Hollande obsédé par Sarkozy (et pourquoi il a tort de se réjouir de son retour)<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande est obsédé par Nicolas Sarkozy.
François Hollande est obsédé par Nicolas Sarkozy.
©Reuters

Fixation

A l'occasion de son voyage à Dakar, François Hollande a multiplié les petites piques contre son ancien adversaire de 2012 en se gardant bien de le nommer. En réalité, le président de la République est soulagé à l'idée d'affronter Nicolas Sarkozy en 2017, car il se dit qu'une fois encore le caractère clivant de Nicolas Sarkozy pourrait lui profiter.

Bruno Dive

Bruno Dive

Bruno Dive est journaliste politique et éditorialiste à Sud Ouest, spécialiste de la droite française et auteur de plusieurs livres politiques dont "La métamorphose de Nicolas Sarkozy" (Jacob-Duvernet) en 2012 et "Au coeur du pouvoir : l'exécutif face aux attentats" (Plon) en 2016. Il a également écrit Alain Juppé, l'homme qui revient de loin (l'Archipel).

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Alors que les résultats des élections à l'UMP ne sont pas encore officiels, le président de la République exulte et ne peut s'empêcher à Dakar de s'adresser à Nicolas Sarkozy via une réponse adressée à une journaliste : "L'Afrique est non seulement dans l'histoire, mais l'Afrique est aussi une partie de notre avenir", comme pique en écho aux propos passés de Nicolas Sarkozy au Sénégal en juillet 2007, "Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire."

Il ne s'est toutefois pas arrêté là... Plus tard, à la résidence de France, il précise : "C'est toujours un moment délicat pour une personnalité de quitter la vie publique. Il y en a qui ne se résignent jamais", ajoutant d'un air faussement navré "Vous n'allez retenir que cela..."

Lors de sa prise de fonction, le registre était semblable, ainsi tonnait-il déjà en octobre 2012 à Dakar "Je considère les Africains comme des partenaires et des amis." A cela, il pourrait être rappelé ses dernières sorties lors de l'émission de "Face aux Français" sur TF1 "J'entends que je mange des frites ? Mais où en est-on réduit ?", a-t-il lancé, faisant référence à une remarque de Nicolas Sarkozy dans le livre Ça reste entre nous, hein ?

Atlantico : Ces nombreuses sorties - si drôles soient elles - confirment-elles l'obsession supposée de François Hollande pour Nicolas Sarkozy ?

Bruno Dive : C'est une obsession assez réciproque et assumée. L'un est animé d'un désir de revanche, l'autre (François Hollande) a un adversaire favori : Nicolas Sarkozy.

Pourquoi cette obsession du côté du Président ? Simplement parce qu'il a déjà battu Nicolas Sarkozy et que c'est assez rassurant, notamment dans la situation qui est la sienne (des sondages catastrophiques), mais aussi parce que cet adversaire est le meilleur unificateur possible de la gauche.

Récession, entreprises mécontentes, chômage, paupérisation, échec scolaire... Etait-ce la priorité ? Le Président, alors même qu'il se trouvait en territoire étranger, était-il dans son rôle ?

Bruno Dive : Si quelque chose peut lui être reproché, c'est de parler de politique intérieure à l'étranger. Jacques Chirac se refusait d'ailleurs à le faire. Et comme tout le monde le sait, c'est le modèle de François Hollande. Il n'est pas tout à fait innocent, puisqu'il savait qu'on ne retiendrait que cela.

L'autre aspect, c'est qu'il y avait une certaine gravité de situation lors de ce déplacement : avant il était en Guinée pour parler du virus Ebola, le message a donc été quelque peu brouillé.

Il n'en reste pas moins qu'il est soumis à des attaques en règle et permanentes de la part de Nicolas Sarkozy ; rien de choquant ou d'illogique à ce qu'il y réponde. Le faire sur le ton de l'humour, sans nommer son adversaire, avec une distance et un recul propre à celui d'un Président est plutôt une bonne chose. Mais il ne faudrait pas qu'il le fasse trop souvent, sans quoi son obsession sera visible.

Jean Petaux : Les prédécesseurs de l’actuel président n’ont pas non plus eu pour habitude de ne pas réagir aux attaques dont ils étaient l’objet.

