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Conseil National syrien : 
opposition hétéroclite qui veut faire chuter El Assad
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A l'épreuve du feu

La Chine et la Russie ont opposé mardi leur veto au projet des pays occidentaux au Conseil de sécurité de l'ONU, Washington et Paris sont «furieux». L’opposition syrienne, très hétéroclite, et récemment réunie au sein du Conseil National syrien, pourra-t-elle faire face sans trahir ses principes ?

Karim Emile  Bitar

Karim Emile Bitar

Karim Emile Bitar est énarque, géopolitologue et consultant.

ll est chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), et  directeur de la revue L’ENA.

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Depuis le coup d’État militaire du 8 mars 1963 qui a porté le parti Baas au pouvoir, et surtout, depuis l’arrivée à la tête de l’État du général Hafez El Assad en 1970, le régime syrien a systématiquement et méthodiquement veillé à ce que toute opposition, islamiste ou laïque, soit laminée, exilée, persécutée ou tuée dans l’œuf. Durant les cinq dernières décennies, rares sont les opposants qui n’ont pas effectué de longs séjours dans les cachots humides du régime. Qu’ils soient Frères musulmans ou chrétiens laïcistes, marxistes ou libéraux, nationalistes kurdes ou notabilités traditionnelles conservatrices, tous les opposants étaient logés à la même enseigne, même lorsque, comme l’économiste Aref Dalila, ils appartenaient à la communauté alaouite du président. 

Dans ces conditions, il était naturel que l’opposition tarde à trouver ses marques lors du déclenchement de la révolution populaire syrienne de 2011. L’opposition interne, comme celle de l’extérieur, est divisée en de très nombreuses tendances, toutes surveillées de près par les Moukhabarat (services de renseignement). Les lignes de fracture portent aussi bien sur la conception de l’État, sur le rôle de la religion dans l’espace public que sur les méthodes les plus appropriées pour faire tomber le régime.

En six mois, Bachar El Assad qui disposait au départ d’un soutien plus large que celui de Kadhafi, Moubarak ou Ben Ali, a réussi à retourner contre lui de larges franges de la population syrienne, horrifiées par le comportement des milices pro-gouvernementales (Shabbiha) et par l’indicible brutalité de la répression. Plus de 2 700 morts et plus de 15 000 personnes raflées. Quelques exactions, parmi tant d‘autres, ont choqué le pays, soudé les opposants et renforcé leur détermination à en finir avec ce régime : un adolescent de 13 ans, Hamza El Khatib, fut torturé à mort et émasculé, un chanteur populaire, Ibrahim Kachouche, auteur d’un hymne anti-Assad, fut lynché et jeté à la rivière après qu’on lui eut arraché les cordes vocales, un caricaturiste de grand talent, Ali Ferzat, fut tabassé et ses phalanges furent broyées…

Après plusieurs tentatives infructueuses, et suite à des interventions décisives, mais non dénuées d’arrière-pensées, de la Turquie et du Qatar, deux puissances désormais incontournables au Moyen-Orient, est né le Conseil National syrien, qui réunit un très large éventail des forces d’opposition et sera donc désormais pour tous un interlocuteur majeur et crédible. La création de ce conseil fut très favorablement accueillie sur le terrain, et le soutien arabe et international fut vite au rendez-vous.

La personnalité qui est à la tête de ce conseil est largement respectée. Professeur de sociologie politique à la Sorbonne, directeur du Centre d’études sur l’Orient contemporain, Burhan Ghalioun est un intellectuel laïc et indépendant, auteur de certains ouvrages et articles de référence sur la question de l’autoritarisme, de la transition démocratique et des rapports entre islam et politique à l’époque moderne. La porte-parole du nouveau Conseil National syrien est également une intellectuelle dynamique basée à Paris : il s’agit de Bassma Kodmani, qui dirige l’Arab Reform Initiative, une structure regroupant plusieurs think tanks arabes.

Burhan Ghalioun a depuis plusieurs mois défini trois règles d’or, qu’il estime nécessaires pour assurer le succès de la révolution syrienne et éviter une guerre civile : « Non au recours aux armes, non au confessionnalisme, non à une intervention militaire extérieure » Manquer à l’une de ces conditions, c’est aller au désastre. En Syrie, le souvenir du fiasco de l’invasion américaine de l’Irak, qui fut suivie d’une guerre civile intercommunautaire et de centaines de milliers de morts, est dans tous les esprits. Les minorités religieuses sont particulièrement angoissées.

Très vite, apparaîtra donc le premier test d’envergure pour ce Conseil très hétéroclite. Pourra-t-il fédérer toutes les oppositions tout en restant fidèle à ces trois règles ? D’ores et déjà, certains opposants, poussés à bout par le régime, sont tentés par un recours aux armes et par un scénario à la libyenne, qui serait hautement périlleux et imprévisible, compte tenu du pluralisme et de la position géostratégique de la Syrie. D’autres commencent à réclamer une zone d’exclusion aérienne, laquelle ne peut être mise en place sans un bombardement préalable des défenses anti-aériennes syriennes.

S’il a déjà le grand mérite d’exister, ce conseil sera donc très vite à l’épreuve. Il porte en lui les germes de tiraillements et de divisions, qui ne pourront qu’être aiguisés par l’irrédentisme du régime syrien et par le jeu des puissances régionales et internationales.

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