Parler pour ne rien faire
Comment nous laissons nos enfants désarmés face à l’hypersexualisation de la société à force d’abuser de polémiques 100 % idéologiques à la "Zizi sexuel"
L'association SOS Éducation fait circuler une pétition demandant aux directeurs d'école d'informer les parents sur le contenu de l'exposition "Zizi sexuel" déjà présentée à Paris en 2007, basée sur la BD "Titeuf" de Zep. La polémique enfle autour de ce "groupement de citoyens qui œuvrent pour exiger de l'école qu'elle remonte ses standards". Une controverse plus contre-productive qu'autre chose.
Atlantico : Au total, plus de 38 000 signatures ont été rassemblées en ligne, selon le site de l'organisation SOS Education. Cette réaction cache-t-elle en réalité une démission généralisée autour de l'éducation sexuelle en France ?
Gisèle George : Pour qu'il y ait démission, il faudrait qu'il y ait une tentative. Mais en France, on reste dans le non-dit. Les choses ont évolué dans le temps. Les premiers cours d'éducation sexuelle à l'école ont toujours été des cours de la mécanique sexuelle, c'est à dire sur le plan anatomique. Déjà un grand pas en avant dans les années 70, mais il n'y a jamais eu de cours de la relation sexuelle.
Dans les familles, toujours dans les années 70, une chose est restée constante : il n'était pas question de parler de sexe, à l'exception des familles hippies où la sexualité était vomie sur la table, pendant les repas ou réunions familiales entre amis. Il en a résulté une peur du sexe pour les enfants, car ils traversent à un moment donné de leur vie une phase pudibonde. Il n'est pas possible de nager au milieu de la piscine sans être passé par le petit bain. L'apprentissage doit être progressif.
Dans les années 80 et 90 sont sortis de plus en plus de films pornos et des outils plus trashs (magazines et autres). Mais encore une fois, il n'est pas question de sexualité "normée" si je peux me permettre. Les enfants ont par la suite avec internet eu accès à de plus en plus de chaînes à caractère pornographique. Résultat, leur apprentissage de la sexualité passe par ces vecteurs là. Ils n'ont plus de demande d'éducation sexuelle auprès de leurs parents ou de l'école puisqu'ils sont convaincus de prétendre à cette éducation via les chaînes internet à caractère pornographique. Alors qu'en réalité, il n'est question que de ringardises et de clichés.
Là où s'est opérée la démission, c'est que tout pouvoir a été laissé à Internet d'éduquer nos enfants, et surtout en matière sexuelle.
Le délégué général de SOS Éducation déclare ne pas vouloir : "que ce soit Titeuf qui s'occupe de l'éducation sexuelle des enfants". Mais personne (école, parents ou pouvoirs publics...) ne semble prêt à éduquer sexuellement nos enfants. Comment en est-on arrivé à ce paradoxe entre société hypersexualisée d'un côté et pudeur excessive de l'autre ?
Abandonner nos enfants à leur propre sexualité dans une société hypersexualisée et s'étonner des récentes dérives dans les collèges ou lycées... N'est-il pas aussi et surtout question d'hypocrisie ? De déni ?
En effet, de déni. Par exemple, je recevais des patients : une mère et son fils de 12 ans. J'indiquais à la mère la préparation d'une interview avec Atlantico sur la prostitution dans les collèges. Interpellant la mère sur le sujet, cette dernière m'affirmait n'en rien savoir. J'ai alors posé cette même question à son fils de 12 ans qui, sans sourciller, affirmait en avoir entendu parlé dans son propre collège. Sa mère, médecin, était au bord de l'apoplexie. Reprochant à son fils de ne jamais lui en avoir parlé, ce dernier lui a rétorqué qu'elle ne lui avait jamais posé la question... La mère m'a par la suite interpellée - seule - en s'étonnant, s'imagineant difficilement parler de prostitution, de fellation, à un enfant de 12 ans. Un exemple somme toute révélateur...
Il est aussi difficile à envisager que ce soit possible pour les parents. Ces derniers pensent d'ailleurs que s'ils en parlent trop tôt, ils risquent de donner des idées aux enfants et que s'ils n'en parlent pas, il ne se passera rien. Il est question de se voiler la face d'une certaine manière. Un peu comme dans les années 70, certains redoutaient de donner la pilule à des jeunes femmes de peur qu'elles ne se prostituent !
École, parents ou pouvoirs publics... Comment reprendre la main en faveur d'une véritable éducation sexuelle pour nos enfants ? Et comment cette dernière doit-elle se traduire ?
L'école et les pouvoirs publiques pourraient reprendre la main en invitant des spécialistes à venir répondre aux questions des enfants, conduire des conférences. Des cours sur la sexualité pourraient également être envisagés, mais pas seulement sur les questions de prévention autour des MST. En Suisse, les enfants ont des cours sur la nutrition, pourquoi pas sur la sexualité ! Il n'est évidemment pas question de visionner des pornos, mais de travaux pratiques et de questions / réponses.
En ce sens, il faut surtout que les parents ne constituent pas un frein. Imaginez la réaction du mouvement précité face à des cours sur la sexualité dans les écoles...
L'exposition en elle-même se veut "une vision positive et joyeuse de l'amour et de la sexualité qui est présentée". Une bonne idée et une approche à généraliser ?
Des conseils aux parents en particulier ?
Les parents doivent pouvoir aujourd'hui réussir à parler de la sexualité à leurs enfants et de les éduquer à ce titre, comme ils les éduquent très bien au niveau de l'hygiène. Chose extraordinaire, les enfants n'en seront que plus épanouis et vous ne les aimerez que davantage. Parents, prenez votre courage à deux mains. Dialoguez avec vos enfants autour des chaînes qu'ils regardent sur YouPorn, profitez-en pour leur présenter une autre vision de la sexualité.
Cela ne peut être que bénéfique. La sexualité de nos enfants doit être quelque chose de positif. La plupart des couples qui vont mal sont des couples dont la sexualité va mal. Et ce n'est pas la mécanique qui pose problème ! Tendresse, caresses, les parents doivent expliquer aux enfants que la sexualité, c'est de l'amour.
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