Fonctionnaires ou salariés du privé, qui est le mieux loti ? Partie 4 : les retraites <!-- --> | Atlantico.fr
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Privées ou publiques, les caisses de retraites complémentaires sont pointées du doigt et menacent de s'épuiser.
Privées ou publiques, les caisses de retraites complémentaires sont pointées du doigt et menacent de s'épuiser.
©Reuters

Série “Le match public-privé”

Privées ou publiques, les caisses de retraites complémentaires sont pointées du doigt et menacent de s'épuiser. Pour combler les trous, le gel de ces dernières est d'ores et déjà envisagé. Quatrième partie de notre dossier consacré aux différences de traitement entre fonctionnaires et salariés du privé.

Vincent Touzé

Vincent Touzé

Vincent Touzé est économiste senior au département des études de l'OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Economiques).

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Atlantico : L’Union mutualiste retraite (UMR) va baisser de 30% les rentes versées principalement à des enseignants retraités afin d'assurer l'avenir de ce régime par capitalisation. Plus généralement, le rendement du régime de Retraite additionnelle de la fonction publique est pointé du doigt par la Cour des comptes et pourrait à terme disparaître. Côté privé, les réserves de l'Arrco (pour les salariés) pourraient être épuisées en 2024 et celles de l'Agirc (pour les cadres) dès 2018. Pour combler les « trous », il est d'ores et déjà quasi assuré que le 1er avril 2015 les retraites complémentaires seront, comme au 1er avril 2014, gelées. Sur le plan des retraites complémentaires, vaut-il mieux aujourd'hui être issu du public ou du privé ? Et demain ?

Vincent Touzé : Le financement des régimes de retraite complémentaire est problématique tant pour le secteur public que le secteur privé. Pour le secteur privé, l’Arrco (ensemble des salariés en dessous du plafond de sécurité sociale, salariés non cadres au-dessus du plafond) et l’Agirc (cadres à partir du plafond de sécurité sociale) sont deux régimes obligatoires de retraite par répartition (les cotisations financent directement les pensions).

Toutefois, ces deux régimes disposent d’un fonds de réserve accumulé dans le passé afin de lisser au mieux les conséquences financières liées à l’entrée à la retraite des générations massives du baby-boom. Malheureusement, la crise économique a mis à mal le régime tant du point de vue de la faiblesse des recettes de cotisation (plus de chômeurs qui ne cotisent pas, pas de croissance des salaires) que des rendements des actifs détenus par le fonds réserve.

Au final, l’Agirc est le régime le plus pénalisé car la hausse du plafond de sécurité sociale a été plus forte que le salaire moyen, ce qui a réduit de facto le montant des cotisations au-dessus du plafond et aussi parce qu’avec la crise, les postes de travail libérés par les cadres partant à la retraite n’ont pas été nécessairement pourvus avec le statut cadre. Dès lors que les fonds de réserve seront épuisés (2018 pour l’Agirc, 2024 pour l’Arrco), ces deux régimes de retraite complémentaire n’auront pas d’autres choix que d’ajuster à la baisse les pensions à défaut d’augmenter les taux de cotisation.

Pour l’Union mutualiste retraite, la situation est différente. L’UMR est un régime facultatif par capitalisation (les cotisations sont investis dans l’économie ; les intérêts capitalisés et la vente de certains investissements financent les pensions). Il s’adresse en particulier aux salariés de la fonction publique. Il semblerait que les pensions accordées par le passé allaient au-delà de la véritable capacité de financement de l’épargne accumulée. L’application de la réglementation "solvabilité 2" a révélé cette faille. Les gestionnaires de la caisse ont été contraints de réviser le montant des pensions de façon à retrouver l’équilibre actuariel. C’est une mauvaise nouvelle pour les retraités adhérents à cette caisse. Le problème général des retraites est qu’à trop vouloir promettre, on ne peut faire que des déçus.

Le Retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) est un nouveau régime qui est  né après la réforme de 2003. Ce régime a été créé pour compléter la pension de base qui n’intègre que le traitement indiciaire et non l’ensemble des montants perçus. Ce nouveau régime est obligatoire et est gérée par  capitalisation. Un taux de cotisation de 10% (5% salarié / 5% employeur) est appliqué sur les rémunérations hors traitement de base : supplément familial de traitement (SFT), indemnité de résidence, primes et indemnités diverses perçues, heures supplémentaires, avantages en nature, etc. Le montant total de la cotisation ne peut dépasser 20% du traitement indiciaire. Ce nouveau régime est original dans le paysage français des retraites car il est assimilable à un fonds de pension.

Tous ces régimes complémentaires ont la même caractéristique : il s’agit de régimes à cotisations définies. Les cotisations versées pendant l’activité sont converties en points qui s’accumulent. A la retraite, le capital de points est converti en rente.

Pour les fonctionnaires, la retraite est calculée sur les six derniers mois de salaire, en intégrant très peu les primes, pour le privé, le calcul se fait sur les 25 meilleures années, sur la quasi-totalité de la rémunération. Public ou privé, qui est gagnant sur le plan des pensions directes ? Qui le sera demain ? Une étude du COR, publiée en février, a comparé les "taux de remplacement" de différents profils de retraités, en fonction de différents types de carrière. L'étude montre que ce taux de remplacement du dernier salaire dépasse les 70 % pour un non-cadre du privé ou un enseignant du public. En revanche, il s'établit autour de 55 % pour un cadre du privé ou pour un cadre du public de catégorie A avec un fort taux de primes. Moralité public ou privé, mieux vaut être non cadre ?

