Sarkozy a gagné l’UMP, Le Maire la visibilité : qu’a gagné l’UMP ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La crise de gouvernance du parti prend certes fin, mais l'expression de voix divergentes à l'UMP est désormais actée.
La crise de gouvernance du parti prend certes fin, mais l'expression de voix divergentes à l'UMP est désormais actée.
©REUTERS/Benoit Tessier

Un Président !

Nicolas Sarkozy s'impose au terme du vote à la présidence de l'UMP avec 64,5% des voix. L'UMP n'en a toutefois pas fini avec le spectre de Bygmalion et vient même de dépenser à nouveau de l'argent pour cette élection. La crise de gouvernance du parti prend certes fin, mais l'expression de voix divergentes à l'UMP est désormais également actée.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Au terme d’un vote marqué par une participation mitigée, l’ancien président de la République a été élu président de l’UMP avec 64,5% des voix. Il devance Bruno Le Maire (29,18%) et Hervé Mariton (6,32%). Si la victoire du parti est assurée pour Nicolas Sarkozy, est-elle pour autant éclatante ?

Jean Petaux : La victoire de Nicolas Sarkozy est tout autant incontestable qu’incontestablement terne. Par rapport aux ambitions initialement affichées lorsqu’il s’est engagé dans la course à la présidence de l’UMP, l’ancien président de la République pouvait espérer atteindre 85% des voix. Il termine 20 points en dessous de ce score attendu.

Au fur et à mesure du déroulement de la campagne interne, les proches de Nicolas Sarkozy n’ont cessé de revoir à la baisse le résultat espéré par leur champion. Mi-octobre, l’hypothèse d’un score sous la barre des 75% (les trois-quarts des votants) était considérée comme non-envisageable car synonyme de contre-performance. Début novembre, même les concurrents de Nicolas Sarkozy pensaient qu’il ferait plus de 70%... Au soir de l’élection il arrive sous la ligne des 65% (de très peu il est vrai mais le chiffre est symbolique). Cela veut dire que plus de 35% des votants (soit plus de 55.000 des 155.801 votants) ne lui ont pas apporté leur voix.

Rapporté à sa première élection à la tête de l’UMP, en 2004, où il avait réuni sur son nom 82% des suffrages militants, le déficit est considérable. La pratique qui consiste à revoir à la baisse les ambitions initiales est légitime et de « bonne guerre ». Mais il n’est pas inintéressant de noter que Nicolas Sarkozy a obtenu environ 100.500 voix… On pourrait même écrire : « seulement 100.500 voix »…

Pour autant, la victoire de Nicolas Sarkozy demeure incontestable. Au regard du « pataques » de l’automne 2012 entre Fillon et Copé, l’UMP est dans une situation absolument radieuse. Si le parti n’était pas perclus de dettes (plus de 70 millions d’euros) on pourrait presque dire qu’il s’est refait une santé. L’UMP a procédé, sans dommages et sans réclamations, à la désignation de son président dès le premier tour. Il a obtenu près des deux-tiers des suffrages exprimés. C’est un succès et nul ne va s’aviser de le remettre en cause. C’est un score confortable sans être « soviétique » et spectaculaire qui fait que Nicolas Sarkozy est, depuis samedi soir, un « président… normal » de l’UMP. Pas certain qu’il apprécie une telle formulation…

Bruno Le Maire gagne en visibilité avec près de 30% des voix. Qu'en penser pour la suite ?

Bruno Le Maire a fait plus que gagner en visibilité de mon point de vue. Il a obtenu 45.462 voix. Soit près de la moitié du total des suffrages qui se sont portés sur Nicolas Sarkozy. Même s’il a cru, en se lançant dans cette compétition, qu’il pouvait prétendre à un bon résultat, je ne suis pas certain qu’il aurait parié lui-même, dans le secret de ses pensées, sur ce score.

Originellement on peut concevoir que Bruno Le Maire voulait, en se présentant, prendre le dessus sur ses rivaux quadragénaires au sein de l’UMP. Désormais, eu égard à sa performance, il peut même concevoir qu’une candidature aux primaires pourrait se défendre… Non pas pour être élu (encore que tout dépendra du degré d’ouverture de ces fameuses primaires) plutôt pour renforcer le positionnement préférentiel qu’il a acquis à travers ce vote.