Nicolas Sarkozy n’a pas été le dernier à renvoyer sèchement à la figure de leurs auteurs les critiques qui lui étaient adressées. C’est effectivement de bonne guerre, et plutôt logique. En 1979, confronté à l’affaire dite "des diamants de Bokassa", Valéry Giscard d’Estaing alors président de la République, s’était muré dans un silence que d’aucuns qualifièrent de hautain et eût recours à une formule assez malheureuse dans laquelle il signifiait son mépris absolu pour ce genre d’attaque… Résultat (comme il le reconnut lui-même dans ses "Mémoires") ces attaques, sans réponses, eurent un effet ravageur sur son image.

François Mitterrand était littéralement obsédé par Michel Rocard. Il voyait sa patte partout dans la plupart des attaques dont il était l’objet et l’a même nommé à Matignon, en 1988, uniquement pour "lever l’hypothèque Rocard" (ce qui n’était pas vraiment honorable…). Jacques Chirac n’a pas cessé de vouloir se payer Nicolas Sarkozy de 1995 à 2007… On a eu droit après la défaite de Balladur en 1995, de la part de Jacques Chirac à destination de Nicolas Sarkozy,  au très fameux : "Il faut lui marcher dessus, et en plus du pied gauche, ça porte bonheur"  (ce qui manquait d’une certaine finesse, il faut bien l’avouer…) jusqu’au très présidentiel : "Je décide, il exécute" neuf ans plus tard … Quant à Nicolas Sarkozy, dont on ne compte plus les vacheries à l’égard de la terre entière (cf : N. Schuck et F. Gerschel, "Ca reste entre nous hein ?" octobre 2014), on retiendra seulement le fameux "collaborateur" à destination d’un François Fillon, Premier ministre, qui ne semble toujours pas avoir digéré la formule…

Il est manifeste que les acteurs politiques se déterminent depuis très longtemps en miroir de leur adversaire préféré. D’une certaine manière ils se construisent aussi dans l’opposition, par différence en somme. Tels des judokas, ils tirent leur force (ou croient la tirer… c’est plus ennuyeux) de la force de leur opposant. C’est là une configuration qui touche d’ailleurs aussi bien les individus que les groupes sociaux, les communautés humaines ou religieuses et même tout autant les Etats. René Girard a écrit là-dessus des pages définitivement lumineuses où il évoque la figure du "désir mimétique" à l’origine de la violence la plus primaire. On a ainsi l’impression que la seule obsession qui occupe l’esprit des uns et des autres et qui accapare la vision des ensembles humains et sociétaux est l’obsession de l’autre. Que fait-il ? Que dit-il de moi ? Que vais-je lui répondre ? Accentué par le prurit et le culte des petites phrases, ce phénomène fini par lasser, même les plus patients. Mais, par ailleurs, si le silence répond aux attaques permanentes du camp d’en face, que vont penser les soutiens ? Que vont penser les commentateurs ? Que si la cible des critiques ne répond pas c’est qu’elle manque de courage ou de pugnacité. Compliqué de trouver le juste ton, non ?

A défaut d'être la réaction d'un Président, est-celle d'un "Président normal" ?

Jean Petaux : D’un Président "banal" sans doute. Même s’il n’est pas le premier à réagir ainsi, il me semble que cela passe encore moins bien dans l’opinion pour François Hollande. Peut-être faut-il y voir un des dommages collatéraux d’une impopularité record ? Comme si toute la parole du Président était désormais totalement "démonétisée".

Comme si, quoi qu’il dise, il n’était plus guère légitime à le dire. Y compris en répondant à des critiques ou en en formulant lui-même. Il faut y voir, je pense, la preuve d’un désamour profond et conjoncturellement très fort entre la grande majorité des Français et lui. Il n’est pas envisageable, à la fin de l’année 2014, de dire si cet état de "banalisation" va se perpétuer dans le temps jusqu’en 2017.

Mais il est à tout le moins concevable de considérer que François Hollande ne peut plus imaginer que ses flèches et ses piques fassent durablement mal à leurs destinataires. Tout simplement parce que, comme pour sa manière de gouverner, les faits et les circonstances les ont considérablement émoussées.

Bruno Dive : Oui, d'une certaine manière... Quelqu'un qui a moins de hauteur, de recul et de majesté par rapport à une situation donnée, qui plonge plus volontiers dans le combat politique quotidien. Quand il parlait du Président normal, il se référait plutôt aux comportements quotidiens, au refus de l'ostentation, de l'argent. Et cela visait autant Dominique Strauss-Kahn que Nicolas Sarkozy.

