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Qu'est-ce qu'une famille ? La procréation, un fait et non un droit
©Reuters

Bonnes feuilles

Qu’est-ce qu’une famille ? Autrefois, la réponse allait tellement d’elle-même que la question ne se posait pas. Aujourd’hui, avec la réalité du «mariage pour tous », la popularisation des théories du genre, la relativisaiton de modèles, la figure de la famille est bouleversée. Extrait de "Qu’est-ce qu’une famille ?", de Fabrice Hadjadj, aux éditions Salvator (1/2).

Fabrice  Hadjadj

Fabrice Hadjadj

Essayiste et dramaturge, Fabrice Hadjadj dirige Philanthropos (Institut européen d’études anthropologiques à Fribourg en Suisse). Il collabore aussi au Figaro littéraire et à Art press, ainsi qu’à Panorama et à Prier.

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Disons-le simplement : aucun calcul ne peut avoir pour résultat une naissance. Personne ne peut se dire honnêtement : « Ça y est, je suis prêt, je suis assez mûr, assez compétent pour avoir un enfant, je sais parfaitement comme il faut s’y prendre pour en faire un homme accompli, j’ai le droit souverain de le faire venir au monde et d’être son maître. » Comment donc pourrions-nous avoir le droit d’avoir et d’élever un enfant, quand nous sommes nous-mêmes si bas, quand nous n’entravons que pouic au mystère de la vie ?

Il ne s’agit donc pas d’un droit, mais d’un fait. L’enfant advient selon un don de la nature, et de ce don nous ne sommes jamais vraiment dignes. Il est le surcroît de l’amour sexué, et non le résultat d’une visée directe. Car aucune assurance humaine, technique ou morale, ne peut être légitimement à l’origine de sa venue. Si sa présence relevait de notre compétence, alors nous le dominerions absolument, il serait un rouage dans un dispositif, une étape dans un développement, et non l’événement de la vie qui commence et toujours nous dépasse. Lorsqu’un enfant lance à ses parents : « Je n’ai pas choisi de naître », les parents peuvent toujours lui retourner la politesse : « Nous non plus, nous n’avons pas choisi, cela nous a été donné, et nous essayons de changer notre surprise en gratitude. »

Nul n’est habilité à avoir un enfant. Nos habilitations nous pousseraient plutôt à ne pas en avoir, nous inciteraient même à cette précaution, pour nous épargner un drame inévitable. Mais il y a l’union des sexes. Il y a cette générosité qui nous traverse (et l’on peut dire qu’elle nous traverse, car lors de l’union des sexes on ne se focalise pas là-dessus), cette générosité qui ouvre dans la mer de ce monde et à travers le ventre de la femme le passage des générations.

Ce passage des générations ou cette succession des âges – qui est le soubassement de l’histoire – possède cette caractéristique de n’être pas un contrat ni une transaction. Elle réalise un don sans réciprocité. Ce que les parents, traversés par la vie, donnent à l’enfant, l’enfant ne saurait le leur donner en retour. Il n’a pas à leur rembourser ses couches, ses crèmes contre l’érythème fessier, ses girafes Sophie, ses petits pots, ses sacs de billes, ses inscriptions à l’école, etc. Il n’a rien à leur rendre, fors l’honneur. Car, à proprement parler, il n’a pas de dette à leur égard – puisqu’il n’a pas contracté avec eux le fait de naître. S’il leur doit quelque chose, c’est surtout d’entrer à son tour dans cette générosité avec un autre petit ingrat, et de reconnaître que, vaille que vaille et qu’on le veuille ou non, le temps est un à-venir excédant nos prospectives (fussent-elles révolutionnaires), que le don est antérieur à l’échange et le rend possible, que la logistique marchande est secondaire et dérivée par rapport à la logique de l’offrande – mais d’une offrande, je le précise encore, qui n’est pas volontaire ou morale – d’une offrande qui nous est arrachée avec notre semence, et qu’il ne s’agit que par la suite d’assumer personnellement. (Il ne saurait en aller ainsi avec le petit prodige que fabriquera la technoscience : avec lui, on sera en droit d’exiger, comme avec tout produit, un retour sur investissement).

 Extrait de "Qu’est-ce qu’une famille ?", de Fabrice Hadjadj, aux éditions Salvator, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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