Et l’INSEE révéla à l’insu de son plein gré que nous sommes entrés officiellement en déflation<!-- --> | Atlantico.fr
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Nous sommes entrés officiellement en déflation.
Nous sommes entrés officiellement en déflation.
©Reuters

Tous aux abris

A la lecture des derniers chiffres sur l’évolution des prix au mois d'octobre, on se rend compte que l'économie française est bel et bien entrée dans une phase critique.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 13 novembre, l’INSEE publiait les dernières données relatives à l’évolution des prix pour le mois d’octobre 2014 : "Les prix à la consommation sont stables en octobre 2014 ; ils augmentent de 0.5% sur un an". A priori, rien d’alarmant. Cependant, en regardant le détail des chiffres d’un peu plus près, il apparaît tout simplement que la France vient discrètement d’entrer en déflation.

En effet, si l’indice des prix à la consommation permet de refléter l’ensemble des variations de prix, il reste tout de même soumis aux humeurs des biens les plus volatils. Ainsi, afin de se faire une idée plus précise des tensions inflationnistes, il est recommandé de s’intéresser à l’indice d’inflation sous-jacente. Pour la définition, c’est l’INSEE qui en parle le mieux :

"L'indice d'inflation sous-jacente est un indice désaisonnalisé qui permet de dégager une tendance de fond de l'évolution des prix. Il traduit l'évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l'offre et de la demande. L'indice d'inflation sous-jacente est corrigé des mesures fiscales de façon à neutraliser les effets sur l'indice des prix de la variation de la fiscalité indirecte ou des mesures gouvernementales affectant directement les prix à la consommation. L'inflation sous-jacente est ainsi plus adaptée à une analyse des tensions inflationnistes, car moins perturbée par des phénomènes exogènes."

Ainsi, l’indice d’inflation sous-jacente permet une meilleure lecture de la confrontation de l’offre et de la demande. Plus la demande est forte par rapport à l’offre, et plus l’inflation sous-jacente aura tendance à progresser. Inversement, plus la demande est faible par rapport à l’offre, plus l’indice aura tendance à s’affaisser.

Et en ce mois d’octobre 2014, l’inflation sous-jacente vient de passer en territoire négatif à -0.01%. Une première historique depuis les années 30.

Inflation sous-jacente. Annuel. En %. INSEE

Un phénomène intéressant à relever est que le moment considéré comme étant le cœur de crise, c’est-à-dire entre 2008 et 2010, a bien été le témoin d’une forte baisse de l’inflation sous-jacente, mais jamais d’un passage en territoire négatif. La situation actuelle n’en est que plus alarmante car elle ne fait que traduire un écrasement progressif de la demande française. Il est également utile de rappeler que les prix sont rigides, c’est-à-dire qu’ils sont lents à réagir à un contexte donné. Ainsi, le passage de l’indice des prix en territoire négatif est bien le signe d’une accoutumance de l’économie française à la médiocrité de la demande intérieure.

Pourtant, la déflation, c’est-à-dire la baisse des prix, pourrait tout aussi bien être perçue comme une bonne nouvelle. Mais une baisse des prix consécutive à une baisse de la demande n’est en rien une bonne nouvelle. Comme peut le démontrer la graphique suivant :

Inflation sous-jacente en % et nombre de chômeurs en milliers. 1996-2014

La relation entre hausse du chômage et baisse de l’inflation sous-jacente est ici évidente. Bien qu’il n’y ait aucun phénomène de causalité entre les deux, hausse du chômage et baisse de l’inflation ne sont que les conséquences de la même cause : l’effondrement de la demande.

Cette déflation qui menace le pays depuis ces derniers mois avait pu faire l’objet d’une note de la Direction Générale du Trésor dès le mois de juin. Et l’avertissement était pourtant clair :

"Le faible niveau actuel de l'inflation en zone euro renforce la crainte d'une entrée en déflation. Or, un tel scénario aurait des conséquences macroéconomiques particulièrement défavorables. Une période de déflation (baisse durable des prix, qui se répercute sur les anticipations des agents) se caractérise notamment par un renchérissement de l'endettement en termes réels, voire un report des décisions d'investissement ou de consommation des agents".

Afin de faire face à ce risque, qui s’est aujourd’hui matérialisé, la DG Trésor apportait clairement une solution :

"Au total, 1) assurer dans l'ensemble un policy-mix plus accommodant pour la zone euro, 2) réaliser un rééquilibrage par une demande plus soutenue dans les pays ayant le plus de marges de manœuvre contribuerait à diminuer le risque déflationniste."

Mais les conseils n’ont pas été suivis d’effets. D’une part, la Banque centrale européenne est restée muette. D’autre part, l’Europe et la France ont continué à se fourvoyer dans une voie sans issue. L’austérité monétaire et l’immobilisme budgétaire sont la politique de la France. C’est ainsi que François Hollande est devenu, ce 13 novembre, le Président d’une France en déflation. Une situation sans précédent depuis 80 ans.

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