Suppression des peines planchers, suppression d'Hadopi et transfert de ses compétences (allégées) au CSA, défiscalisation des heures supplémentaires, question des cotisations sociales, de la TVA sociale, des retraites... Cette tendance au détricotage et retricotage autour des mesures de Nicolas Sarkozy témoigne-t-elle aussi de cette obsession ? Sont-ce là de l'énergie et du temps de perdu qui auraient dû être consacrés à l'établissement d'un véritable projet politique propre ?

Jean Petaux : Le PS et François Hollande ne sont pas arrivés au pouvoir, en 2012, avec un projet solide et cohérent. En 1981 lorsque François Mitterrand emporte l’Elysée, les cartons sont pleins de projets de loi. Lorsque les notables provinciaux du PS viennent voir Gaston Defferre pour remettre en cause les lois de décentralisation qui se profilent, en 1982-1983, ils se font sèchement renvoyer dans "leurs 22" par le maire de Marseille, ministre d’Etat dans le gouvernement Mauroy, qui leur dit avec son accent et sa voix incomparables : "Vous aviez 23 ans pour réfléchir dans l’opposition, maintenant c’est trop tard : on gouverne".

En 1997, même si la "Gauche plurielle" emmenée par Lionel Jospin entrant à Matignon n’est pas de la toute première fraicheur, là encore les projets sont près :  35 heures, privatisations, préparation de l’entrée dans la zone euro, PACS, etc. Cette fois-ci, depuis 2012, il est clair que l’impression qui domine est celle d’une incapacité à entrer dans le dur des réformes et surtout d’aller vite. Alain Lamassoure, dans une conférence à Sciences Po Bordeaux, la semaine dernière (Journées EUROTEMIS, consacrées à la "Compétitivité en Europe") a raconté la dernière histoire qui circule semble-t-il dans les couloirs du Parlement Européen :"Il faudrait que les Français passent une heure de plus par jour au travail… Et les Allemands une heure de plus au lit". Et Lamassoure d’ajouter : "Pas certain d’ailleurs que les Allemands sauraient quoi y faire de plus d’ailleurs que ce qu’ils n’y font en ce moment…". Toujours est-il qu’on est en droit de se demander aussi si le gouvernement français actuel saurait quoi faire de plus s’il travaillait une heure de plus à son projet que ce qu’il n’y fait actuellement…

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Bruno Dive : Ces mesures avaient été annoncées pendant la présidentielle, ce sont des promesses tenues qui s'inscrivaient dans une démarche de rupture avec Nicolas Sarkozy. C'est indiscutable. Ce sont des mesures prises en réaction à la politique de l'ancien Président, et François Hollande doit regretter d'en avoir abrogé certaines. Par exemple, la TVA sociale qu'il a restaurée d'une autre manière, sans la nommer : augmentation des taux de TVA tout en diminuant les charges sociales pour les entreprises.

Nicolas Sarkozy l'avait fait voter à la toute fin de son mandat, alors qu'il avait promis tout au long de son mandat de ne pas la faire adopter. On peut déceler en cela un défi lancé aux socialistes et à François Hollande. L'exonération de charges sociales coûte cher au budget, c'est une volonté de rupture qui a un prix. Aujourd'hui, peut-être ne prendrait-il pas toutes ces mesures-là.

Aujourd'hui, on notera toutefois un comportement similaire chez Nicolas Sarkozy qui promet l'abrogation de la carte des régions, de la loi Taubira, la loi sur le cumul des mandats, etc.

C'est donc un vrai problème pour la France, au-delà du débat droite- gauche, l'alternance crée une trop forte instabilité politique, avec les conséquences qu'on vient de citer aussi bien en matière sociale que la gestion des territoires, en passant par la politique fiscale.

Cela a toujours plus ou moins été le cas. Autrefois le débat était plus vif, du temps de François Mitterrand, de Valéry Giscard d'Estaing, les abrogations avaient lieu à tour de bras ! Mais les alternances étaient moins nombreuses et fréquentes. Le calendrier s'est aujourd'hui accéléré, tout va plus vite. Il serait temps que droite et gauche s'entendent dans une certaine continuité. Jacques Chirac ne l'a pas fait lors de son deuxième mandat, Alain Juppé pourrait le tenter. Ce sera plus difficile pour Nicolas Sarkozy.