Deux régimes de retraite, cela induit deux formules de calcul qui appliquent respectivement des taux de remplacement :

  • sur un salaire moyen mal indexé (inflation au lieu de la croissance des salaires) sur 25 ans (avec tous les aléas de carrière possibles) pour les salariés non fonctionnaires ;
  • ou sur le dernier salaire perçu (en général, salaire le plus élevé dans la mesure où le salaire croît avec l’âge) pour le secteur public (fonctionnaires).

Si on laissait le choix aux salariés entre les deux formules, il est fort probable qu’ils choisiraient à l’unanimité la seconde formule car elle paraît plus avantageuse. L’exemple est criant lorsqu’on compare la pension d’un enseignant employé dans une école publique par rapport à celle d’un enseignant employé dans une école privée (sous contrat, ce qui niveau d’étude équivalent et la réussite d’un concours). La création, en 2005, d’un régime additionnel de retraites est censé compenser l’écart à terme mais les difficultés de financement semblent nombreuses.

Cet avantage n’est que relatif car les pensions de la fonction publique ne sont calculées que sur le traitement de base et n’incluent pas (ou un peu depuis la création de la RAFP) les éléments additionnels de rémunération. Une étude de Bercy de 2012 montre que les situations individuelles peuvent présenter une importante dispersion.

Une étude du Conseil d’Orientation des Retraites de 2009 donne une illustration intéressante des différences de taux de remplacement sur le dernier salaire entre fonction publique et secteur privé pour la génération née en 1934. Ce tableau montre que les différences entre secteurs privé et public seraient faibles pour cette génération. La dernière publication du COR de juin 2014 confirme de faibles écarts pour les générations nées au début des années 1940. Toutefois, il faut nuancer car les importantes réformes ont surtout frappé  les générations nées depuis la fin des années 1940 et elles n’ont pas (ou peu) concerné le secteur public.

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Si l’Etat veut attirer les travailleurs les mieux qualifiés et les plus habiles, il peut paraître normal qu’il use d’une politique salariale généreuse en termes de droits à la retraite. La principale limite à une telle générosité est sa capacité à la financer. Aujourd’hui, l’Etat français est paralysé par son surendettement et son incapacité à résorber le déficit. Il ne faudrait pas que les généreuses promesses passées soient une pierre d’achoppement préjudiciable au bon fonctionnement des services publics et, par ricochet, à l’économie française.

La difficulté à financer les retraites dans le futur, et en particulier celles du secteur public, est une source d’incertitude majeure. Les promesses n’ont aucune garantie car on ne peut pas indéfiniment financer les retraites en ayant recours à la dette publique.

L'âge moyen de départ effectif des fonctionnaires d'Etat devrait être de 58,7 ans en 2025, de 61,2 ans pour la SNCF, de moins de 59 ans pour la RATP, alors qu'au même moment il devrait osciller entre 63 et 64 ans pour le privé. La tendance est-elle à un rapprochement de l'âge des départs à la retraite ou il fera toujours meilleur vivre dans le public ?

Les différences d’âge de départ de la retraite doivent refléter des différences d’espérance de vie et tenir compte des conditions de travail en termes de pénibilité. En ce qui concerne la pénibilité, il appartient à la société d’organiser l’intégration des travailleurs vieillissants dans le système productif. Cela peut nécessiter de la formation professionnelle et des adaptations des postes de travail rendues possibles grâce aux progrès technologiques.

En ce qui concerne l’espérance de vie, il serait intéressant de disposer d’indicateurs objectifs qui tiendraient compte des parcours professionnels (exposition à des risques pour la santé) ainsi que des caractéristiques sur les états individuels de santé (fumeur, pathologies cardiaques, handicaps, etc). Ces indicateurs pourraient être utilisés pour déterminer des montants de pensions et des âges de la retraite actuariellement neutres, c’est-à-dire équitables pour ceux qui ont objectivement une espérance de vie plus courte que les autres. Au Royaume-Uni, le fait d’avoir fumé, par exemple, permet de bénéficier d’une pension plus élevée.

Les avantages supplémentaires offerts par l’Etat en tant qu’employeur sont légitimes s’ils répondent à des objectifs d’équité et s’ils sont finançables à long terme.

Sur le plan des avantages annexes du type pensions de réversion (destinées aux conjoints après le décès d'un assuré), bonus de retraite ou annuités de cotisation en fonction du nombre d'enfants, où fait-il bon travailler ?

Ces avantages annexes peuvent apparaître plus généreux dans la fonction publique. Dès lors que l’Etat en tant qu’employeur est capable de les financer sans compromettre ses missions premières de service public, une telle générosité n’est pas économiquement préjudiciable.

Dans le secteur privé, il existe aussi d’autres avantages mais pas accessibles de la même façon à tous les salariés. Par exemple, dans les grandes entreprises, les dispositifs d’épargne salariale bénéficient d’une fiscalité attractive et peuvent conduire à la réalisation d’importantes plus-values auxquelles s’additionnent les dividendes cumulés et des abondements par l’employeur.

Propos recueillis parFranck Michel / sur Twitter

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