Mais Bruno Le Maire est dans une situation, paradoxalement, plus compliquée désormais. C’est l’inconvénient des « petits forts » par rapport aux « très faibles ». Ces derniers n’ont pas de soucis avec leur capital électoral. Ils ne représentent rien, ils ne pèsent rien, ils ne risquent pas de voir fondre leurs soutiens comme neige au soleil, puisqu’ils n’ont pas de soutien justement. Autrement dit ils sont libres.

Bruno Le Maire doit gérer désormais ses 45.000 supporters militants. Il a appelé dans ses premières déclarations publiques, sitôt connus les résultats,  au « renouveau » et au « rassemblement ». Il ne peut donc apparaître comme un diviseur si Nicolas Sarkozy pratique à son endroit la « politique de la main tendue » et celle de la « paix des braves » en lui proposant, par exemple, le poste de vice-président. Mais alors il risque d’être très vite « mangé » par l’ogre Sarkozy en étant associé aux décisions stratégiques que ce dernier, dit-on, veut prendre rapidement.

Pour autant, si Bruno Le Maire voyant le piège d’une cogestion de l’UMP avec Nicolas Sarkozy, maintient sa propre ligne, cultive ses réseaux, renforce son écurie et cherche à faire fructifier ses 30% de soutiens,  il court alors le risque d’être considéré comme un « fractionniste » et un « diviseur »… En maniant le paradoxe on peut considérer que les ennuis commencent pour Bruno Le Maire… Les ennuis d’un « nouveau riche » en politique.

Après la défaite présidentielle de 2012, la guerre Copé/Fillon pour la présidence passée du parti et l'affaire Bygmalion, l'UMP était plus affaiblie que jamais... Avec cette élection, que gagne le parti de droite ? La fin d'une longue déshérence seulement ?

Un calcul enfantin permet de faire la proposition suivante pour l’UMP. En divisant le montant estimé de la dette du parti (70 millions d’euros, hypothèse basse…) par 155.801 (nombre de militants ayant voté, soit 58,1% du corps électoral inscrit) on obtient environ 449 €. On se prend à regretter que cet « Uèmepéthon » n’ait pas été mis en place… Mais comme les militants se sont déjà fait tondre une première fois il y a peu de temps, on conçoit que le triumvirat Juppé-Fillon-Raffarin ait écarté cette solution. Ce vote censitaire aurait pu sembler également scandaleux du point de vue de la démocratie…

Toujours est-il que l’UMP n’a rien gagné dans la consultation clôturée le 29 novembre en début de soirée. Elle a même, sans aucun doute, dépensé à nouveau de l’argent pour que tout se déroule sans soucis (et ce ne fut d’ailleurs pas tout à fait le cas avec la cyber-attaque survenue 30 minutes après l’ouverture du scrutin).

Nicolas Sarkozy pourrait d’ailleurs assez vite reprocher à la direction transitoire de l’UMP d’avoir… dilapidé les subsides du parti pour une compétition qui n’avait pas lieu d’être puisqu’il était certain qu’il en serait le vainqueur… Peut-être d’ailleurs va-t-il considérer, à plus ou moins long terme, qu’organiser des primaires totalement ouvertes, avec 6 à 8.000 points de vote dans le monde entier, représente un tel coût qu’il n’est pas envisageable, vu les finances du parti, de se lancer dans une telle « folie »…

L’UMP n’a rien réglé de ses problèmes matériels et financiers dans le bon déroulement politique et juridique de l’élection du 29 novembre. Tout au plus s’est-elle épargnée d’ajouter le ridicule à la faillite et à sa banqueroute. C’est une maigre consolation, mais ce n’est pas rien quand même. Que va faire Nicolas Sarkozy pour rétablir les comptes du parti qu’il dirige de nouveau ? Va-t-il « liquider » « l’entreprise UMP » et déposer le bilan ? Je ne pense pas que la déshérence de l’UMP s’achève avec la fin de la crise de la gouvernance du parti. L’affaire Bygmalion suit son cours judiciaire et le feuilleton ne manquera pas de rebondir.

Cette élection et les résultats enregistrés témoignent-ils aussi de la fin du monolithisme à l'UMP ?