Sur quels autres points, peut-être plus personnels, François Hollande s'est-il positionné par rapport Nicolas Sarkozy ?

Jean Petaux : En souriant on pourrait répondre, pour "coller" à l’actualité la plus récente : sur la mutation du personnel de ses appartements privés (ce qu’il aurait été inspiré de faire dès le premier jour de son arrivée à l’Elysée au demeurant).

Plus sérieusement il a clairement voulu montrer qu’il était plus calme que son prédécesseur (ce n’était sans doute pas le challenge le plus difficile d’ailleurs). Il a aussi pris un certain plaisir à aller au contact des Français quand Nicolas Sarkozy a toujours eu le souci de se protéger des cris et des contestations… Et quand il n’y est pas parvenu cela a donné lieu à quelques séquences chocs inscrites désormais au palmarès du "métier politique contemporain"  entre la célèbre scène dite du "pêcheur du Guilvinec : "Allez descends … viens l’dire ici !... descends !" et l’autre grand morceau d’anthologie qu’a été le moment fondateur du Salon de l’Agriculture : "Alors casse-toi pauv’ c…". On n’a pas encore ni vu ni entendu François Hollande faire ça. Et pour le coup ce serait sans doute une vraie surprise.

Troisième et dernier exemple de positionnement inversé par rapport à Nicolas Sarkozy : le rapport aux journalistes. François Hollande adore les journalistes, il les connaît très bien et se sait sans doute aimé par eux (à l’exception d’une désormais…). Nicolas Sarkozy a été longtemps leur préféré et leur chouchou (jusqu’en 2007-2008). Aujourd’hui les relations qu’il entretient avec la majorité d’entre eux sont mauvaises et suspicieuses. Nul doute que François Hollande va chercher, le plus longtemps possible, à se différencier de son plus fidèle adversaire politique en traitant galamment les journalistes, ne serait-ce que pour souligner sa différence avec lui. Même si les journalistes ne vont pas cesser de "pilonner" le Président en pratiquant un "Hollande bashing" qui fait vendre, il va demeurer imperturbable et toujours souriant, pour souligner qu’il sait "encaisser", contrairement… à l’autre. Toujours cette même configuration : "faire différemment".

Bruno Dive : Si je voulais être taquin j'ajouterais que Nicolas Sarkozy a épousé une chanteuse et que François Hollande sort aujourd'hui avec une actrice. Il est fasciné d'une certaine manière par l'ancien Président. Souvent, il a versé dans le mimétisme des détails.

Par contre, son comportement, sa façon d'être vis-à-vis des journalistes, de ses collaborateurs est plus "urbaine", moins versée dans le conflit permanent. Ce sont deux personnages différents. Nicolas Sarkozy est plus direct, François Hollande plus fuyant.

François Hollande se réjouirait auprès de ses collaborateurs du retour politique de Nicolas Sarkozy car il est clivant... Mais Hollande a-t-il raison de se réjouir ? Est-il dans les bons calculs ?

Jean Petaux : Je ne sais pas si François Hollande se réjouit ou non du retour de Nicolas Sarkozy… En tout état de cause, si tel est le cas, c’est une réjouissance qui ne saurait être que de courte durée… Et qui serait surtout d’une rare stupidité. Raison pour laquelle je ne pense pas que le président de la République (qui est loin d’être inepte…) exprime quoi que ce soit, à ce sujet, dans un sens ou dans un autre. Ce serait commettre une singulière erreur d’appréciation que de construire sa carrière politique à venir sur telle ou telle configuration formée par le camp adverse. Si Nicolas Sarkozy l’emporte à droite sur tous ses rivaux au soir du premier tour de la présidentielle, il n’est pas certain qu’il devance pour autant le candidat de la gauche qui sera lui aussi arrivé en tête parmi ses propres concurrents de gauche. Mais l’inverse est tout à fait possible aussi pour le candidat de la gauche.

