Pourquoi il ne faut pas avoir peur de la guerre des droites - Partie 2 <!-- --> | Atlantico.fr
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Les militants de l'UMP choissent aujourd'hui leur président.
Les militants de l'UMP choissent aujourd'hui leur président.
©Reuters

Tout à l’égo

Chefs comme électeurs de droite entretiennent une relation distante avec les idées et s’intéressent plus aux hommes et contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire, ça fonctionne en fait très bien. Partie 2

Marc Crapez

Marc Crapez

Marc Crapez est politologue et chroniqueur (voir son site).

Il est politologue associé à Sophiapol  (Paris - X). Il est l'auteur de La gauche réactionnaire (Berg International  Editeurs), Défense du bon sens (Editions du Rocher) et Un  besoin de certitudes (Michalon).

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy a annoncé à plusieurs reprises au cours de sa campagne vouloir changer le nom du parti, ce que la droite a déjà régulièrement fait dans le passé, du RPF (Rassemblement du peuple français) au RPR (Rassemblement pour la République) en passant par l'UDR (Union pour la nouvelle République) et donc l'UMP (Union pour un mouvement populaire). Comment peut-on analyser cette obsession de l'utilisation des termes "union" et "rassemblement" ?

Marc Crapez : La droite place l’union au centre des préoccupations, comme en témoigne un siècle de sigles, d’organisations, où le fameux mot donne lieu à toutes sortes de combinaisons : Union Libérale Républicaine, Union Républicaine, Union Républicaine Démocratique, Union Populaire Républicaine, Union Patriotique Républicaine, Union pour la Nouvelle République, Union pour la Défense de la République, Union pour la Démocratie Française, UMP…

>> Lire également : Pourquoi il ne faut pas surtout pas avoir peur de la guerre des droites - Partie 1

Les changements de nom sont beaucoup plus fréquents à droite qu’à gauche. Cela tient notamment à un déficit de fondations doctrinales et à l’absence de démocratie interne. Douze ans d’existence pour l’UMP signifierait une durée de vie moyenne pour un parti de droite, dans une fourchette qui illustre tout de même de l’instabilité.

A l’heure actuelle, grâce à la bienveillance médiatique, Alain Juppé a subtilisé à Fillon une double posture d’homme providentiel, que ce dernier avait endossé contre Jean-François Copé. D’abord, celle du gaulliste, du prétendant par la force des choses, de celui qu’on a été cherché dans une situation critique. Ensuite, celle du « gaulliste social », ce qui ne veut plus rien dire de précis, ni politiquement ni économiquement, mais qui fait chevaleresque et plaît aux centristes. Les étiquettes restent des symboles forts.

L'UMP a été créée en 2002 afin de rassembler sous un même parti les différentes tendances de droite, gaullistes, centristes, libérales et conservatrices.  En quoi peut-on dire que la concurrence entre les dirigeants de droite s'explique aussi par les affrontements idéologiques entre les courants de pensée qui traversent cette famille politique ?

Les trois candidats favoris d’aujourd’hui, Sarkozy, Juppé et Fillon ont, derrière eux, une carrière d’apparatchiks du RPR, souvent proches de la direction de leur parti puis du cœur de l’appareil d’Etat. Leur concurrence les pousse à un "qui dit mieux" dans les réformes qui soulève l’objection : que ne les ont-ils faites lorsqu’ils étaient aux manettes ! Certains soupçonnent Sarkozy d’incliner à soutenir tout et son contraire. D’autres dressent de Fillon le portrait d’une girouette (voir ici). On peut à contrario parler de pragmatisme.

La concurrence des dirigeants ne découle donc guère des courants de pensée. Attali dit que Chirac montait le perron de l’Elysée avec ses idées et le redescendait après avoir adopté les siennes. Outre une versatilité légendaire, ce raccourci trahit peut-être une carence en matière grise et le goût du prince pour les éminences grises.

