transgressent trop. Il faut trouver l'équilibre entre transgression et consensus républicain.

Le FN a-t-il des difficultés à recruter des candidats ? Qui sont ceux qui osent se présenter sous la bannière FN ?

Le Front National a beaucoup progressé en matière de candidature par rapport aux élections précédentes. Même s'il n'a pas encore de représentants dans chaque canton, il a beaucoup ratrappé son retard. Historiquement parlant, des régions entières étaient presque vierges en matière de représentations frontistes, comme l'Auvergne, la Bretagne, les Dom-Tom. On parle de régions majoritairement rurales, peu peuplées et avec un fort vieillissement de la population. Ce sont toujours les régions où le FN a du mal à trouver des candidats, mais ils ont quand même beaucoup progressé. Un effort a été fait dans la mutation des cadres du parti, afin de trouver des gens plus motivés, plus présents sur le terrain, issus de territoire ou aptes à s'y implanter. En 2009-2010, Louis Aliot a fourni un grand effort pour trouver ces nouveaux cadres qui ont donné une nouvelle dynamique à la représentation du FN même dans des régions historiquement sous représentées.

Si l'on se base sur les candidats qui se sont présentés au dernier comité central, on observe un rajeunissement des candidats, une plus grande représentation des classes populaires (ouvriers, employés, éducation inferieure à bac+3) et une féminisation sensible. On remarque aussi qu'on se déclare beaucoup plus facilement électeur frontiste qu'auparavant. Le défi du Front National aujourd'hui n'est plus de trouver des représentants, mais de former ses candidats. En effet, pour beaucoup, il s'agit de primo-candidats qui n'ont pas de formation politique et qui ont saisi une opportunité. Il s'agit de pouvoir les former, c'est pourquoi des sessions sont prévues par le parti.

D'un point de vue stratégique, ces candidats sont-ils plus proches de l'électorat que de la ligne du parti?

Non. Les électeurs votent beaucoup sur le nom Front National, c'est réellement le parti qui est prescripteur de vote. Donc le parti a intérêt à désinvestir les tenants d'un discours violent et en-dehors de sa ligne officielle. C'est la communication entreprise par Marine Le Pen et tout son travail de dédiabolisation du parti qui permet d'asseoir sa base électorale, et la stratégie du parti s'nscrit dans une position ferme contre l'extrémisme qui s'exprime. Aujourd'hui la frange extrémiste du parti, plus à droite que le Front National, est très marginale et nuit à l'image du parti. Les candidats qui utilisent donc des messages violents ne sont pas dans une logique de récupération d'électorat, au contraire.

Que peuvent nous apprendre ces candidats sur ce que pensent les Français ? Mettent-ils en mots des frustrations qui montent au sein de l'opinion et qui ne trouvent pas d'échos ailleurs ?

Les candidats dont il est fait question émettent des opinions minoritaires au sein de la population et du parti. Ils instrumentalisent des questions qui sont très prégnantes dans l'opinion publique : question de l'islam, de l'identité nationale ; mais peu de gens sont d'accord avec l'appel au meurtre des Juifs ! Seule une fraction infime des Français se reconnaît dans de tels messages, et ils ne représentent pas un électorat solide.

Pour autant, on entend des idées similaires à certains des messages ciblés, et pas que chez les frontistes, mais le langage utilisé est différent, et dans l'expression d'idée, la forme, le vocabulaire est important.On a des statistiques sur les préjugés homophobes, islamophobes très précis et on voit que ces préjugés diminuent dans la société. Si le FN l'a abandonné, c'est qu'il ne représente plus assez d'électeurs.

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