Tout porte à penser, aujourd’hui, que la "qualification" pour le second tour va se jouer dans un mouchoir de poche entre plusieurs candidats face à une Marine Le Pen quasiment assurée d’être présente dans la phase finale de l’élection de 2017 comme son père le fut en 2002 (mais sans surprise cette fois-ci). Elle peut même tout à fait se retrouver à "virer-en-tête" au soir du premier tour. Pour  Nicolas Sarkozy ou François Hollande, l’un ou l’autre "finaliste" de la présidentielle face à la candidate du FN, la détestation et le rejet actuels qu’ils inspirent à droite ou/et à gauche, dans chacun de leur propre camp et surtout dans le camp d’en face,  pour des raisons diamétralement opposées d’ailleurs, autorisent à poser clairement la question suivante : que va-t-il se passer au second tour ? Voilà le "bon calcul" qui me semble devoir être fait…

Bruno Dive : C'est en effet le meilleur adversaire possible pour la gauche en générale et François Hollande en particulier. Nicolas Sarkozy est tellement clivant et crispant qu'il a le don de refédérer l'électorat de gauche qui lui est hostile : il serait capable d'unir écologistes, frondeurs et PS !

D'autre part, Nicolas Sarkozy n'est pas un candidat qui rassemble le centre. François Bayrou pourrait se présenter. Ce qui ne serait pas forcément le cas avec Alain Juppé ou François Fillon. Sans oublier qu'avec ce débat sur les primaires, la droite et l'UMP peuvent rester divisées un bon moment.

Plutôt que de miser sur la faiblesse de son adversaire et une gauche unie, devrait-il se pencher sur son projet ? Ou ne peut-il espérer gagner que par calculs politiques (en soigant la gauche plurielle) ou concours de circonstances (notamment en cas de division à droite) ?

Bruno Dive :François Hollande ne peut s'en sortir que par un concours de circonstances. Quelques évènements porteurs pourraient changer le climat politique : peut-être le sommet mondial sur le climat qui, s'il se termine positivement, sera à porter à l'acquis de la France et de son Président. Ce n'est pas déterminant, mais peut jouer. Un tas d'autres évènements peuvent contribuer à une modification du climat : une petite reprise de la croissance, une baisse du chômage, sachant qu'il a peu de marges de manoeuvre.

Sans oublier effectivement un calcul politique aussi bien à gauche qu'à droite. Il peut soigner sa gauche plurielle (exception faite de Cécile Duflot qui est incontrôlable), mais il traite avec une attention particulière Martine Aubry pour ne pas se couper de l'aile gauche du PS, il prépare le terrain pour être prêt au cas où. Sur les divisions de la droite, il ne peut faire grand chose, mais il observe attentivement.

Si deux candidats de droite émergeaient, ce serait inespéré pour lui... Il ne faut donc pas enterrer François Hollande trop vite. N'oubliez pas qu'on l'affuble du surnom de "culbuto", il peut toujours rebondir !

Jean Petaux : Penser un projet maintenant apparaît bien tardif… D’ailleurs est-ce l’essentiel ? Quel fut le projet de Jacques Chirac pendant sa campagne de 2002 ? Qui s’en souvient ? Et pour François Mitterrand, sa longue péroraison verbeuse et creuse que fut sa "Lettre aux Français" en 1988, pour sa réélection avec un thème principal qui était : "La France Unie" (quelle audace !...) se résumait à cette formule célèbre : "Ni privatisations, ni nationalisations"… Autrement dit la "doctrine Ni-ni" que  le grand Roland Barthes en 1957 dans un des chapitres de son célèbre "Mythologies" définissait comme porteuse de "deux expédients courants de la mythologie bourgeoise"… Malgré cela, cette bouillie pour les chats que fut le texte de François Mitterrand ne l’a pas empêché de connaître une réélection triomphale face à Jacques Chirac en mai 1988.

Autrement dit, peu importe le contenu du programme du Président sortant… Nicolas Sarkozy a cru qu’il lui fallait avoir un programme très à droite pour être réélu en 2012. Funeste erreur : il a non seulement perdu l’élection mais il y a perdu aussi son légendaire sens politique. Il s’efforce de le reconstruire aujourd’hui et peut-être va-t-il y parvenir. Si François Hollande veut avoir une infime chance de se faire réélire, qu’il s’inspire des deux seuls présidents sur les quatre qui ont réussi le challenge d’être réélus une seconde fois au suffrage universel (Mitterrand et Chirac) : qu’il se taise, se fasse oublier et ne propose rien en 2017. Il lui faudrait une bonne vieille cohabitation pour parvenir à cela, comme ses deux prédécesseurs victorieux. Difficile à provoquer désormais…

Propos recueillis par Franck Michel / sur Twitter

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