On comprend mieux pourquoi Chirac avait qualifié Juppé de "meilleur d’entre nous". Le meilleur en quoi, au juste ? Laurent Fabius fut le plus jeune premier ministre. Raymond Barre était le meilleur en économie, d’après Giscard qui l’avait qualifié de "meilleur économiste de France". En tout cas, c’était un économiste et un théoricien. Juppé, lui, serait plutôt un esprit orienté à "faire des fiches". Il épatait Chirac par son côté "incollable". Son excellence est générale mais indéterminée.

Le 2 février 2004, lorsqu’il est condamné par la justice pour prise illégale d’intérêts, Chirac énumère enfin en quoi résiderait l’excellence de son dauphin : "un homme de qualité exceptionnelle, de compétence, d’humanisme, d’honnêteté"… La justice, en revanche, déplore que Juppé ait "trompé la confiance du peuple souverain" et "maintenu la négation de faits avérés". Une négation pure et simple de données factuelles que l’on retrouve chez certains commentateurs de parti-pris.

Lors de son meeting parisien, Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir "tout rénover du sol au plafond" à l'UMP. L'ancien chef de l'Etat veut mettre fin aux courants au sein du parti et assure qu'une primaire ouverte sera organisée pour désigner le candidat du parti à la prochaine présidentielle. Ces dispositions peuvent-elles permettre à l'UMP de faire émerger son candidat sans réitérer les affrontements entre les chefs qui ont régulièrement émaillé l'histoire de la droite ?

La suppression des courants est, selon le point de vue où l’on se place, un geste gaulliste ou bien un déni de démocratie. A propos de la question des primaires, qui donna lieu à une passe d’armes au meeting de Bordeaux, certains commentateurs parlent de "traquenard" sarkozyste. En réalité, c’est Juppé qui, se sachant l’outsider, attaque la personne de Sarkozy. Lors de son passage dans l’émission politique de France 2 il a, à deux reprise, dénoncé la "fébrilité" de son adversaire. Et au meeting de Bordeaux, il a déclaré ne pas être impressionné par les mouvements de foule "pour ma part" -allusion au comportement de Sarkozy au meeting du mouvement Sens commun.

De plus, c’est Juppé qui veut à toute force remplacer une procédure le défavorisant par une procédure à son avantage : des primaires ouvertes et élargies. Ouvertes aux sympathisants et élargies aux candidats de centre-droit. Un principe que Sarkozy a accepté, sans jamais le remettre en cause. La seule nuance concerne éventuellement l’homologation comme candidat de François Bayrou, du fait de ses positionnements de centre-gauche, mais elle est de toute façon improbable, celui-ci préférant entrer en lice sous les couleurs du Modem.

Sur la question des primaires, Juppé prêche pour sa paroisse de candidat le plus centriste de l’UMP. Au meeting de Troyes, Sarkozy en a clairement accepté le principe. Et Juppé lui en a donné quitus : "Je suis totalement rassuré… Maintenant on n’en parle plus" (France 2). Par conséquent, au meeting de Bordeaux, Juppé est revenu sur sa parole en amenant une pomme de discorde. En effet, les militants désapprouvent sa proximité avec François Bayrou, auquel ils ne pardonnent pas d’avoir "trahi" Sarkozy, en 2012, en penchant du côté de François Hollande. Ce que Sarkozy vient de rappeler au meeting d’Angers.

Au meeting de Troyes, Sarkozy a précisé sa position en répondant à une question : "Si c’est pas une primaire ouverte, ça s’appelle une élection interne". Il a donc entériné la fin d’une époque, celle de la désignation par acclamation, en bureau politique, validée, à l’issue d’un simulacre de campagne, par un congrès de militants (cela ressemblait à une désignation au Politburo entérinée par le Soviet suprême).

Mais tourner la page d’un déficit démocratique n’implique pas de la démagogie. En effet, les primaires fourre-tout (dites ouvertes aux sympathisants) court-circuitent les militants, les dessaisissent de leur prérogatives. A quoi bon militer si cela n’offre aucun droit de regard privilégié et si le premier quidam venu a le même pouvoir décisionnaire ? Si l’on veut, suivant la formule consacrée, donner la parole aux militants, il faut des primaires participatives confiées à leur jugement.

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