Pourquoi Conchita Wurst fait-elle autant vendre ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Conchita Wurst était au Crazy Horse, à Paris, le 30 octobre.
Conchita Wurst était au Crazy Horse, à Paris, le 30 octobre.
©Reuters

Elle est partout

Conchita Wurst est partout. Du cabaret à la publicité, le vainqueur autrichien de l'Eurovision 2014 a acquis une vraie notoriété, bien plus pour son apparence que pour sa musique.

Emilie Coutant

Emilie Coutant

Emilie Coutant est sociologue, consultante en mode, médias, tendances, risques et addictions.
Docteur de l’Université Paris V, elle a soutenu une thèse intitulée “Le mâle du siècle : mutation et renaissance des masculinités. Archétypes, stéréotypes, et néotypes masculins dans les iconographies médiatiques” (2011). Fondatrice et dirigeante de la société d’études qualitatives et prospectives Tendance Sociale, elle réalise études et enquêtes sociologiques pour le compte d’entreprises ou d’institutions. Enseignante dans diverses universités et écoles de mode, elle est également Présidente du Groupe d’Etude sur la Mode (GEMode), rédactrice éditoriale des Cahiers Européens de l’Imaginaire et secrétaire du Longeville Surf Club.
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Atlantico :  Le personnage de Conchita Wurst est partout : dans le domaine de la mode, au Crazy Horse, dans les publicités. Pourquoi ce personnage plaît-il tant alors que son profil de chanteur autrichien drag queen à barbe et vainqueur de l'Eurovision ne le rend pas forcément "grand public" ?

Emilie Coutant : De tout temps les personnages caricaturaux ont fasciné le grand public. Dans notre société actuelle, et son paradigme de la post-modernité, on voit revenir les personnages un peu féériques, un peu fantastiques qui nous agitent un peu.

Conchita Wurst est totalement la figure qui représente le mythe de l'androgyne, de l'entierté de l'être. Cela fait revenir des choses auparavant assez vues, qui étaient tombés en désuétude, et qui ne demandaient qu'à revenir, un peu comme ces grandes figures du fantastique qui sont dans l'insonscient collectif. 

Sur quoi peut-on baser une stratégie marketing autour d'un personnage pour lequel il est a priori difficile de s'identifier ? Quels sont les ressorts du moteur commercial ?

On ne s'y identifie pas individuellement, mais on peu le faire en tant que personnalité. Conchita Wurst incarne très bien tous les masques que peut porter une identité. Hommes et femmes ne peuvent certes pas s'identifier entièrement à lui, mais au moins à une facette qui lui correspond.

Cette personne incarne les deux parts, elle donc à la fois fascinante et repoussante, et nous questionner dans notre individualité. Et ce genre de figure "venue d'ailleurs" a toujours été largement utilisée dans la publicité. Sans même parler des stéréotypes...

Comment faire durer commercialement un tel personnage dont la notoriété repose d'abord sur le "choc" de ce qu'il représente ?

Je ne sais pas si cela sera vraiment amené à durer. Il y a un côté spectaculaire dans son apparence, qui sera à un moment ou à un autre remplacé par autre chose, encore plus fascinant, ou qui questionnera d'autres facettes de l'identité. Conchita Wurst fait partie des pionniers qui bouscule les esprits actuels, et qui fait évoluer les mentalité, notamment sur les personnes transexuelles ou transgenres. Mais d'autres figures finiront par apparaître. 

Conchita Wurst reste proposé(e) au public en tant qu'artiste alors que sa discographie est encore minimaliste et à peu près inconnue du grand public. Ce personnage est-il le symbole d'une image qui fait bien plus vendre que son contenu, poussé à son extrême ?

Tout à fait. Comme je le disais, nous sommes là dans la caricature de notre société et de ses valeurs post-modernes. On a une concentration sur l'image au détriment. Et ela a commencé bien avant Conchita Wurst évidemment : dans la musique, il suffit de citer les "boys band" ou même le glam rock dans les années 70 où le bon cotôyait le médiocre qui basait son business sur une apparence qui bousculait les mentalités. Conchita Wurst s'inscrit dans un contexte où la masculinité change, où l'homme prend soin de son apparence et se défait de l'ordre viril existant. Cela arrive à un moment de boulversement, de redéfinition de toutes les définitions des masculinités.

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