L’un des commandants militaires de l’Etat islamique révèle dans une interview détonante au Guardian comment le Califat a été créé sous le nez des Américains dans une prison irakienne <!-- --> | Atlantico.fr
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Abou Bakr al-Baghdadi, émir auto-proclamé de l'Etat Islamique
Abou Bakr al-Baghdadi, émir auto-proclamé de l'Etat Islamique
©Reuters

Ecole du crime

Un des leaders du groupe terroriste a longuement raconté au journal l'émergence du groupe terroriste et de son chef charismatique.

Toute l'histoire de l'Etat islamique a commencé à l'extrême sud-est de l'Irak, à quelques encablures du Golfe Persique. En 2003, les Etats-Unis viennent d'envahir le pays en lançant leurs troupes depuis le Koweït. Non loin, ils installent le Camp Bucca, une gigantesque prison qui accueillera rapidement près de 25.000 prisonniers. Si les prisons sont régulièrement décrites comme l'école du crime, celle de Bucca va réunir les plus grands terroristes d'Irak et notamment Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l'Etat islamique et autoproclamé calife.

L'histoire est racontée par un de ses proches, Abu Ahmed, devenu un des "haut-fonctionnaires" du groupe terroriste. Après deux ans de tractations, il accepte de raconter au Guardian la naissance de l'Etat islamique au camp Bucca et l'émergence de son chef.

En 2004, la guerre fait rage en Irak. Saddam Hussein a été renversé et les sunnites commencent la lutte contre l'occupant. Abou Bakr al-Baghdadi, un jeune doctorant en islam, décide de créer sa propre milice. Il est rapidement arrêté par les GI et termine donc à Bucca. C'est là aussi que se retrouve Abu Ahmed. Ce dernier craignait la prison, particulièrement celle des américains mais les djihadistes vont réaliser l'intérêt que représente cette vaste cage. " On ne pouvait pas se voir ensemble à Bagdad ou n'importe où ailleurs," raconte Abu Ahmed. "Ça aurait été dangereux. Ici, nous étions en sécurité et à quelques centaines de mètres des ténors d'Al-Qaida." C'est donc en prison qu'il va rencontrer celui qui sera son mentor. "Baghdadi était une personne calme," raconte-t-il. "Il était charismatique. On sentait qu'il était quelqu'un d'important."



Mais à l'époque, tous les yeux sont braqués sur Abou Moussab Al-Zarqaoui, le chef d'Al-Qaida en Irak. Baghdadi n'est pas encore connu mais il va rapidement devenir une personnalité de la prison, respectée par les détenus mais aussi par ses geôliers. "Avec le temps, à chaque fois il y avait un problème dans le camp, il était là," explique Abu Ahmed. Il devient incontournable et le camp devient rapidement un centre d'endoctrinement qu'il dirige dans l'ombre. "Bucca était une usine. Il nous a tous fait. Il construit notre idéologie," poursuit son lieutenant.

Après quelques mois d'emprisonnement, Baghdadi, prisonnier modèle, est relâché. Abu Ahmed suivra peu de temps après. Tous les apprentis djihadistes de Bucca ont inscrit les coordonnés de  leurs codétenus sur l'élastique de leurs caleçons. A leur sortie, ils n'ont plus qu'à se contacter et se retrouvent alors sous la direction du charismatique Abu Omar, un djihadiste qui regroupe plusieurs milices (dont celle de Baghdadi) au sein d'un nouveau groupe, l'Etat islamique d'Irak. Rapidement, Baghdadi grimpe les échelons jusqu'à devenir indispensable au chef. Il devient notamment un messager de confiance pour Oussama Ben Laden. Abu Omar meurt en 2010 lors d'un raid aérien, quatre ans après Al-Zarqaoui. Le successeur est tout trouvé : Abou Bakr al-Baghdadi. "L'école Bucca" va alors remplir les rangs de l'Etat islamique et la violence va être décuplée sous la coupe du nouveau chef. "Abou Omar a été impitoyable mais Abu Bakr est le plus sanguinaire de tous" explique le confident du Guardian.


Abu Omar, mentor d'Abou Bakr al-Baghdadi

La carrière Abou Bakr al-Baghdadi va être alors prendre un essor considérable. Les atrocités se multiplient et l'Etat islamique d'Irak va rapidement faire de l'ombre à Al-Qaïda dans toute la région. "Lorsque la guerre civile a éclaté en Syrie, ce n'était pas compliqué de transférer toute notre expertise vers une nouvelle zone de combat,"  affirme Abu Ahmed. En 2013, le groupe devient officiellement l'État islamique en Irak et au Levant. En juillet 2014, Baghdadi se proclame émir. "Je l'ai sous-estimé" admet son lieutenant. "Et les Etats-Unis l'ont sous-estimé en faisant de lui ce qu'il est devenu."

Aujourd'hui, Abu Ahmed ne se reconnait plus dans la guerre actuelle, loin de l'esprit de révolte contre l'occupant qui avait marqué les prisonniers de Bucca. "Ce ne est pas que je ne crois pas au Jihad," explique-t-il. "Je fais. Mais quelles sont mes options ? Si je pars, je suis mort."

Lu sur The Guardian

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