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Et si la Grèce faisait exploser l’Europe
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

La crise qui s’annonce en Grèce entretient l’inquiétude de la grande majorité des Européens qui voient un nouveau risque d’explosion de la zone euro. Certains considèrent que cette nouvelle difficulté serait plutôt salutaire et obligerait chacun à prendre ses responsabilités.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour beaucoup d’observateurs, l’arrivée possible au pouvoir du parti anti-austérité, Syriza, annonce des lendemains compliqués et douloureux pour tout le monde. Le leader de la gauche radicale, Alexis Tsipras, est la bête noire des européens, des banquiers et des investisseurs. Et pour cause, il considère que la Grèce devrait tourner le dos à tous les engagements qu’elle a déjà signé et changer de politique. Lequel changement passerait automatiquement par le non-paiement de la dette et la levée des mesures d’austérité.

Un programme très simple qui pourrait drainer une majorité de suffrages lors des prochaines législatives. C’est aussi un programme ultra démagogique et très contradictoire. Démagogique parce que tout le monde sait que le non-remboursement d’une dette coupe automatiquement tous les financements. Le contrat de confiance est rompu. Démagogique, parce qu'un gouvernement responsable ne peut pas lever l’essentiel des réformes qui ont été engagées dans le pays. A commencer par l’installation d’un système fiscale qui fonctionnait ou par une série de restructurations administratives ou des privatisations.

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Contradictoire parce que l'on ne peut pas s’assoir sur le règlement intérieur de la zone euro tout en disant vouloir rester membre du club. Le corps électoral est d’ailleurs assez paradoxal. Les sondages indiquent que les Grecs adhèrent au programme anti-austérité de parti de gauche, mais souhaitent rester dans la zone euro.

Ces perspectives compliquées créent un climat qui détériore le système économique. La bourse d’Athènes a paniqué hier et les bourses européennes ont éternué. Mais le FMI, plus sérieux, a annoncé qu'il suspendait le versement de l’aide à la Grèce jusqu’aux élections législatives.

Dès aujourd’hui, les experts de la troïka ont fait savoir au gouvernement grec et à l’opinion publique qu'il faudrait renégocier toutes les aides après les élections, peu importe le gouvernement. Sous-entendu, soit la Grèce poursuit son plan de réformes et la zone euro l’aidera avec le soutien du FMI, soit la Grèce abandonne ses obligations et la zone euro abandonnera la partie. Les ministres français et allemands n’osent pas croire que les Grecs puissent aller jusqu’à cette extrémité.

Les conséquences seraient graves, mais cela pourrait servir de leçon et engager un processus de réforme du fonctionnement de la zone euro. Deux scenarios sont possibles.

Premier scenario, les Grecs optent pour une majorité radicale avec un gouvernement qui s’assoit sur ses obligations. La Grèce a déjà coûté plus de 150 milliards d’euros depuis 4 ans. Si la Grèce fait à nouveau défaut, ce sont les banques qui, une fois de plus, devront ravaler leurs créances. Toutes les banques françaises et allemandes se retrouveront piégées, mais dans des proportions supportables. Il n’y a pas de risques systémiques.

La Grèce devra alors réveiller son ancienne monnaie. Cela se traduira par une dévaluation de 40% minimum. D’où un léger coup de fouet à l’économie grecque au niveau de ses exportations. Mais comme la Grèce ne vend que des chambres d’hôtels en bord de mer l’été, l’avantage n’ira pas loin. En revanche, la Grèce importe massivement des céréales, de l’énergie et 100 % des produits d’équipement. Autant dire que ces importations vont l’étrangler. Au bout de six mois, la Grèce est à genoux et les Grecs seront ruinés.

Ces derniers regretteront rapidement l’austérité européenne quand ils devront accepter l’aide « unique » du FMI. Laquelle instance ne manquera pas d’être rappelée au chevet d’Athènes comme banquier en dernier ressort. L’impact économique et social combinée au déséquilibre géopolitique peut avoir des conséquences incontrôlables pour toute la région.

Second scénario, le gouvernement issue de la nouvelle majorité engage une nouvelle négociation avec la troïka et trouve un compromis acceptable par tous. Le but, éviter le défaut de crédit et l’expulsion de la zone euro. Dans ce cas-là, tout le monde espère que cette nouvelle crise servira de leçon. La nécessité absolue sera de construire une nouvelle gouvernance de la zone euro. Évidemment plus fédérale, peut-être avec deux zones euros.

Un premier noyau dur de pays solides et solidaires et une seconde région de pays plus jeunes avec des obligations moins rigides et, par conséquent, des avantages et des droits moins généreux. Dans cette nouvelle organisation, les mésaventures de la Grèce prouveront au moins que l’on peut difficilement aller à l’encontre des marchés. Il faut être très riche et très fort pour défier ses banquiers, surtout quand on en a besoin.

La Grèce offre une leçon spectaculaire à tous les autres pays membres. La solidarité n’est rien d’autre que la mutualisation des difficultés. Cela ne peut marcher que si les pays membres de la zone euro respectent les règles du jeu qu’ils ont eux-mêmes paraphées. Cela ne peut marcher à l’avenir que si, et seulement si, les pays membres se convertissent au fédéralisme. La crise de la Grèce va peut-être, cette fois-ci, obliger les pays membres à inventer une autre Europe. 

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