Qui sont les immigrés les plus victimes de discrimination à l’embauche ? Le classement pays par pays selon l’OCDE <!-- --> | Atlantico.fr
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Certains immigrés sont plus discriminés que d'autres à l'embauche.
Certains immigrés sont plus discriminés que d'autres à l'embauche.
©Reuters

Injuste sélection

Dans son rapport "Perspectives des migrations internationales 2014" publié lundi 1er décembre, l'OCDE aborde le fait migratoire sous tous ses aspects, y compris celui de la discrimination à l'embauche.

Atlantico : Dans son rapport "Perspectives des migrations internationales 2014" (voir ici), l'OCDE a réalisé une "cartographie" mondiale des discriminations à l'embauche : à CV équivalent, les immigrés et leurs descendants doivent envoyer deux fois plus de candidatures que les autres candidats avant d'être convoqués à un entretien d'embauche. En France ce sont les noms à consonance provenant d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne qui occupent le haut du tableau, sans que l'on sache pour les autres origines. Cela entre-t-il en cohérence avec les chiffres de l'immigration en France ?

Laurent Chalard : Tout dépend ce que l’on met derrière le terme "immigration". En effet, tout n’est une question de définition. Si l’on s’en tient uniquement à la définition stricto sensu d’un immigré, c’est-à-dire une personne originaire d’un autre pays que la France, la réponse est négative puisque les personnes originaires d’Europe méridionale demeurent les plus représentées en France. Par contre, si l’on utilise la définition des "minorités visibles", entendus comme des personnes dont la couleur de peau ou les pratiques culturelles les rendent visibles dans l’espace public, la cohérence est certaine puisque les maghrébins et les noirs africains sont effectivement les deux principales minorités visibles en France. En conséquence, cette étude semble montrer clairement une discrimination vis-à-vis de ces populations.

En Espagne et en Belgique ce sont les Marocains qui sont les premiers discrimnés de la sorte, en Allemagne, les Turcs, au Royaume-Uni, à peu près toutes les minorités visibles… Cela semble accréditer le fait que parce qu'elles sont les plus nombreuses dans leurs pays d'accueils respectifs, ces populations sont discriminées. Quelles sont les limites de ce genre de données ? Quel intérêt présentent-elles ?

Pour les pays cités, comme en France, ce sont les minorités visibles les plus importantes qui apparaissent les plus discriminées, à l’exception notable du Royaume-Uni, où les immigrants d’Europe de l’Est (dont les polonais) ne semblent pas bénéficier de leur apparence physique qui leur permet généralement de se fondre plus facilement dans la population, témoignant d’un nationalisme anglais beaucoup plus exclusif que celui français par exemple.

Ce n’est pas une question de nombre, c’est surtout une question de représentation. En effet, l’immigration maghrébine en Espagne est relativement faible par rapport aux autres pays d’Europe, et le flux a été bien moindre que pour les latino-américains ou les européens de l’est (dont les Roumains) dans la décennie 2000. Dans la plupart des pays européens, les populations de culture arabo-musulmane sont mal perçues pour des raisons historiques et apparaissent consécutivement plus systématiquement discriminées.

Ces données ont un intérêt puisqu’elles permettent de cibler les populations les plus désavantagées et incitent donc les autorités publiques à remédier à ces situations à travers des politiques spécifiques destinées à ces populations pour leur permettre une meilleure insertion sur le marché du travail, ce qui passe par l’instauration du CV anonyme, seul moyen juste utilisable.

Note : * Significativement différent de 1.0. Le taux relatif de réponses positives est le rapport entre le nombre de candidatures qu'une personne du groupe considéré doit envoyer pour obtenir un entretien et celui que doit envoyer une personne sans "origine immigrée".

Source : Pour une liste complète des sources, voir Heath, Liebig et Simon (2013), sauf pour l'Autriche : Hofer et al. (2013) ; pour la Finlande : Larja et al. (2012) ; pour l'Allemagne : SVR (2014).

Toujours selon l'OCDE, la France a accueilli 258 900 nouveaux migrants en 2012. Ressortissants de l'UE et Suisses mis à part, cela porte le nombre à 163 000. L'Insee chiffre les entrées à 230 000. Comment s'y retrouver entre tous ces chiffres ? Qui a raison ?

Il n’est pas surprenant de constater des différences de chiffres selon les sources, pour la bonne raison que les méthodes de calculs ne sont en général pas les mêmes, l’OCDE devant inclure des populations qui ne le sont pas dans les données de l’Insee et/ou estimant de manière plus élevée l’immigration provenant du reste de l’Europe, mal prise en compte par les données de l’Insee. Il est impossible sans étude plus détaillée de dire qui a raison. De toute façon, il faut garder en tête qu’étant donné le flou statistique existant (l’immigration clandestine n’est par définition pas prise en compte), ce ne sont que des ordres de grandeur. Finalement, l’écart entre les deux sources (de 30 000 personnes) est inférieur à la marge d’erreur (beaucoup plus importante), elles ne se contredisent pas vraiment.

D'après cette étude, la France accueille relativement peu d'immigrés sur son sol : proportionnellement, le flux représente 0,4% de la population, soit quatre fois moins qu'en Suisse, et trois fois moins qu'en Norvège ou au Pays-Bas. La comparaison avec ces pays est-elle pertinente ? Pourquoi ?

Le chiffre "relativement peu" est exagéré, puisqu’il est supérieur aux Etats-Unis pour la même année, grand pays d’immigration. En fait, la comparaison avec des pays peu peuplés et/ou à la faible superficie tels que ceux que vous avez cité n’a pas de sens, puisque mécaniquement plus le pays est faiblement peuplé, plus les pourcentages d’entrées d’immigrés sont importants car ces données incluent une immigration des pays voisins, qui serait considérée comme régionale dans un pays de taille plus importante (par exemple, pour la Suisse, les chiffres comprennent des français qui migrent à Genève ou Lausanne, des allemands à Bâle ou Zurich, ou des italiens à Lugano). Il faut comparer avec des pays de taille et de population équivalente, c’est-à-dire le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie ou encore l’Espagne, pour avoir une idée réelle de l’ampleur des flux par rapport à nos voisins.

Les chiffres de l'OCDE sont comparables avec ceux du Royaume-Uni (286 000) ou de l'Italie (258 000), en revanche l'Allemagne est loin devant, avec 400 000 migrants. Comment expliquer un tel décalage ? Cela signifie-t-il pour autant que l'Allemagne croule sous les arrivées, et pas la France ?

Les chiffres de l’immigration varient d’une année sur l’autre, donc il faut faire attention à ne pas faire d’interprétations erronées. Concernant l’année 2012, la reprise économique ayant été plus vive en Allemagne que dans les autres pays de taille comparable, il apparaît logique que les flux soient plus importants, dans un contexte de faible chômage et de besoin de main d’œuvre, étant donné la dénatalité allemande. Rappelons que l’Allemagne a besoin d’immigrants pour son économie, ce qui est beaucoup moins le cas de la France ou du Royaume-Uni, dont les taux de natalité sont sensiblement plus élevés. Autre élément à prendre en compte, l’origine des immigrants. L’Allemagne a reçu et continue de recevoir beaucoup de migrants d’Europe de l’Est, dont l’intégration pose moins de problèmes pour des raisons de plus grande proximité culturelle, que pour les minorités visibles qui arrivent en France et au Royaume-Uni.

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