L’UMP monolithique ne l’a jamais vraiment existé. Même si la période de la présidence Sarkozy (de 2004 à 2007) a pu laisser croire qu’il n’y avait qu’une seule « tête » et que le silence régnait dans les rangs…

Pour autant vous avez tout à fait raison : aujourd’hui l’UMP est divisée en groupes d’inégales importances, mais divisée quand même.Hervé Mariton (que d’aucuns – dont les soutiens de Sarkozy - imaginaient au début de la campagne interne à 1% des voix) obtient 6,32 %des suffrages militants, soit près de 10 .000 voix (9.846 exactement). C’est absolument inespéré pour lui.

Il faut bien penser que Mariton a du se battre contre le réflexe du « vote utile » qui nuit toujours aux réputés « petits candidats » et que Nicolas Sarkozy a tout fait pour le « doubler » par la droite. Si ce dernier avait disposé encore du « stock de légitimité » qui fut le sien jadis chez les militants UMP, Mariton aurait du « exploser en vol ». Au lieu de cela le député de la Drôme a dépassé les 5% que certains (et non des moindres à l’UMP) envisageaient comme son meilleur score possible il y a encore quelques semaines…

Ajoutées aux voix de Le Maire, les voix de Mariton constituent un « bloc anti-Sarkozy » (certes non uni) au sein du parti et détruit complètement le monolithe UMP.

Dans le viseur désormais, les primaires pour la présidentielle. Primaires fermées ou ouvertes, Alain Juppé sort-il renforcé de ces résultats ? Que peut-on attendre en réaction de la part de Nicolas Sarkozy ? 

Jean PETAUX : Le nouveau président du parti qui s’est fait « piquer » par la campagne interne et par le résultat, le « totem » du « renouveau », aussi bien par Le Maire que par Mariton, ne va pas avoir du tout les coudées franches pour saborder les primaires ouvertes comme il en a bien l’intention. Et en même temps, s’il veut être désigné comme candidat de l’UMP à la présidentielle de 2017 il n’a pas le choix : il faut qu’il « cadenasse » la procédure de désignation… Au vu de son score le 29 novembre 2014, dans une élection « fermée » par nature, puisque réservée aux adhérents par ailleurs à même de voter sur Internet, s’il « ouvre » un tant soit peu, même de manière « homéopathique », le « corps électoral » des futures primaires, son noyau dur militant ne suffira pas à contenir tous les sympathisants UMP qui ne voteront pas pour lui…

J’ai effectivement le sentiment qu’Alain Juppé sort renforcé des résultats. L’un de ses plus proches, Gilles Boyer, son ancien directeur de cabinet à la mairie de Bordeaux et ancien conseiller politique lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, n’a pas dit autre chose en tweetant : « Félicitations aux vainqueurs » (avec un pluriel plutôt ravageur à l’encontre de Nicolas Sarkozy…).

En réalité je considère, au risque de me tromper, qu’Alain Juppé fait des primaires ouvertes (avec près de 3 millions de votants, comme le PS l’a fait en 2011) une question de principe… 3 millions de votants, ce n’est pas 155.801… Et pour obtenir une majorité avec 3 millions de votants, 100.000 voix ne suffisent pas !... Autrement dit Nicolas Sarkozy ne pourra pas tenir sur une ligne « anti-primaires ». Il va tenter de fermer le jeu, faute de mieux.

Mais alors il ne faut pas exclure qu’Alain Juppé, prenant à témoin l’électorat de droite, tente sa chance contre Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle, en 2017 Avec le risque et l’hypothèque Marine Le Pen. On retrouverait alors une configuration bien connue à droite depuis 1974 : Giscard vs Chaban ; Giscard vs Chirac ; Chirac vs Barre ; Chirac vs Balladur… et que le meilleur gagne… Le premier tour présidentiel tiendrait lieu de primaires. Nicolas Sarkozy aura beau crier à l’assassin, au risque de ne pas voir un candidat de droite présent au second tour, s’il a tué dans l’œuf des primaires très ouvertes (et sans danger : puisque le FN ne pèsera pas sur ce type de scrutin), il apparaîtra comme celui qui a faussé le jeu de la sélection interne à la droite et son cadenassage de la procédure de désignation se refermera sur lui.

Propos recueillis par Franck Michel / sur Twitter

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